Hellmut Lotti goes metal en showcase à la RTBF Mons
Helmut Lotti est un bon garçon. Il a commencé sa carrière en imitant le King, puis est passé au classique, puis au répertoire latino… et enfin russe… C’était inévitable, il allait finir par s’occuper du métal. Il avait fait une cover de Run to the hills, de Maiden, qui lui a ouvert les portes du Graspop. Le succès de sa prestation fut tel que le voilà à l’aube d’une tournée placée sous la bannière de « Hellmut Lotti goes metal » (notez au passage le redoublement du « l » de son prénom).
Bref, pour tester ses chansons, son groupe et le public, il était le 14 septembre en showcase à la RTBF Mons. S’y pressaient des auditeurs ayant remporté des places gratuites sur Classic 21, entre mamies surprises d’être là, fans de métal dubitatifs et auditeurs curieux.
Et voilà que démarre cet improbable show, avec un groupe bien étoffé (guitare solo, rythmique, basse, claviers et batterie) mené par un Helmut portant beau et un queue-de-pie en cuir noir. Entrer sur du Dio, il faut oser! Raide, visiblement stressé, presque timide il est à la peine… Il faut dire que se frotter à une des voix les plus emblématiques et emphatique du métal, c’est gonflé… et celui qui reprenait des classiques du chant lyrique est dans ses petits souliers face au grand Ronnie James.
Le concert navigue au fil des tubes du métal et du rock classique. Ça s’échelonne de ZZ Top à Iron Maiden, en passant par Black Sabbath, Whitesnake, Judas Priest, Steppenwolf, Scorpions, AC/DC, Guns’n’Roses, etc. Il nous gratifiera même d’un surprenant « Que je t’aime » de Johnny!
Il faut le reconnaitre, Helmut est bien courageux d’affronter tant de monstres sacrés, tant d’ambiances, tant de guimauve et de rudesse, tant de tessitures et de techniques de chant! Rien d’étonnant au fait que ça ne fonctionne pas toujours.
En premier lieu, Helmut est trop gentil pour faire du métal. Sa coiffure, son maintien impeccable l’empêchent de se couler dans la violence, le stupre et la luxure. Oui, il fait ce qu’il peut, mais ça reste un gendre idéal qui joue au méchant. Il n’a pas écumé les bars minables pendant des années, défoncé ou bourré, il n’a jamais allongé une fan entreprenante d’un coup de pied de micro. Il est donc plus à l’aise dans le rock que dans le hard rock, et encore davantage que dans le métal.
Ensuite, l’option retenue est discutable. Helmut veut se faire plaisir et il pioche dans tout le répertoire des morceaux très divers, cumulant mille difficultés. Soit, mais il cherche aussi à coller à la voix et à l’interprétation des artistes originaux. Nous n’avons pas affaire à un artiste livrant sa réinterprétation de standards, mais à une forme de cover band de luxe. La combinaisons de ces deux principes met le bel Helmut face à un défi impossible à relever: celui de chanter tour-à-tour comme Klaus Meine, David Coverdale, Billy Gibbons, Lemmy Kilmister ou encore Bon Scott, au temps de leur gloire. Son bonheur est logiquement très variable. S’il tient bien son Johnny ou son Gibbons, d’autres chanteurs lui donnent du fil à retordre. Certes, il a plus de voix que Meine ou Coverdale aujourd’hui, mais ce n’est pas à ces fantômes qu’on le compare, et il est parfois bien à la peine dans les passages les plus techniques de Still Loving You ou de Here I Go Again, pour ne retenir que ces deux exemples.
Ainsi donc, il ne suffirait pas de hurler pour produire un métal de qualité?
Notons un tout particulièrement pathétique Highway to Hell durant lequel il torture le public avec une voix pincée et nasillarde censée singer la gouaille et la charge érotique du regretté Bon Scott. Helmut en semble tellement conscient qu’il introduit le morceau, dernier du set, par un « vous voulez que je chante comme un canard ». Que l’imitateur se permette ainsi de moquer une légende du hard rock à la cheville duquel il n’arrivera jamais, voilà qui gâche le final d’un spectacle qui était pourtant bien sympathique.
Car, au fond, la voilà, la qualité principale du show: l’absence de prétention, l’amour sincère d’Helmut pour le répertoire qu’il reprend et la joie que lui et son groupe éprouvent à se trouver sur scène pour quelque chose d’un peu plus réjouissant que Cucurucucu Paloma.
Il faut encore aborder une composition originale d’Helmut, franchement dispensable. On sent la volonté de faire « à la manière de », quitte à verser dans la parodie, mais l’entreprise est difficile quand on se confronte à un genre qui s’est si souvent autoparodié. N’est du reste pas Ultra Vomit qui veut!
Pour terminer sur une note positive, j’ai gardé le meilleur pour la fin, ce qui fut sans doute un moment de grâce, une sorte de méta-cover: la reprise de That’s Allright (Mama) d’Elvis, avec la voix de Lemmy et le riff de Ace Of Spades. La fusion opère, le groupe s’amuse, la voix d’Helmut est en place… et on entrevoit la possibilité d’un jeu avec les reprises, les voix et les musiques. Ça ne dure hélas qu’un morceau et l’on revient ensuite à des choses bien moins surprenantes.
En conclusion, ce show est une curiosité amusante, menée par un gentil garçon qui a envie de s’encanailler. Ce n’est ni à la hauteur du travail d’un cover band dédié à un artiste ou groupe spécifique, c’est souvent mieux que les prestations actuelles des artistes originaux et ça reste un bon moment, notamment grâce à un groupe qui assure tout au long du set.
Texte: Christophe Mincke