LOTUS TITAN – Odyssées
Originaire de Toulouse, Lotus Titan est un groupe que l’on pourrait qualifier de rétro-futuriste. Avec sa culture rock progressive qui va des anciens (Soft Machine, King Crimson) aux modernes (le post rock, Heliogabale…) et sa façon particulière d’énoncer ses textes très littéraires, ce groupe sert de liant entre l’esprit libertaire des années 70 et la désillusion qui vient ternir notre 21e siècle cynique et souffreteux.
Les informations ne sont pas légions au sujet de Lotus Titan. On connaît les suspects agissant dans ce méfait sonore : Gérald Gimenez (guitare), Dimitri Kogane (batterie), William Laudinat (synthés, trompette), Julie Castel Jordy (chant, thérémine). Mais ces gens ne semblent pas avoir d’états de service notés dans d’autres groupes. Peu importe car leur groupe se suffit à lui-même pour leur tresser des lauriers et leur donner un prestige.
En effet, quand on croise le chemin de ce groupe, on ne peut rester indifférent. Ce qui fait sa force, c’est l’association entre des paroles sans concessions et une musique sombre, hachée et tourmentée. Mais surtout, c’est le charisme vocal de la chanteuse Julie Castel Jordy qui définit la personnalité de Lotus Titan, scellant son destin dans un combat de l’intelligence contre la bêtise, de l’homme contre la machine, de la sensibilité contre l’indifférence, du feu contre la glace.
Dès le premier morceau ʺHéroïneʺ, c’est la douche froide. Sous de lourdes nappes de synthétiseurs taillées à même la rocaille, le chant de Julie Castel Jordy surgit dans une clarté et une colère imparable. Scandées brutalement, avec une métrique rappelant celle de Bernie Bonvoisin de Trust, ces paroles viennent se ficher dans nos âmes, elles triturent notre sensibilité et nous inondent de questions. La rhétorique brûlante poursuit ses interpellations sur ʺJeterribleʺ, succession de jeux avec les mots, qui volent d’adjectifs en adverbes, mitraillent les oreilles de calembours fielleux et colériques, tandis que les instruments martèlent fiévreusement des rythmiques épileptiques.
Le décor est posé, le style est affirmé. Lotus Titan affiche des ambitions littéraires de haut vol, surtout à notre époque où le niveau intellectuel ne fait que plonger vers une bêtise cybernétique. Le texte est angoissé (ʺRendez-vousʺ), il happe celle qui le récite. Cette dernière trouve néanmoins le repos à l’occasion de quelques rares pauses plus poétiques (ʺSilenceʺ). Le morceau ʺOdysséeʺ est la grosse affaire du disque, avec ses 12 minutes et ses litanies urbaines en forme de flottement spatial se métamorphosant peu à peu en ritournelles heavy prog délirantes. L’album semble parcourir une boucle puisqu’il nous ramène sur ʺDéjà-vuʺ aux éléments évoqués dans les chansons précédentes (notamment ʺRendez-vousʺ), avec toujours ce combat entre sonorités cosmiques et brutalités terrestres. Les strophes oniriques sont toujours maîtresses du jeu, mais ce rêve tient plutôt du cauchemar que de la douce rêverie (ʺNelumbo luteaʺ).
Voilà incontestablement un album qui invite à s’enfoncer dedans, à écouter les paroles attentivement et à se laisser promener, voire bousculer, par les compositions sonores. La révolte qui gronde sur cet album a un petit côté seventies, post-soixante-huitard (la ville, c’est laid ; la civilisation moderne nous déshumanise). Mais n’est-ce pas justement parce que la société n’a fait aucun progrès en cinquante ans qu’on est encore obligé de mener les mêmes luttes ? C’est une question intéressante à laquelle Lotus Titan nous invite à réfléchir.
Le groupe :
Gérald Gimenez (guitare)
Dimitri Kogane (batterie)
William Laudinat (synthés, trompette)
Julie Castel Jordy (chant, thérémine)
L’album :
ʺHéroïneʺ (03:07)
ʺJeterribleʺ (07:22)
ʺRendez-vousʺ (04:20)
ʺSilenceʺ (03:22)
ʺOdysséeʺ (12:15)
ʺDéjà-vuʺ (05:57)
ʺNelumbo luteaʺ (05:04)
https://lotustitan.bandcamp.com/releases
https://www.facebook.com/LotusTitan/
Pays: FR
Autoproduction
Sortie: 2020/12/03