ANAEL – Mare
Anael n’est pas un groupe de black metal comme les autres. D’abord, les gens de ce groupe ne sont pas norvégiens, comme tout groupe normal de black metal, mais allemands. Ensuite, ils ne portent pas l’uniforme habituel des black métalleux, pas de peinture en noir et blanc sur le visage, pas de cuir et clous de la tête aux pieds, pas de crucifix à l’envers ni de ceinturons à balles. Enfin, Anael n’est pas un nom rappelant l’antichristianisme cher aux groupes de black metal mais c’est le nom d’un des anges de la tradition juive, associé à Vénus et archange de la Netzah, une des dix puissances créatrices de la Kabbale.
Ça vole donc assez haut dans les références culturelles de ce groupe, qui affiche quand même 22 ans d’existence, dont 13 passées à ne rien faire entre la sortie du troisième album ʺFrom arcane firesʺ (2008) et ce nouvel album ʺMareʺ. Le groupe a beau avoir été absent des rayons de disques pendant treize années, le personnel a tenu le coup et est toujours plus ou moins le même, réuni autour du mystérieux batteur Primeumathon (fondateur du groupe en 1999), du non moins mystérieux guitariste chanteur Seraphackh (également membre fondateur d’Anael), du guitariste Christian Wachter (arrivé dans le groupe en 2005 après des séjours chez Alchemyst, Ungod, Gardens Of Gehenna et agissant toujours chez Cosmic Wasteland ou Hellish Crossfire). Le véritable nouveau dans l’affaire est le bassiste Paul Werling, qui a rejoint le groupe en 2019, en provenance de Depravity Of Justice et d’Orae.
Anael est un donc un groupe assez atypique qui a effectué un parcours musical intéressant, débutant ses méfaits avec un premier album ʺNecromantic ritualsʺ (2003) assez influencé par Celtic Frost, poursuivant avec le cœur de son œuvre, représenté par les deux albums ʺOn wings of Mercuryʺ (2005) et ʺFrom arcane firesʺ (2008), qui voyaient le groupe formuler un black metal resté mélodique tout en se plongeant dans des eaux sombres et tourmentées. Ces albums avaient reçu un accueil favorable des milieux autorisés baignant dans le black metal pointu. Et puis, on ne sait trop pourquoi, une période de silence s’est abattue sur Anael, qui mettra treize ans avant de coucher de nouvelles chansons sur la partition.
Le groupe revient en fait ici aux affaires avec une vision musicale que l’on sent avoir mûri au fil des années. Certaines critiques du Net se sont avouées déçues par cet album, sans doute parce que l’on n’y retrouvait pas tout à fait le quota de black metal traditionnel attendu par les consommateurs du genre. Et c’est précisément là où réside l’intérêt de ce disque, dans son approche un peu différente de la question black metal. Si le chant est incontestablement black, avec ses croassements poisseux venant des profondeurs, les compositions sont assez versatiles pour évoluer du black vers un certain death metal progressif erratique et imprévisible.
On sent cette complexité dès le premier titre ʺOdysseyʺ, un morceau très écrit de près de sept minutes qui semble ne faire qu’un avec le suivant ʺAnachronʺ, également assez long et parcouru de changements de rythmes et d’atmosphères. Ces variations se poursuivent sur les sinueux ʺThe glass peopleʺ et ʺSophiaʺ, aux contours épiques se confrontant à des passages plus aériens. On est toujours dans du six à sept minutes de durée, de quoi apprécier les successions de chapitres sonores, les textures progressives et l’écriture touffue de ces morceaux. Si ʺDreamtideʺ ne révèle plus vraiment d’effets de surprise à ce niveau du disque, il faut quand même prendre une dernière fois sa chaise pour s’asseoir et écouter attentivement le dernier morceau ʺThe darkness withinʺ, qui lâche neuf minutes d’orfèvrerie black metal, aux climats soigneusement construits et au final grandiose. Oui, cet album a des choses à dire, une sensibilité à exprimer et il ne faudrait pas trop vite le ranger dans un carton destiné aux oubliettes. Il révèle la signature d’un des groupes les plus intéressants de la scène black metal allemande, sans oser dire la scène européenne, mais on pourrait.
Le groupe :
Primeumathon (batterie)
Seraphackh (guitare et chant)
C.W. (guitare)
P.W. (basse)
L’album :
ʺOdysseyʺ (6:46)
ʺAnachronʺ (6:31)
ʺThe Glass Peopleʺ (7:23)
ʺSophiaʺ (6:20)
ʺDreamtideʺ (6:14)
ʺThe Darkness withinʺ (9:03)
https://anael-iec.bandcamp.com/
Pays: DE
Into Endless Chaos Records
Sortie: 2021/02/04