DEATHRITE – Nightmares reign
Relativement obscur sur une scène punk hardcore/death/grind allemande elle-même assez confidentielle, Deathrite marque cette année un gros coup en signant sur le label Century Media et en profitant donc de la taille économique imposante de cette maison pour espérer rayonner sur des sphères d’influence beaucoup plus larges. La question qui se pose est : comment tout cela est-il arrivé?
En effet, comment passe-t-on de petit combo crust punk/hardcore originaire de Dresde à un groupe qui commet ici un quatrième album long format complètement métamorphosé et désormais orienté vers un death metal largement coupé à la sauce sludge? C’est peut-être simplement parce que Stefan Heinz (batterie), Andy Heinrich (guitare), Tony Heinrich (chant), Tom Michalis (guitare) et Anton Hoyer (basse) ont senti le vent d’une nouvelle inspiration et ont évolué d’un crust punk particulièrement brutal (le premier album “Deathrite”, 2011) à davantage de death metal à la suédoise (le deuxième album “Into extinction”, 2013), puis un alourdissement progressif du son vers plus de sludge metal (le troisième album “Revelation of chaos”, 2015).
Avec ce quatrième album “Nightmares reign”, la chrysalide Deathrite a achevé sa transformation et a donné un papillon massif, menaçant et bavant un fiel acide et haineux. On est maintenant dans un sludge metal savamment mélangé à un chant death et à des accélérations parfois hardcore. L’arrivée du nouveau bassiste Anton Hoyer et l’ajout d’un guitariste supplémentaire en la personne de Tom Michalis y est sans doute pour quelque chose. Sang neuf, label neuf, titres plus longs (on abandonne les deux minutes chronos des premiers albums pour venir flirter avec les dix minutes sur le dernier titre du disque), tout concourt à faire de Deathrite un groupe ayant trouvé ses marques.
Dès le premier morceau, le sang de l’auditeur se glace et les poils de son échine se dressent. Cette introduction en quarte augmentée qui démarre “When nightmare reigns”, avec sa montée en puissance progressive, est une excellente mise en condition, jusqu’au déchaînement de brutalité désespérée et de terreur existentielle qui éclate au moment opportun. La machinerie infernale est lancée et elle fonce à tombeau ouvert sur “Appetite for murder”, morceau emporté par un rythme puissant et enlevé. On ralentit le rythme mais on reste toujours sous l’influence d’arpèges inquiétants qui finissent par lancer un assaut rageur sur “Invoke nocturnal light”. “Demon soul” est le premier titre à franchir la barre de sept minutes, larguant du riff de colosse, entre lourdeur doom et accélérations crust punk. On est alors arrivé dans l’antre de la bête, qui lance des gestes massifs et ralentis sur “Devil’s poison”, impérialement doom metal. Ce ton énorme et diabolique est maintenu sur “Bloodlust”, deux minutes trente de sauvagerie occulte, préambule idéal pour la dégustation des riffs sabbathiens impitoyables qui hachent “Obscure shades”. Tout le monde est alors fin prêt pour accueillir la pièce de résistance, un “Temptation calls” final qui titre neuf minutes trente d’épaisseur infernale et de violence carnassière. Les forces du death et du punk s’affrontent ici en un combat titanesque, sous les commentaires maudits du chanteur et de sa grosse voix d’ours possédé par Astaroth. Et tout cela se termine à coups de métal épique progressif. Grand.
Century Media ne s’est pas trompé en signant Deathrite : ce groupe, sous sa nouvelle inspiration sludge/death a incontestablement un potentiel pour évoluer vers des choses très intéressantes. A suivre.
Pays: DE
Century Media
Sortie: 2018/11/09