Delain tête d’affiche au Rockhal
N’hésitant pas à braver le trafic routier et à nous risquer sur les autoroutes grand-ducales engorgées, nous nous sommes rendus le 21 novembre dernier à Belval. Dans cette localité qui semble fraîchement sortie de terre à quelques encablures de la capitale luxembourgeoise, nous découvrons un magnifique complexe moderne hébergeant une salle de concert dernier cri. Rien de tel qu’une salle bien équipée pour savourer un bon concert. De plus, la Rockhal propose une affiche des plus alléchantes avec le premier concert de Delain en tête d’affiche chez nos voisins d’outre-Arlon dans la cadre de la tournée « Masters Of Destiny« .
Deux groupes se partagent l’affiche de la soirée. Les festivités commencent avec la formation russe Arkona. C’est en 2002 que commence l’aventure de ce groupe moscovite de pagan et folk metal russe. Au bout de 3 albums studios, Arkona est repéré fin 2006 par les recruteurs du label Napalm qui fait entrer les artistes russes dans son écurie. Suivront 6 autres albums enregistrés sous le prestigieux label autrichien, le dernier («Khram») remontant à 2018.
Sur scène, cinq artistes qui semblent sortis tout droit d’une autre époque, d’un antique royaume oublié. Un crâne et des cornes de bovidé, des instruments folkloriques ancestraux, des artistes vêtus d’oripeaux très primitifs. Bref, une ambiance très folk/pagan. À la manoeuvre, on retrouve Maria (Masha) « Scream » Arkhipova au chant (extrême et clair), Sergei « Lazar » à la guitare, Ruslan « Kniaz » Rosomaherov à la basse, Andrey Ischenko à la batterie et Vladimir Reshetnikov Volk aux instruments ethniques. Le décor a quelque chose de puissamment impressionnant. Et l’on continue d’être impressionné une fois que commence la musique.
Notre connaissance de la langue russe étant très déficitaire, nous nous contenterons d’indiquer ici les titres que nous pensons avoir reconnus: « Goi, Rode, Goi!« , « Tropoiu Nevedannoi« , « Nevidal« , « V tsepiakh drevney tainy« , « Yarilo« , « Liki Bessmertnykh Bogov« , « Kolo Navi« , « Pamiat« , « Kupalets« , « Arkona » et « Nebo Hmuroe, Tuchi Mrachnye« .
Arkona est un des seuls groupes du circuit international (sinon le seul groupe) à proposer un répertoire entièrement écrit et interprété en langue russe. Une démarche métalleuse visant à retracer l’existence dure des peuplades russes anciennes. Avec des plages de chant clair largement dominées par un chant beaucoup plus extrême. Avec aussi des moments plus légers grâce au son sautillant d’un pipeau ou d’un accordéon sur des rythmes alliant l’esprit celtique et l’âme slave, mais rapidement rattrapés par les guitares électriques lourdes et puissantes…
Seul bémol lors de cette prestation, la sécurité de la salle qui a fait de l’excès de zèle et empêché notre photographe d’assister à ce premier set au-delà des trois premiers titres. No comment.
La tête d’affiche de la soirée, nous la connaissons bien puisque le concert de ce soir est le 60e auquel nous assistons. Que de chemin parcouru en 10 ans de temps! Le groupe fondé par le claviériste Martijn Westerholt profite de cette tournée européenne comme headliner pour tester plusieurs morceaux qui figureront sur »Apocalypse & Chill« , le nouvel album attendu pour le 7 février 2020. En attendant, toute l’équipe prend possession de la scène pour faire la fête avec le public luxembourgeois: Martijn Westerholt aux claviers, Otto Schimmelpenninck van der Oije à la basse, Joey Marin de Boer le nouveau venu derrière les fûts, Timo Somers aux guitares (seul depuis le récent départ de Merel Bechtold) et toujours la resplendissante Charlotte Wessels au chant.
