Les Nuits 2022: à l’affût de Terrier
Aux côtés des têtes d’affiche et des artistes confirmés, les Nuits du Bota font également la part belle aux découvertes. Prenez par exemple Terrier, qui ouvrira pour Fishbach ce vendredi 29 avril à l’Orangerie. Nous l’avons rencontré dans la foulée de son showcase lors de la présentation officielle des Nuits.
Originaire d’une petite commune en Vendée, David Enfrein officie désormais depuis Paris sous le pseudo Terrier. Son premier EP, « Naissance », enregistré à Montreuil et publié l’an dernier, raconte de façon romancée cette transition entre la Province et la Capitale. Un aller-simple qui est en train de lui ouvrir un maximum de portes.
Pourtant, aussi étonnant que cela puisse paraître, sa visite aux Nuits sera sa toute première scène en Belgique. Hormis bien entendu sa mini-prestation (trois titres dont deux nouveaux) réservée à la presse cet après-midi. Sa relation avec notre pays se limite en effet à deux tournages de court-métrage en tant que perchman et un concert dans une cave dans les environs de Bruxelles. Première confession : « Je ne viens pas assez souvent par ici alors que les gens sont accueillants et chaleureux ».
Bien qu’il ait toujours joué dans des groupes lorsqu’il était ado, David n’a jamais vraiment pris son rôle de musicien au sérieux. En tout cas jusqu’à son arrivée à Paris lorsqu’il s’est retrouvé bassiste d’un groupe au public fidèle mais ignoré des médias. Et puis un jour, sans raison particulière, les professionnels du milieu sont tombés en extase sur ses premiers sons. Premier stress à la clé mais stress positif, ce qui l’a motivé à former son équipe.
Music in Belgium: Qu’est-ce qui t’a encouragé à prendre un stylo et composer tes propres titres ?
Terrier: Au départ, je travaillais sur des musiques de film, des compositions exclusivement instrumentales. Puis, le soir, lorsque mon associé partait, je restais en studio et planchais sur des chansons avec une structure pop classique. Puis j’ai commencé à y poser du yaourt, ensuite des mots et un style d’écriture est apparu de façon tout à fait naturelle et presque maladroite. Cela a plu à quelques potes qui m’ont donné la motivation et la confiance de sortir ça publiquement.
MiB: Ta bio te caractérise comme timide mais au vu du showcase de cet après-midi, on en doute…
Terrier: C’était le cas avant mais ça ne l’est plus trop. En concert, ce qui me frustrait un peu, c’est que j’avais l’impression de ne pas avoir de contacts avec le public et que les textes n’étaient pas forcément transmis. Aujourd’hui, je préfère prendre le temps de blaguer entre les chansons, histoire de mettre le public à l’aise et de l’inviter dans mon univers. C’est une nouvelle manière de m’exprimer depuis quelques mois. La bio, il faudrait que je la change (rires).
MiB: Ceci dit, elle ne renferme pas que des mensonges car elle parle notamment d’une influence de New Order et la guitare sur un des titres que tu as joué cet après-midi n’en est effectivement pas très éloignée. Vocalement parlant, en revanche, on se retrouve plutôt quelque part entre flow et rap.
Terrier: J’essaie d’éviter les flow trop rap. Je préfère conter les histoires de la manière dont on parle, sans forcément avoir un rythme. Mais soutenu par une production carrée qui donne de la profondeur aux textes.
MiB: Tu étais seul avec ta guitare cet après-midi mais tu es d’habitude accompagné d’un batteur.
Terrier: Oui, effectivement. J’ai aussi des machines et je joue un peu de basse. C’est plus rock qu’en solo avec des loops qui foirent (rires). Visuellement parlant, on a une petite scénographie avec des lumières, mais c’est très simple, ultra punk. Lumière blanche, stroboscopes. En gros, j’invite les gens dans ma cave.
MiB: Cela a commencé à bouger pour toi juste avant le Covid. Comment as-tu vécu ce brusque coup d’arrêt ?
Terrier: Malheureusement, à Paris, lorsque tu as le statut de newcomer, une hype se dégage et tout le monde te veut partout, en première partie d’untel ou sur France Inter. Cela bouge dans tous les sens alors que tu n’as sorti qu’un titre ou deux et que l’on ne sait pas ce qu’il y a derrière. Moi j’avais commencé à avoir ce truc et cela s’est terminé d’un coup, presqu’avant d’avoir commencé. Là, on est sur la fin du Covid mais je n’ai plus ce statut de newcomer. Je vais donc devoir quasi repartir de zéro, surprendre et sortir des beaux titres. J’y travaille, je suis entouré d’une très bonne équipe qui prend soin de moi et sait me rassurer.
MiB: Non seulement tu écris tes textes mais tu développes aussi l’environnement sonore. Tu as une formation de musicien ?
Terrier: Non, pas du tout. Oui, OK, j’ai pris des cours de guitare dans le village où j’ai grandi mais pas de théorie musicale ni de conservatoire. Je suis un autodidacte accompli, j’ai appris à m’enregistrer tout seul, en me prenant la tête sur des bugs. Ce n’est pas toujours simple mais c’est une manière de travailler plutôt cool car tu dois te débrouiller pour contourner les problèmes. Heureusement qu’il y a des tutos sur YouTube (rires).
MiB: Tes textes sont par moments assez bruts. Est-ce délibéré ou une manière de surprendre, voire de choquer ?
Terrier: J’aime bien jouer avec le son et le sens, trouver le bon équilibre. La voix, les riffs de guitare ou le thème musical ne doivent pas altérer le sens du texte. Donc clairement, je vais mettre des mots qui ne riment pas, des mots hyper bruts, qui vont flasher. C’est comme une affiche que tu placardes sur un mur et tu as un mot qui est mis en exergue. C’est ce type d’image que j’ai en tête et que je voudrais transmettre. C’est d’ailleurs un des projets que j’ai pour le live un jour, projeter des vidéos sur un écran avec des mots qui apparaissent au gré du morceau.
MiB: Quels sont tes projets immédiats ?
Terrier: Je travaille sur mon premier album mais je ne sais pas encore quand il sortira. Soit à l’automne, soit en fin d’année, soit au début de l’année prochaine. Quoi qu’il en soit, cela me fera une excuse pour revenir, d’autant que je ne connais pas du tout Bruxelles.
David consulte ensuite l’affiche des Nuits et ne tarit pas d’éloges à propos de Rodrigo Amarante (le 5 mai à l’Orangerie). Ni sur BRNS dont il est grand fan (le 12 mai au Grand Salon). Et de se rappeler qu’il devait assurer leur première partie à Paris mais lui ont préféré Antoine Wielemans (qui, lui, se produira sous le Chapiteau le 28 avril). Ou encore sur le travail de César Laloux qui, de son côté présentera son nouveau projet Ada Oda le 15 mai au Grand Salon en première partie de Wet Leg. Le monde de la musique est décidément bien petit.
Ceci dit, avec son flow équilibré, ses textes imagés parfois crus mais toujours sincères et sa sympathie à toute épreuve, le gaillard devrait faire un malheur à l’Orangerie ce vendredi. Assurément une des découvertes majeures de ces Nuits 2022 qui n’en manquent pas.