KARNEL, Bruno – Évaporation des voix off (live)
Bruno Karnel semble voyager entre deux époques. D’un côté, son folk rock progressif a des relents babacools qui fleurent bon les années 70, avec tous les messages écologiques et critiques sociales qui les accompagnent. De l’autre, il vit pleinement dans notre monde contemporain avec une carrière résolument menée sur Internet, loin des maisons de disques, avec des albums autoproduits et semés au gré des plateformes d’écoute, Bandcamp en particulier.
Il est clair qu’à notre époque, un musicien comme Bruno Karnel n’aurait aucune chance de diffuser son œuvre. Il écrit de belles chansons avec de beaux textes, il se moque bien de savoir s’il aura un succès interplanétaire et ses préoccupations philosophiques n’ont rien à voir avec son seul nombril. Le show business dépravé et arriviste de nos tristes temps ne verrait aucun intérêt à vendre la musique d’un type qui vit hors du temps, dans une poésie forestière et voyageuse et qui semble planqué quelque part dans le Larzac de 1972.
Donc, il faut découvrir Bruno Karnel de manière artisanale, en farfouillant dans sa discographie entièrement postée sur Bandcamp, en voyant que le garçon avance avec le crowdfunding pour réaliser ses disques, en dehors des canaux officiels. Bruno Karnel a ainsi émis une quantité respectable d’EPs depuis une dizaine d’années : ʺMiragesʺ (2011), ʺArabesques liveʺ (2012), ʺAu gré de tes planètesʺ (2016), ʺ3 contes + 1ʺ (2017) et la tétralogie des ʺSatellitesʺ (2017-2019), qui voyagent à travers la musique du monde, entre l’Amérique du Sud et l’Europe de l’Est. Ajoutons également deux albums long format (ʺA-Kubosʺ, 2013 ; ʺInsolenceʺ, 2016) et un dernier album ʺAmraʺ (2019) réalisé en collaboration avec Frédéric Gerchambeau, une sommité en matière de synthétiseurs modulaires, et on obtient une discographie déjà bien florissante et très riche d’inspiration en provenance de toutes les directions.
À force d’avancer obstinément dans sa direction sans se soucier du regard des autres (et notamment de l’industrie du disque), Bruno Karnel parvient aussi à tourner à son profit un autre aspect de la modernité Internet : l’intérêt des webzines français et sud-américains, qui vivent également en dehors de la presse papier officielle. Il y a quand même un magazine officiel qui repère le bonhomme, ce sont les Anglais de Prog, qui ajoutent une de ses chansons dans leur CD mensuel d’août 2018.
Après avoir tâté du rock plus affirmé à ses débuts, Bruno Karnel s’est tourné vers des expériences acoustiques et électroniques. Il comptait rebrancher les guitares sur des amplis bruyants pour son nouvel album ʺLas illusionesʺ mais les péripéties virales ayant arrêté la marche du monde l’ont obligé à se confiner comme tout le monde. Là encore, Bruno Karnel exploite les aspects insolites de la modernité tout en gardant son âme de musicien rétro, avec un concert exécuté en plein confinement, sans aucun public. C’est l’esprit de cet album ʺEvaporation des voix offʺ qui assemble les chansons de l’EP ʺSatellite 3ʺ et trois titres venant d’ʺAmraʺ et ʺSatellite 4ʺ. Bruno Karnel et ses compagnons Julien Waghon (basse) et Sonia (cajón et chœurs) jouent comme s’ils étaient devant un public, Bruno présentant chaque chanson avant de les interpréter. Il ne manque plus que les applaudissements, que vous ne manquerez pas de faire dans votre salon à l’écoute de ces belles chansons aux textes poétiques et plein de sens. Sorte de Neil Young français, Bruno Karnel est aussi proche d’Hubert-Félix Thiéfaine, de la poésie acide d’Alain Bashung ou du surréalisme de Peter Hammill.
La chanson française a toujours quelques joyaux à révéler. Ils sont malheureusement profondément cachés au cœur de l’underground et il faut aller les chercher sans aide des médias mainstream. Bruno Karnel est un de ces petits trésors camouflés à découvrir.
Le groupe :
Bruno Karnel (guitare, charango, chant)
Julien Waghon (basse)
Sonia (cajón et chœurs)
L’album :
ʺAprès-demainʺ (03:52)
ʺNuit des Olmèquesʺ (03:28)
ʺAdourʺ (05:26)
ʺEt pourtant, elle tourneʺ (04:41)
ʺAu gré de tes planètesʺ (03:34)
ʺÎles espaceʺ (09:02)
ʺWétayeʺ (04:29)
ʺEn ti sóloʺ (04:27)
https://brunokarnel.bandcamp.com/album/evaporation-des-voix-off-live
https://www.facebook.com/brunokarnelmusic/?ref=page_internal
Pays: Fr
Autoproduction
Sortie: 2020/11/23