ARCH ENEMY – Covered in blood
Les choses vont plutôt bien pour Arch Enemy. Le groupe de death mélodique suédois est toujours régulier dans sa production discographique et tient bien en main ses fans avec des albums toujours vivaces et intéressants. Depuis 2014, le groupe du patron Michael Amott, Daniel Erlandsson, Sharlee d’Angelo et des nouveaux venus Jeff Loomis (guitare) et Alissa White-Gluz (chant) a pu régaler son public des albums ʺWar eternalʺ et ʺWill to powerʺ (2017).
A peine rentrés de la tournée de promotion de ce dernier album, les Scandinaves se sont remis au boulot sur un nouveau disque mais ont choisi cette fois l’exercice de l’album de reprises. Après tout, pourquoi pas? Beaucoup de groupes se sont livrés à cet exercice et Arch Enemy n’est pas plus mal placé qu’un autre pour nous proposer sa sélection de titres repris. Un album de reprises est toujours un peu révélateur de la personnalité d’un groupe et ce que va nous montrer Arch Enemy de sa culture va finalement être un peu surprenant. On attend en effet qu’un groupe de métal nous sortent les inévitables grands classiques du heavy metal et en ce sens, Arch Enemy ne va pas échapper à cette règle. Mais il n’y aura pas que ça. Passons donc à l’analyse de ce ʺCovered in bloodʺ.
Côté métal traditionnel, bien évidemment, Arch Enemy va nous sortir du classique, voire du prévisible, avec quelques titres de Judas Priest (ʺBreaking the lawʺ, qui a perdu ici sa rondeur martiale au profit d’un jeu agressif pas forcément convaincant, ʺStarbreakerʺ, en provenance du lointain album ʺSin after sinʺ de 1977), deux morceaux d’Iron Maiden (ʺAces highʺ et l’instrumental ʺThe ides of Marchʺ qui termine l’album alors qu’on l’aurait plutôt imaginé en début, comme le morceau orignal), un petit Manowar (ʺKill with powerʺ, choix évident), un petit Scorpions (ʺThe zooʺ, choix intéressant mais quelque peu dénaturé par le chant hurlé et râpeux d’Alissa White-Gluz), un petit Kiss (ʺThe oathʺ, choix sortant intelligemment l’album ʺMusic from the Elderʺ de la poussière), deux morceaux d’Europe (ʺWings of tomorrowʺ et ʺScream of angerʺ, nationalité suédoise oblige), un titre de Queensrÿche (ʺWalk in the shadowsʺ). Ça, c’est le classique à grosses bottes. Là où on découvre du moins attendu, c’est avec un hommage offert aux légendaires Pretty Maids, combo danois des Eighties désormais injustement oublié (ʺBack to backʺ). On continue dans l’imprévu avec ʺThe book of heavy metalʺ, reprise de Dream Evil, un groupe de métal suédois contemporain qui doit être pote avec Arch Enemy.
Arch Enemy nous propose aussi ʺIncarnated solvent abuseʺ des Anglais grindcore de Carcass, choix également prévisible puisque le guitariste Michael Amott a joué sur l’album ʺNecroticism – Descanting the insalubriousʺ (1991), d’où est extrait ce morceau. Là où ça devient encore plus surprenant, c’est quand Arch Enemy nous propose de réduire la voilure métallique et de partir dans du plus douillet, avec une reprise de Tears For Fears (ʺShoutʺ) et de Mike Oldfield (ʺShadow on the wallʺ). Le traitement fait à ces artistes pas métalliques pour deux sous transforme néanmoins ces titres en chars de bataille imparables.
Mais ce n’est pas fini (il y a quand même 24 morceaux) et c’est là que ça devient intéressant. Dès la cinquième chanson, Arch Enemy entre dans un cycle punk hardcore suédois des années 80 avec un titre d’Anti-Cimex (ʺWhen the innocents dieʺ), un autre de Moderat Likvidation et quatre titres des Shitlickers (encore appelés Skitslickers), ce qui représente en fait les œuvres complètes de ce groupe n’ayant sorti qu’un EP en 1981. Ce qui justifie ce choix de la part d’Arch Enemy n’est pas clair, peut-être s’agit-il tout simplement de souvenirs de jeunesse de Michael Amott que celui-ci a eu raison de faire remonter des couloirs du temps. Toujours est-il que l’idée est excellente, surtout pour les amateurs de hardcore qui découvrent ainsi un petit pan de la scène hardcore suédoise du début des années 80, cohérent puisque les groupes Moderat Likvidation et Anti-Cimex sont des émanations des Shitlickers et tout ceci ne durera que le temps d’un album ou d’un EP. La séquence hardcore se termine avec un hommage à deux fleurons anglais du genre : GBH (ʺCity baby attacked by ratsʺ et Discharge (ʺWarningʺ), autres sources de joie pour les hardcore punkers.
On peut comprendre qu’un tel choix placé au beau milieu d’un album de reprises de heavy metal puisse déstabiliser un peu les camarades cloutés et chevelus qui ne seraient pas complètement au faîte des subtilités du punk hardcore. Mais personnellement, tout cela me fait bien kiffer et représente même la plus-value intéressante de cet album de reprises qui, sans cela, serait d’un conformisme presque monotone, et qui plus est parfois handicapé par les vocalises excessivement agressives et braillardes d’Alissa White-Gluz qui a tendance à cuisiner des morceaux de sensibilité différente à la même sauce. Bon, on ne va pas relancer le débat sur ʺAngela Gossow devait-elle lâcher le micro chez Arch Enemy?ʺ et on va se contenter d’apprécier cet album qui est quand même bien sympathique.
Pays: SE
Century Media
Sortie: 2019/01/18