OBUEDIAN RAPH – Pahilcé koot
Obuedian Raph n’est autre que l’anagramme du nom et le raccourcissement du prénom de Raphaël Beaudouin, paisible citadin de la commune de Bois-Guillaume, au nord de Rouen, inscrit à la Sécurité Sociale, en règle avec les impôts, fils modèle, tout. Seulement, ce garçon ne rentre pas dans les clous dans tous les domaines. Le domaine musical, en effet, révèle chez lui certaines déviances, des tendances néfastes à la dissidence. Alors que les gens de son âge écoute Kanye West ou Ed Sheeran, Raphaël Beaudouin voue un culte à des groupes prog avant-gardistes indéfendables aux yeux du tout-venant, comme Pryapisme, Igorrr, Mr Bungle, Pin-Up Went Down, CHON ou les plus classiques Gentle Giant. Un truc à se faire dénoncer par les voisins, à finir en maison de redressement, rejeté par tous, même les anciens copains de lycée. Une horreur, quoi…
Alors, le bon Raphaël Beaudouin en est quitte pour vivre dans l’ombre, reclus dans sa maison avec son double Obuedian Raph, planqué dans une chambre transformée en studio de fortune et passant son temps à bricoler des morceaux de musique tenant à la fois du néo-prog et d’influences plus anciennes. Son premier album ʺPahilcé kootʺ (encore un jeu de mots qui veut certainement dire il s’écoute pas) sort ainsi, fait maison, conçu de A à Z en mode artisanal. Raphaël joue de tous les instruments mais il ne chante pas.
Et c’est là le grand drame de ce disque dont les titres délicieusement délirants pouvaient faire espérer du texte de haut vol. Quand on découvre sur la pochette des intitulés comme ʺDes CD décédés sont des disques mortsʺ, ʺTravail, famille, batterieʺ, ʺQuiche portative à 2 vitessesʺ, ʺD’un coup de guinguette magiqueʺ, ʺHorreurs boréalesʺ, ʺBalade banale d’une banane banaleʺ, ʺIl effraie, mon poissonʺ, ʺJeanne Darkʺ ou ʺOn n’a pas tous les jours 20 tempsʺ, on s’attend à trouver de la littérature capricieuse, du texte fou, du Raymond Queneau ou du Georges Pérec passé en sas de compression, du Céline punkifié, du Roger Nimier intrépide. Bref, un truc qui aurait enterré pour de bon les inepties parolières de Lou Doillon ou les crétineries synthétiques d’Etienne Daho. Eh bien non, tout ici est instru. Mais attention, de l’instru mental, quand même. Parce que du côté du délire sonore, on facilite, on envoie l’auditeur dans un grand huit prog à mort mais judicieusement dingo.
Raphaël Beaudouin ne se donne aucune limite et aime faire rebondir ses compositions dans tous les sens, adoptant souvent des chauds et froids entre douceur et lourdeur, une guitare heavy en diable venant bousculer des structures toutes en dentelle délicatement élevées à l’aide d’un piano ou d’un accordéon. Son travail sur la batterie polyrythmique est tout simplement phénoménal. Il y a toujours une touche inattendue ici ou là, un coup de clarinette, un bruit de clochette. On a parfois l’impression d’avoir affaire à un orchestre philharmonique tellement il y a de sons en jeu. Mais non, l’homme est seul dans son salon, empêtré dans les câbles, fiévreux devant sa console, impérial sur sa guitare ou sur sa basse.
Voilà ce qui arrive quand on n’est pas compris de ses contemporains qui préfèrent se vautrer dans la vulgarité facile. On est obligé de se retirer sur son Aventin pour concevoir ses propres rêves, désormais incompris d’un monde moderne décérébré. Mais que Raphaël Beaudouin se rassure, il y a dans le grand monde des oreilles qui comprennent son monde intérieur, qui entendent ses influences classiques appartenant à un passé glorieux. Ce qu’il nous livre ici a des racines vérifiées et on retrouve donc des sentiers déjà connus des amateurs, mais sa démarche de franc-tireur amoureux des temps anciens est touchante. Raphaël Beaudouin est en quelque sorte une arrière-garde de l’avant-garde. Il ferme la marche d’un mouvement historique en en rallumant les feux. Comme ça, gratuitement, pour le plaisir.
Le groupe :
Raphaël Beaudouin (tout)
L’album :
ʺPaysage Imaginaire Musical & Sonoreʺ (00:59)
ʺChacovre VS Cochon Dingueʺ (03:12)
ʺMega Turbo 3000ʺ (01:14)
ʺDes CD Décédés Sont Des Disques Mortsʺ (02:49)
ʺMalagmatum Inmorandoʺ (02:45)
ʺTravail, Famille, Batterieʺ (03:47)
ʺ_Tiret-Du-7_ʺ (02:51)
ʺQuiche Portative A 2 Vitessesʺ (01:33)
ʺFou Artistiqueʺ (00:27)
ʺD’un Coup De Guinguette Magiqueʺ (02:09)
ʺThe Son Of Euthoorysmʺ (02:59)
ʺHorreurs Boréalesʺ (03:54)
ʺBalade Banale D’une Banane Banaleʺ (02:34)
ʺExcellent Ce Titre ! ʺ (03:53)
ʺIl Effraie, Mon Poissonʺ (01:37)
ʺLa Grande Barrière De Choraleʺ (02:33)
ʺJeanne Darkʺ (04:47)
ʺOn N’a Pas Tous Les Jours 20 Tempsʺ (03:39)
ʺWolfgang Amadeus Bizarreʺ (03:27)
ʺTerminado La Rigoladaʺ (03:33)
https://obuedianraph.bandcamp.com/releases
https://www.facebook.com/Obuedian-Raph-110945333886648
Pays: FR
Autoproduction
Sortie: 2020/04/08