QUICKSAND – Distant populations
Peu connu sous nos latitudes, Quicksand n’en demeure pas moins un groupe important de la deuxième division du rock alternatif et post-hardcore américain des années 1990. Parce que des confrères de haute stature comme Helmet ou Fugazi occupaient déjà le créneau étroit du post-hardcore après la décomposition du grunge, Quicksand n’a pas pu creuser un large trou sous le soleil et a dû se contenter de frôler le succès en retombant à chaque fois de quelques marches sur le podium.
Formé en 1990 à New York par l’ex-Youth Of Today Walter Schreifels (guitare et chant), Quicksand trouve vite une équipe stable avec l’ajout de Tom Capone (guitare, ex-Bold, ex-Beyond), Alan Cage (batterie, ex-Burn et aussi ex-Beyond) et Sergio Vega (basse, ex-Collapse, ex-Absolution). Six semaines après la formation, Quicksand est déjà en mesure de faire circuler un EP éponyme de quatre titres. Ceci lui ouvre la possibilité de tourner en Amérique et en Europe auprès de Fugazi, Helmet, Rage Against The Machine, Anthrax et White Zombie.
La chance arrive avec une signature chez Polydor qui entraîne la publication du premier album ʺSlipʺ début 1993. Bien placé dans la vague post-hardcore, grunge et métal alternatif de cette époque, Quicksand tourne intensivement, notamment avec Offspring, et il effectue pas moins de 250 concerts pour promouvoir son album. Les efforts paient avec le deuxième album ʺManic compressionʺ (1995) qui sort sur Island et qui vient se placer à des hauteurs intéressantes dans le Billboard (135e) et le Top Heatseekers (9e place). Mais la pression de la tournée est trop forte et Quicksand connaît une première séparation au moment où il récoltait les fruits de son labeur.
Chacun des membres vaque à quelques occupations musicales mais le désir de reformer Quicksand se fait rapidement sentir et le groupe est à nouveau sur les rails en 1997. Des concerts ont lieu début 1998, un album est mis en chantier mais ici, même limonade, la pression et des tensions internes renvoient Quicksand dans les limbes en 1999, alors que l’album prévu ne verra jamais le jour.
Les années passent, Walter Schreifels s’occupe avec Rival Schools (trois albums), puis Walking Concert (deux albums). Tom Capone joue dans Instruction, un groupe alternatif new-yorkais actif entre 2002 et 2006 (un album). Quand à Sergio Vega, c’est lui qui tire la meilleure paille avec une intronisation chez les Deftones, d’abord en tant que membre de tournée à partir de 1998, puis membre officiel à partir de 2009.
Puis, de fil en aiguille, Quicksand se reforme progressivement avec ses membres originaux, d’abord à l’occasion de concerts isolés à partir de l’été 2012, puis une tournée plus conséquente l’année suivante, des rumeurs d’activités en studio, qui finissent par aboutir à un nouvel album ʺImpressionsʺ en 2017. Avec une 142e place au Billboard, plus une incrustation dans le Top 10 de trois autres charts rock indépendant américains, cet album marque le grand retour de Quicksand, toujours fidèle à sa ligne post-hardcore et rock alternatif, avec bien sûr un peu plus de mélodie en raison de la maturité de ses membres, désormais proches de la cinquantaine.
Mais c’est finalement après avoir franchi cette fameuse cinquantaine que les garçons de Quicksand transcendent leur art avec un excellent nouvel album ʺDistant populationsʺ, sorti sur le label Epitaph, comme le précédent. Dès les premières notes de ʺInversionʺ, ce sont toutes les années 1990 qui recommencent, avec cette lourde basse, ces guitares menaçantes et ce chant un peu éraillé qui n’est pas sans rappeler Nirvana. La mise en place est efficace, notamment avec l’excellent ʺLightning fieldʺ tendu comme les nerfs d’un intellectuel afghan voyant arriver près de lui un camion de talibans. Un ʺColossusʺ au nom bien porté vient donner des coups de bottes au cours d’un gros mid-tempo martial avant que ʺBrushedʺ ne vienne un peu calmer le jeu avec un rythme plus cool et un lit de guitares acoustiques. On inaugure alors une phase plus apaisée qui n’est jamais complètement exempte d’explosions localisées (ʺKatakanaʺ, ʺMissile commandʺ, ʺPhase 90ʺ). On remarque toujours le formidable travail de basse de Sergio Vega qui bourrine avec doigté sa puissante quatre-cordes.
On remet un peu de plutonium dans la locomotive à l’approche de la fin de l’album, avec un ʺPhilosopherʺ qui vient nous boxer le bout du nez. L’interlude bruitiste ʺCompacted realityʺ n’était pas nécessaire ici mais on se rattrape avec ʺEMDRʺ et ʺRodanʺ qui font à nouveau trembler le sol en émettant des ondes directement captées dans une faille spatio-temporelle remontant aux années 90. C’est vrai que cet album aurait pu tranquillement sortir en 1994, personne n’aurait rien trouvé à redire.
Les gens de Quicksand ont donc finalement retrouvé le fil qui les menait vers le succès il y a près de trente ans et on ne peut qu’espérer qu’ils le tiennent fermement entre leurs petits doigts car cette fois, avec ʺImpressionsʺ et ʺDistant populationsʺ, le coffre au trésor n’est plus très loin.
Le groupe :
Walter Schreifels (guitare et chant)
Alan Cage (batterie)
Sergio Vega (basse)
L’album :
ʺInversionʺ (2:38)
ʺLightning Fieldʺ (2:23)
ʺColossusʺ (3:18)
ʺBrushedʺ (3:35)
ʺKatakanaʺ (2:35)
ʺMissile Commandʺ (3:24)
ʺPhase 90ʺ (3:34)
ʺThe Philosopherʺ (3:27)
ʺCompacted Realityʺ (1:10)
ʺEMDRʺ (2:59)
ʺRodanʺ (3:23)
https://quicksandnyc.bandcamp.com/album/distant-populations
https://www.facebook.com/QuicksandNYC
Pays: US
Epitaph Records
Sortie: 2021/08/13