ISYSXAE – Hyper nature
On va demander aux fans de Mötley Crüe, à ceux qui ont toutes les chansons de Bourvil en disques originaux, à ce qui ne se sont pas encore remis de la mort de Régine ou d’Annie Cordy, les amateurs de rock sudiste, les majorettes, les shampooineuses, les joueurs de cor de chasse et autres amateurs de musique bien structurée et prévisible de bien vouloir quitter les lieux. Cet avertissement est fait au nom de la sauvegarde de leur santé mentale. Maintenant, s’ils veulent tenter l’expérience d’écouter cet album d’Isysxae, libre à eux mais je ne fournis pas les places gratuites dans les asiles psychiatriques après.
Car ici, on est dans l’expérimental chimiquement pur, le goût totalement gratuit pour le bruit anarchique, le grincement de plancher érigé en œuvre symphonique. Bienvenue chez Isysxae, trio formé à Barcelone durant le printemps 2021 et qui garde en lui les circonstances particulières qui ont présidé à sa naissance. À cette époque, les gens sont enfermés chez eux à cause de la pandémie, certains deviennent zinzins et ils se mettent à faire de la musique. C’est sans doute ce qui est arrivé à Tom Chant (saxophone), Ferran Fages (guitare) et Pere Xirau (batterie), qui mettent en commun leurs inconscients inavouables, leurs fascinations bruitistes diverses, leur penchant pour l’absurde et qui fondent Isysxae, nom déjà imprononçable sans doute choisi pour que les gens ne s’en rappellent pas et n’achètent pas l’album.
Mais moi je dis au contraire d’acheter cet album, rien que pour l’offrir à votre belle-mère, votre pire ennemi ou le député de votre circonscription, afin de commettre un attentat sonore qui rendra fous tous ces taquins qui vous rendent la vie impossible. Je dois juste dire que la camisole de force et l’entonnoir ne sont pas livrés avec le disque, il faut les acheter à part. Mais normalement, avec cet ʺHyper natureʺ, vous êtes parés pour vous mettre au ban de la société en tentant de le faire écouter à votre famille, vos collègues ou vos copains, à moins de rencontrer des esprits tourmentés qui apprécieront les improvisations à base de couinements atonaux de saxophone, de crissements de guitare irradiants ou de tripatouillage de cymbales en mode épileptique.
Car c’est ça, Isysxae. Du bruit brut, de l’expérimentation farfelue et inquiétante qui met néanmoins en avant un usage exceptionnel du saxophone. Tom Chant ne connaît que la gamme du suraigu, il parvient à sortir de son instrument des effets sonores qui ressemblent plus au crissement des ongles sur un tableau noir qu’à des notes de saxophone. Le bon Adolphe Sax, inventeur dudit instrument, doit faire des bonds de joie dans sa tombe en entendant jusqu’où on peut en repousser les limites. Au final, neuf titres assez courts (l’ensemble ne dure que 22 minutes, soit à peine le temps d’une intro d’un morceau de Yes) viennent défier les lois de la raison, de la gravité, de tout, en fait.
Pour la note, je mettrai un score médian, sachant que cet album sera nul pour ceux qui n’aiment pas et génial pour ceux qui adorent. Dans ce genre de registre, les opinions sont déjà faites depuis longtemps et il est difficile de convertir les gens qui doutent. Pour ma part, je pencherais plutôt pour le côté du génie mais c’est une question de goût.
Le groupe :
Tom Chant (saxophones)
Ferran Fages (guitare)
Pere Xirau (batterie)
L’album :
ʺBlueberry Hillʺ (01:32)
ʺgate 68ʺ (03:12)
ʺCel Blancʺ (01:32)
ʺHigashimurayamaʺ (04:55)
ʺChlorophyll Mouthʺ (01:08)
ʺMacro Sisterʺ (02:46)
ʺeco swordʺ (02:25)
ʺ900000 Wingsʺ (01:18)
ʺPearlsʺ (02:54)
https://isysxae.bandcamp.com/releases
Pays: SP/ES
Gusstaff Records
Sortie: 2022/03/18