ET MORIEMUR – Tamashii no yama
Notre monde occidental, celui de l’Ouest, reste encore peu accoutumé au métal extrême en provenance de l’Est européen. Certains groupes de derrière l’ex-Rideau de Fer, comme Vader ou Behemoth, ont pu atteindre une reconnaissance internationale mais il reste bien des formations métalliques qui restent ignorées de ce côté-ci de l’Europe. Heureusement qu’il existe des labels de chercheurs invétérés qui dénichent sans cesse de nouveaux groupes dans des pays rares, comme Transcending Obscurity qui nous propose ici le groupe tchèque Et Moriemur, une découverte qui en vaut la peine.
Le nouvel album d’Et Moriemur, ʺTamashii no yamaʺ, est en fait le deuxième à sortir chez Transcending Obscurity, après un ʺEpigrammataʺ sorti en 2018 et qui faisait suite aux albums ʺCupio dissolviʺ (2011) et ʺEx nihilo in nihilumʺ (2014), sans oublier l’EP ʺLacrimae rerumʺ de 2009. On remarque un certain nombre de détails à la seule vue de l’évocation de la discographie d’Et Moriemur.
Premièrement, les dates de sortie montrent que le groupe existe depuis déjà un certain temps, 2008 pour être précis, quand le chanteur Zdenek Nevělík le met sur pied à Prague. Le combo va avoir du mal à garder ses effectifs constants, le batteur Michal « Datel » Rak étant le premier à se maintenir en 2009, puis le guitariste Aleš Vilingr en 2011, suivi de Karel « Kabrio » Kovařík à la basse en 2013 et enfin les deux autres guitaristes Pavel Janouškovec (2016) et Honza Tlačil (2018). On apprend aussi que Rak, Vilingr et Janouškovec évoluent parallèlement dans Self-Hatred, un groupe de Pilsen qui est le seul en Tchéquie, avec Et Moriemur, à pratiquer le death atmosphérique et doom metal. Il y a tellement peu de praticiens dans ce genre particulier dans ce pays que la seule demi-douzaine de musiciens spécialisés doivent partager leur temps entre les deux seuls groupes qui défendent encore le death atmosphérique/doom metal en Tchéquie.
Deuxièmement, on voit que les titres des albums d’Et Moriemur sont rédigés en latin pour la plupart, ou en grec (ʺEpigrammataʺ est écrit en alphabet grec) ou en japonais, pour ce qui est du dernier album. La particularité de ce groupe est en effet de focaliser son inspiration sur les thèmes ésotériques du monde antique, un sujet qui change des cimetières gothiques, de la dépression, de la mort ou de la putréfaction chers aux groupes de death metal. Et Moriemur se distinguait déjà avec ces thèmes gréco-romains mais il fait ici encore plus fort en s’aventurant dans le monde de la pensée japonaise. ʺTamashii no yamaʺ signifie montagne d’âme. Les titres de l’album ne sont pas des références ésotériques mais des lieux au Japon. On connaît ʺNagoyaʺ mais ʺHanedaʺ est le nom de l’aéroport de Tokyo, ʺSagamiʺ est une baie à l’ouest du pays, ʺOshimaʺ est une île volcanique située dans la province d’ʺIzuʺ et ʺOtsukiʺ est une ville à l’ouest de Tokyo. Seul le dernier morceau ʺTakamagaharaʺ est lié à la religion puisque c’est la résidence des dieux immortels dans le shintoïsme, religion officielle du Japon.
Avouez que ce n’est pas l’album du métalleux commun. D’autant que la musique qui y est contenue est aussi assez originale. Et Moriemur se livre ici à des rythmes lents, crée des atmosphères fatiguées, laisse fuser un chant éraillé et aigu qui accompagne des guitares épaisses et granitiques. La structure de l’album est un peu déséquilibrée, avec six premiers morceaux tournant autour des cinq minutes, et un dernier totalisant près de quatorze minutes. Mais le tout reste fascinant, débutant avec un piano langoureux au romantisme maladif, puis évoluant dans un doom metal pleureur, assez atonal (sauf le brutal ʺOtsukiʺ, dans une veine death metal plus traditionnel) et se terminant dans un florilège d’ambiances variées sur le dernier titre ʺTakamagaharaʺ. Une variété d’instruments non-conventionnels en métal sont ajoutés à certains titres, comme le violon, le violoncelle, la harpe et le shakuhachi, une flûte en bambou d’origine chinoise.
Troquez donc votre manteau de cuir et vos clous rouillés contre un kimono et une paire de geta et laissez-vous emporter dans les charmes brumeux d’Et Moriemur, qui nous propose ici un album tout à fait original dans l’esprit.
Le groupe :
Zdenek Nevělík (chant et claviers)
Michal « Datel » Rak (batterie)
Aleš Vilingr (guitare)
Karel « Kabrio » Kovařík (basse)
Pavel Janouškovec (guitare)
Honza Tlačil (guitare)
L’album :
ʺHanedaʺ (05:14)
ʺSagamiʺ (02:14)
ʺOshimaʺ (05:32)
ʺIzuʺ (04:19)
ʺNagoyaʺ (03:37)
ʺOtsukiʺ (05:17)
ʺTakamagaharaʺ (13:51)
https://etmoriemurdoom.bandcamp.com/
https://www.facebook.com/etmoriemur
Pays: CZ
Transcending Obscurity
Sortie: 2022/04/08