BENEATH THE MASSACRE – Fearmonger
Le death metal technique possède sans doute des atouts intéressants sur le papier mais le côté technique peut contenir en germes une dangereuse tentation de faire de la technique pour la technique. Jouer le plus vite possible, taper le plus précisément possible sur les fûts avec une rapidité supersonique, être irréprochable techniquement et passer pour un virtuose indépassable, tout cela est très tentant mais peut aboutir à plusieurs choses graves : l’absence totale de feeling dans la musique composée, le monolithisme intégral prenant la place de la moindre tentative de faire des choses différentes d’un morceau à l’autre.
Ces pièges mortels, le groupe canadien Beneath The Massacre est tombé dedans à pieds joints. Christopher Bradley (guitare), Dennis Bradley (basse), Elliot Desgagnés (chant) et Justin Rousselle (batterie) fondent ce combo en 2004 à Montréal. Ils prônent un death metal brutal et hyper-technique qui va être méticuleusement recopié à l’identique d’un album à l’autre sur ʺMechanics of Dysfunctionʺ (2007), ʺDystopiaʺ (2008) et ʺIncongruousʺ (2012), auxquels s’ajoutent les EPs ʺEvidence of inequityʺ (2005) et ʺMarée noireʺ (2010). Au cours du temps, Justin Rousselle est remplacé par Patrice Hamelin, qui participe à l’album ʺIncongruousʺ.
Puis le groupe entre dans une phase de léthargie dont il ne ressort qu’en 2020. C’est vrai que les hivers sont longs au Canada, mais quand même… Les membres de Beneath The Massacre évoquent diverses raisons qui les ont empêchés de se livrer intensivement à leur carrière musicale : famille, travail, interventions chirurgicales. Et finalement, les frères Bradley se sentent à nouveau d’attaque pour continuer l’aventure. Ils reprennent avec eux le hurleur Elliot Desgagnés et mettent la main sur Anthony Barone, un cogneur qui remplace Patrice Hamelin, ce dernier restant néanmoins dans le groupe pour les prestations scéniques.
Le temps est ce qui caractérise la conception du nouvel album ʺFearmongerʺ. Ce disque est enregistré, mixé et mastérisé sur une période de huit mois par Christian Donaldson, ponte des studios également membre du groupe Cryptosy. Le travail commence en octobre 2018 avec l’arrivée du nouveau batteur Anthony Barone qui met un mois à travailler ses parties de batterie. Puis Chris Bardley travaille tout un mois sur les guitares, son frère Dennis prend autant de temps pour la basse. En janvier 2019, c’est Elliot Desgagnés qui sue sur son micro pour poser ses parties vocales sur bande. Et il faut trois mois de plus pour achever le mixage et la mastérisation. Avec une telle patience et un tel déploiement de moyens, on s’attend à ce que Beneath The Massacre ait mis au point son grand-œuvre, son ʺDark Side of The Moonʺ, son black album à lui, une brillance, quoi.
Et tout ça pour en arriver à quoi? A la photocopie exacte des trois albums précédents, le clonage intégral sans apport de la moindre cellule supplémentaire. On retrouve en coulée continue ce qui caractérise Beneath The Massacre : des blast beats toutes les vingt-cinq secondes, une rythmique à 4000 coups par minute, un chant d’ours incompréhensible et surtout ces dégringolades de notes en tapping dans les aigus qui font penser au bruit d’un flipper quand on gagne l’extra balle et qui reviennent quatre fois par morceau. Pour préparer cette chronique, j’ai écouté l’intégrale des quatre albums et je dois dire qu’au bout de l’exercice, je n’en peux plus. C’est comme si j’avais écouté quarante fois le même morceau. Bien sûr, techniquement, ces mecs sont des monstres mais pourraient-ils de temps en temps songer à créer des atmosphères différentes, monter des scénarios sonores qui correspondent à différentes vitesses de rythmes, comme les intensités différentes de nos émotions? Ce n’est pas parce qu’une idée originale a été découverte au début qu’elle doit être recyclée à l’infini de la même manière.
Pour le prochain album, dans huit ans, j’espère que les frères Bradley et consorts prendront le temps de penser en profondeur de nouvelles idées parce qu’à ce tarif-là, ils risquent fort de devenir les Status Quo du death metal.
Le groupe :
Christopher Bradley (guitare)
Dennis Bradley (basse)
Elliot Desgagnés (chant)
Anthony Barone (batterie)
L’album :
ʺRise of the Fearmongerʺ (02:35)
ʺHidden in Plain Sightʺ (03:28)
ʺOf Gods and Machinesʺ (02:59)
ʺTreacherousʺ (02:22)
ʺAutonomous Mindʺ (03:17)
ʺReturn to Medusaʺ (02:45)
ʺBottom Feedersʺ (02:41)
ʺAbsurd Heroʺ (03:04)
ʺFlickering Lightʺ (03:15)
ʺTarnished Legacyʺ (03:30)
https://www.facebook.com/BeneaththeMassacreband/
Pays: CA
Century Media
Sortie: 2020/02/28