ELEPHANT DIALS – Binary blues
Il y a certainement beaucoup de Polonais qui rêvent d’émigrer aux États-Unis ou qui l’ont déjà fait. Mais un Américain qui rêve de la Pologne c’est beaucoup plus rare. C’est pourtant le cas de John Edward Donald, qui vient de Chicago, a quand même des origines polonaises et revient au pays de ses ancêtres en tant que John Donatowicz, pour s’associer avec Mateusz Rosiński pour ce groupe Elephant Dials.
Avant cette aventure polonaise, John Donatowicz enregistrait des albums sous le nom de Human Elephant et chantait en gratouillant la guitare chez Rats Live On No Evil Stars. Il rencontre Mateusz Rosiński dans un club de Zielona Gora, dans l’Ouest de la Pologne, le 10 décembre 2011. Rosiński est une figure bien connue de la scène électronique polonaise. On a pu le voir dans les groupes Niepokoje Gościnne et Dynasonic. Il est question de monter un groupe en commun, d’écrire des chansons mais les choses trainent un peu, tout le monde ayant ses propres occupations. Rosiński s’en va à Gorzów, où il fonde la maison Dym Records et s’occupe du club Sjef, construit dans d’anciens bains municipaux. Les deux lascars ont quand même le temps de faire les DJs à Zielona Góra, Gorzów et Berlin. Puis c’est en 2017 que John Donatowicz abandonne Berlin et sa ville de Chicago pour venir s’installer en Pologne.
Les chansons d’Elephant Dials sont finalement écrites durant la pandémie en 2020 à Gorzow, ce qui donne ce premier album ʺBinary bluesʺ, qui s’avère assez difficile à classer. Du blues, non, ce n’est pas tout à fait du blues. Binaire, oui, certainement, ou plus particulièrement schizophrène. Parce qu’ici, il va falloir s’accrocher au pinceau, l’échelle étant partie depuis longtemps. Mixé par Rosiński et masterisé par Mateusz Wysocki, l’album ʺBinary bluesʺ étend sur sept morceaux et 29 minutes une musique lunaire, ralentie, où s’égrène un chant grave presque parlé, entre Johnny Cash et Frank Zappa. Les progressions instrumentales, lourdement encastrées dans de l’électronique obtuse, possédée par une atmosphère terminale et automnale, vendent la neurasthénie en boites de douze gélules. Si Ian Curtis de Joy Division avait vécu, si la corde avait cassé sous son poids, il ferait peut-être ce genre de musique, entre psychédélisme post-nucléaire, blues mental et électronique trafiquée.
La référence à Frank Zappa reste pertinente, le moustachu aurait aussi certainement pu faire ce genre de musique, déjà largement avancée sur son dernier album ʺCivilzation, phase IIIʺ en 1993. L’approche d’un groupe comme Elephant Dials ne se fait pas dans la simplicité. Il faut mettre des gants pour pénétrer dans cette musique complexe, chahutée, anarchique, idéale pour être jouée dans des stades vides ou sur des routes désertiques. Ce n’est pas la musique de tout le monde mais l’ensemble reste fascinant si on entretient le petit côté dingo qui sommeille en nous.
Le groupe :
John Donatowicz (chant et électronique)
Mateusz Rosiński (électronique, percussions)
L’album :
ʺBury Me Not in the Lone Prairieʺ (03:34)
ʺListen to My Songʺ (04:01)
ʺFor the Good of the Hiveʺ (06:43)
ʺSong for Plutoʺ (04:55)
ʺHier Steht Der Steinʺ (04:11)
ʺOld Ones into Newʺ (05:34)
ʺTwenty-Five Secondsʺ (00:25)
https://gusstaffrecords.bandcamp.com/album/binary-blues
https://www.facebook.com/Gusstaff.Rec
Pays: PL
Gusstaff Records
Sortie: 2022/11/25