ATARAXIE – Résignés
Le printemps arrive mais nous allons plutôt retourner au cœur de l’hiver, en écrasant avec morgue les petites fleurs pour planter nos bottes dans la glaise de cimetières maudits battus par le vent froid et nocturne. Avec Ataraxie et son doom metal funéraire, bienvenue dans l’abime du désespoir, dans les cavernes insondables de la tristesse blafarde, dans les gouffres éternels de la dépression.
Vous venez de recevoir votre feuille d’impôts, on vous annonce que votre oncle a un cancer, vous vous êtes fait plaquer par votre petite amie qui est partie consacrer sa vie à une secte pentecôtiste guatémaltèque : voilà l’album qu’il vous faut pour toujours mieux vous enfoncer dans le malheur gluant. Avec ʺRésignésʺ de ce groupe français Ataraxie, vous êtes partis pour ne plus jamais relever la commissure des lèvres pour faire risette à vos contemporains.
Ataraxie a déjà quelques années de route dans les chaussures puisqu’il voit le jour en 2000 à Rouen, tirant son nom de l’état de quiétude chers aux stoïciens grecs, résultant de l’absence de trouble ou de douleur. A l’écoute de la musique résolument pessimiste du groupe, on aurait trouvé plus logique qu’il s’appelle Anorexie. Mais bon, va pour Ataraxie.
Le groupe fonctionne autour de la paire Jonathan Théry (basse et chant) et Pierre Sénécal (batterie) qui sont les membres fondateurs d’Ataraxie encore présents aujourd’hui. Le groupe s’est enrichi en 2001 du guitariste Frédéric Patte-Brasseur et en 2014, les deux autres guitaristes Hugo Gaspar et Julien Payan sont venus remplacer Sylvain Estève et Clément. Notez que tous ces musiciens portent des noms bien comme il faut et n’ont pas cherché à s’affubler de pseudonymes grotesques comme on en trouve souvent dans le monde du métal extrême.
Ataraxie démarre sa carrière discographique avec les albums ʺSlow transcending agonyʺ (2005), ʺAnhédonieʺ (2008), suivis en 2013 de ʺL’être et la nauséeʺ et enfin cette année de ʺRésignésʺ, un nom qui en dit long. La caractéristique commune à ces albums est le petit nombre de morceaux (quatre ou cinq, pas plus), compensé par des durées interminables (vingt minutes en moyenne pour chaque morceau). ʺRésignésʺ ne faillit pas à la tradition, avec quatre morceaux oscillant entre 17 et 25 minutes. Côté titres, on se marre : ʺPeople swarming, evil rulingʺ, ʺRésignésʺ, ʺCoronation of the leechesʺ, ʺLes affres du trépasʺ. Pour bien appréhender chacun de ces morceaux, il sera avantageux de se prendre une quinzaine de comprimés de valium et une bouteille de whisky afin d’être dans l’état de pesanteur et de ramollissement qui permettra d’entrer pleinement dans l’esprit musical du disque. Riffs colossaux à la lenteur sénatoriale, chant tellement caverneux qu’il faut une équipe de spéléologues pour en retrouver l’origine, rythmes épais parfois déchirés par une accélération brutale de batterie, paroles incompréhensibles ressassant un salmigondis mystico-apocalyptique, tels sont les ingrédients qui vont vous plonger dans l’univers terrifiant d’Ataraxie. Sans oublier bien sûr la pochette du disque qui représente la décapitation d’une jeune fille par un bourreau masqué. Romantisme assuré…
C’est une question d’ambiance mais par une nuit sans lune, déguisé en moine avec quelques chats à sacrifier dans un cimetière abandonné, cet album le fait.
Pays: FR
Xenokorp
Sortie: 2019/03/08