NIACIN – Organik
D’après Billy Sheehan, Niacin ne serait un projet prioritaire pour aucun de ses membres. En tout cas, ils doivent avoir un certain plaisir à se retrouver ensemble puisqu’ils publient ici leur septième album (dont deux en Live). Leur premier, « Niacin », date déjà de 1996.
En bref, voici le pedigree de ces trois virtuoses :
- En 1979 et jusqu’au milieu des années 1980, le bassiste Billy Sheehan officie dans Talas, un groupe « Hard Rock » de Buffalo (New York). Ensuite, il acquiert une grande visibilité en intégrant la formation du flamboyant chanteur et acrobate David Lee Roth, peu après son départ de Van Halen en 1985. Ses relations avec le guitariste Steve Vai, au jeu vite envahissant à l’époque, le pousse à aller avoir ailleurs et, en 1988, il démarre une nouvelle vie en fondant, avec le guitariste Paul Gilbert, Mr Big, qui rencontre également un beau succès, et qui l’occupe une bonne partie des années 1990. Depuis 1996, Niacin apparaît régulièrement dans sa carrière, bien qu’entrecoupée d’autres projets et associations. Par exemple, en 2001, il publie un excellent premier album solo, « Compression », dans lequel il manie également les guitares et dans lequel il ne démérite pas au chant, dans un registre vocal rappelant souvent Van Wilks. On y retrouve également en invité son ancien compère Steve Vai et le batteur Terry Bozzio (Frank Zappa, UK, Missing Persons, …). En 2002, il s’associe avec ce même Terry Bozzio pour enregistrer un album inclassable, sombre, parfois coriace, techniquement impressionnant, « Nine Short Films ». Ses autres collaborations, ponctuelles et d’ampleurs diverses, sont nombreuses (Cozy Powell, G3, Derek Sherinian, Glenn Hughes, …). En toute logique, il se retrouve régulièrement primé pour ses qualités de bassiste virtuose, qui lui permettent de passer aisément du « Rock » le plus Hard à la Fusion « Jazz-Rock », parfois carrément expérimentale.
- Les influences du claviériste John Novello sont plus spécifiquement marquées par le « Jazz-Rock ». S’il a travaillé avec Chick Corea, Mark Isham et l’ex-Police Andy Summers, il a également réalisé, à partir de 1990, plusieurs albums en solo. Le dernier, « Threshold », est sorti en 2004 sous le nom du John Novello Band. En outre, il enseigne et se révèle être un compositeur prolifique dans différents genres, musiques de films comprises. L’utilisation dynamique et intense de l’orgue Hammond par ce Maître des claviers constitue une véritable marque de fabrique de Niacin.
- Le batteur Dennis Chambers fait également partie de la mouvance « Jazz-Rock ». Très demandé, il passe d’un projet à l’autre avec une régularité et une aisance stupéfiante. Ainsi, on le retrouve avec les plus grands : les guitaristes John Scofield, Mike Stern, John McLaughlin et Carlos Santana, les saxophonistes Bob Berg et Bill Evans, les bassistes Victor Bailey et Stanley Clarke, les claviéristes Tom Coster et George Duke, et bien d’autres. En définitive, c’est un batteur de la dimension de Billy Cobham et Alphonse Mouzon, avec un jeu inspiré et virevoltant, légèrement moins exhibitionniste, ne revendiquant jamais aucun leadership dans les associations auxquels il participe et n’intégrant que rarement ses propres compositions. Il a réalisé quatre albums en solo, dont l’excellent « Outbreak » en 2002, avec une pléiade d’instrumentistes de son gabarit (Michael et Randy Brecker, John Scofield, Gary Willis, Bob Malach, Will Lee, …). Un technicien idéal !
Sauf indiqué, toutes les compositions sont du duo John Novello et Billy Sheehan. En voici les titres (61’44) :
- « Barbarian & The Gate » (2’57)
- « Nemesis » (4’00)
- « Blisterine » (John Novello/Billy Sheehan/Dennis Chambers) (5’33)
- « King Kong » (Frank Zappa) (7’20)
- « Super Grande » (4’57)
- « Magnetic Mood » (6’39)
- « Hair of the Dog » (4’18)
- « 4’5 3 » (4’17)
- « Stumble on the Truth » (3’48)
- « Club Soda » (4’31)
- « No Shame » (4’26)
- « Clean House » (4’21)
- « Footprints in the Sand » (4’31)
En fait, si l’écoute de cet album totalement instrumental amène beaucoup de satisfactions, le niveau exceptionnel de leur dernier enregistrement en studio, « Time Crunch », publié en 2001, n’est que plus rarement atteint et maintenu. Evidemment, la puissance, la précision et la brillance technique du trio restent indéniables et constantes, mais les compositions s’avèrent généralement un petit cran en dessous.
La première pièce, « Barbarian & The Gate » est une espèce de cavalcade ultra rapide et éblouissante, surtout dans le chef d’un Dennis Chambers époustouflant. Les deux plages suivantes intéressent sans passionner, malgré quelques passages épiques.
Comme pour chaque album, outre les compositions du duo Sheehan/Novello, le trio s’aventure dans la reprise retravaillée d’un « classique ». Après « Birdland » de Joe Zawinul, « Hang Me Upside Down » de Chick Corea, « Meanstreet » de Van Halen, « Red » de King Crimson, « Blue Wind » de Jan Hammer, …c’est au tour de Frank Zappa avec « King Kong ». Etrangement, le résultat rappelle plus le Free Spirits de John McLaughlin, avec le claviériste Joe DeFrancesco et Dennis Chambers, que la pièce originale de Zappa. Intéressant !
Si « Super Grande » croise merveilleusement Chick Corea et le Santana Band de la deuxième époque, « Magnectic Mood » est lui un petit chef-d’œuvre. Les parties de John Novello, à l’orgue surtout, y sont sublimes, et le duo rythmique fonctionne comme une horloge au mécanisme sophistiqué. Il faut également noter la belle débauche contrôlée des trois instrumentistes en plein milieu de cette composition superbement structurée.
« Hair of the Dog » surtout, et « 4’53 » naviguent agréablement dans les eaux de Return to Forever et du Mahavishnu Orchestra, deuxième et troisième mouture surtout (avec Narada Michael Walden et Ralph Armstrong).
Dans un schéma plus semblable, les cinq plages suivantes affichent à nouveau la virtuosité des trois musiciens et leur vitesse d’exécution impressionnante. John Novello se démène inlassablement sur ses orgues, sans retenue mais avec goût, soutenu et complété par la basse claquante et vigoureuse de Billy Sheehan, et la batterie déferlante de Dennis Chambers.
L’album savoureux d’un groupe qui a montré dans le passé qu’il pouvait encore mieux faire !
Pays: US
Magna Carta MAX-9081-2
Sortie: 2005/10/25