CATACOMB – Back to unknown Kadath (EP)
Trente ans d’existence, trois EPs… C’est ce qu’on appelle un groupe underground. Et à ce niveau de rendement, on imagine bien que les gens de Catacomb n’ont pas vécu uniquement de leur musique, à moins de vendre leurs EPs 300 000 euros la pièce ou de disposer d’une fortune personnelle acquise d’un héritage d’un oncle au Texas ou provenant de spoliations sur de faibles populations à l’époque des croisades. Non, on est ici dans le cas du groupe proprement mythique, tellement mythique qu’on se demande s’il existe, et que même ses membres ne sont pas sûrs d’en faire partie.
Voici donc Catacomb, groupe toulonnais formé en 1990, au service d’un death metal rupestre hérité de l’imagination féconde et torturée du grand écrivain H.P. Lovecraft. En effet, les membres fondateurs Ben Bussy et Anthony Derycke ont du mal à camoufler leur admiration pour le père des Grands Anciens, de Cthulhu, de la ville d’Arkham, de l’arabe fou Abdul al-Hazred et du Neconomicon. Et le parcours de Catacomb est à peu près aussi tortueux que les histoires écrites par ce bon Lovecraft. Issu de la fusion de groupes Deathwings et Macabra, de petites attractions locales, Catacomb est à l’origine composé de Ben Bussy (basse), Franck (guitare), James Moreau (chant), Jérôme Casseri (batterie) et Anthony Derycke (guitare).
Les changements de personnel vont bon train jusqu’en 2003 et c’est Anthony Derycke qui reste au cours du temps le seul fondateur permanent. Le groupe commet donc toute une série de démos et accouche finalement des EPs ʺIn the maze of Kadathʺ (1993) et ʺWe shall inheritʺ (2001). Dans ces deux EPs, on retrouve en commun le titre ʺTime’s lurkerʺ, le cheval de bataille du groupe, qui faisait aussi partie des démos et que l’on retrouve dans ce nouvel EP ʺBack to unknown Kadathʺ.
Cette nouvelle œuvre est la première à sortir officiellement après la mise en sommeil de Catacomb, entre 2003 et 2018. Cette année-là, en effet, Ben Bussy et Anthony Derycke ont réactivé leur antique formation, finissant par recruter en 2020 un nouveau batteur (Bress, alias Nicolas Ferrero, également dans Necrowretch) et un guitariste (Roman Kermarec). Néanmoins, les deux compères ne prennent pas le risque d’écrire de nouvelles chansons mais ils se contentent de réenregistrer leur classique EP ʺIn the maze of Kadathʺ de 1993. En fait, au vu des morceaux qui composent ce nouveau ʺBack to unknown Kadathʺ, il s’agit plutôt de la démo portant le même nom et sortie également en 1993, puisque celle-ci contenait cinq titres alors que l’EP n’en contenait que trois.
Ici, ʺBack to unknown Kadathʺ propose des versions nouvelles de ʺThe keyʺ, ʺHallucinated mountainsʺ, ʺTime’s lurkerʺ et ʺNemesisʺ. On retrouve ici des références lovecraftiennes évidentes. ʺThe keyʺ renvoie à la nouvelle ʺThe silver keyʺ (1926), qui est une préquelle du petit roman ʺThe dream quest of unknown Kadathʺ (écrit en 1927 mais jamais publié du vivant de Lovecraft). ʺNemesisʺ est un poème de l’écrivain et ʺHallucinated mountainsʺ est bien sûr le titre d’un de ses romans les plus célèbres, une formidable histoire terrifiante où des explorateurs de l’Antarctique découvrent un monde caché peuplé de créatures abominables.
Nous avons donc tous les éléments ici pour descendre dans les profondeurs de l’horreur, aidés en cela par la bande-son radicale de Catacomb, qui nous assène un impitoyable death metal sanguinaire et sombre, où chaque morceau nous fait dresser les cheveux sur la tête. L’inquiétante introduction de ʺThe keyʺ est le prélude au déclenchement des forces infernales qui s’engouffrent dans nos tympans et répandent le chaos et la destruction. Le même expressionnisme horrifique renaît sur ʺHallucinated mountainsʺ, charge sauvage et brutale qui hache tout sur son passage. Le mental de l’auditeur est occupé sur ʺTime’s lurkerʺ par quelque immonde Shoggoth qui putréfie l’âme et l’emporte dans les profondeurs d’abysses sonores grouillantes d’entités démoniaques. Les survivants de cette équipée apocalyptique seront réduits à l’état de putrides batraciens, tout juste bons à infester les rues d’Innsmouth, par les vertus épouvantables de ʺNemesisʺ, conclusion suprême et atroce qui révèle encore une fois l’efficacité dévastatrice de Catacomb.
Il est bien dommage qu’un groupe aussi doué pour la démolition en gros soit resté confiné dans les zones basses de l’underground. Il y a décidément matière à découverte chez Catacomb et on signalera, à l’attention des amateurs intéressés, l’existence de la compilation ʺThe years of morbidologyʺ, double CD de 37 titres reprenant la totalité de ce qui a pu sortir de ce groupe en format démo, single, reprises et autres captations live, sortie sur le label Armée De La Mort Records en 2010. Je vous préviens, ça ne se trouve pas sous le sabot d’un cheval. Les fortunés peuvent se le procurer sur Discogs à prix d’or et les fauchés peuvent l’écouter en intégral sur YouTube.
Le groupe :
Benjamin Bussy (basse et chant)
Anthony Derycke (guitare)
L’EP :
ʺThe Keyʺ (04:56)
ʺHallucinated Mountainsʺ (05:50)
ʺTime’s Lurkerʺ (03:45)
ʺNemesisʺ (05:52)
https://xenokorp.bandcamp.com/album/back-to-unknown-kadath
https://www.facebook.com/CatacombCult
Pays: FR
Xenokorp Records
Sortie: 2022/03/18