Après l’instrumental d’entrée en scène, les métallurgistes bataves entrent immédiatement dans le vif du sujet avec « Mother Machine » (extrait de l’album « We Are The Others » de 2012). Belle entrée en matière pour chauffer la salle remplie seulement aux deux tiers. Les têtes commencent à tournoyer, le public commence déjà à bouger. Le groupe embraie avec un autre titre de son backcatalogue, « Virtue and Vice » (extrait de l’album « April Rain » de 2009), toujours aussi efficace pour mettre l’ambiance.
Comme indiqué plus haut, Delain profite de cette tournée pour tester quelques-uns des nouveaux titres qui composeront le nouvel album. Le premier nouveau titre de la soirée est « One Second » dont la vidéo vient d’être mise en ligne. Ce morceau est particulier en ce sens qu’écrit par Timo Somers, il s’agit en fait d’un duo qui permet au guitariste de montrer que son talent n’est pas uniquement guitaristique, mais qu’il a aussi un beau brin de voix. Pour suivre, une autre invitation à se déhancher au rythme de la musique avec le très dansant « Suckerpunch » (extrait de l’album «Moonbathers» de 2016).
Retour à l’actualité brûlante du groupe avec non pas un, mais carrément deux nouveaux titres que les fans ont déjà eu l’occasion de découvrir sur la plateforme YouTube: « Burning Bridges » et le fabuleux « Masters of Destiny« . Les Hollandais ont décidé de ne pas laisser de répit à leur public captivé par les rythmes de la métal-pop du pays des tulipes. Ils embrient donc avec l’excellent «The Glory and the Scum» (2016) et «Here Come the Vultures» (un de nos morceaux préférés de l’album « The Human Contradiction » de 2014).
Après une telle débauche d’énergie, il est temps à présent d’insérer un moment de douceur avec la douce mélancolie de l’ouragan « The Hurricane« (2015). Si la voix de Charlotte fait merveille dans les morceaux rythmés, elle prend encore plus d’ampleur dans les morceaux plus intimistes comme celui-ci.
Après cette belle respiration musicale, retour à l’actualité avec deux inédits: « Let’s Dance » qui s’inscrit parfaitement dans la grande tradition delainienne et le duo guitare-batterie « Combustion« .
La soirée n’est pas terminée et Delain ne manque pas de munitions au point que le groupe pourrait continuer à faire danser le public jusque tard dans la nuit. Le temps de ce concert étant compté, nous devrons nous concenter de six pépites supplémentaires: « Hands of Gold » (2015), le sublime « Not Enough » (2012), le très clubien « Don’t Let Go » (2014), le cultissime « The Gathering » (extrait du premir album, « Lucidity« , de 2006), l’envoûtant « Fire with Fire » (2016) et l’hymne qui restera à jamais la devise du groupe : « We Are the Others » (2012).
Que retenir de ce concert? Que Charlotte ne cesse de monter en puissance: sa voix est meilleure que jamais, elle anime le concert avec maestria, tant dans ses rapports avec le public que par sa scénographie-chorégraphie et par sa complicité non feinte avec les autres membres du groupe. Otto est toujours aussi heureux avec sa basse magique et sa crinière qui ferait pâlir d’envie le roi Lion en personne. Jamais on n’insistera assez sur le génie guitaristique de Timo Somers qui devient aussi de plus en plus présent au chant. Martijn reste plus effacé derrière ses claviers au second plan de la scène, mais sa contribution dans tous les morceaux du groupe n’en reste pas moins indispensable. Reste le petit nouveau, Joey, qui assure comme un chef derrière les fûts, avec un jeu légèrement différent de celui de ses prédécesseurs, mais parfaitement adapté au répertoire du groupe.
Bref, une nouvelle soirée inoubliable à mettre au palmarès de l’équipe à Charlotte que nous retrouverons avec beaucoup de plaisir pour la sortie du nouvel album au début de l’année prochaine.
Accréditation: Rockhal
Galerie: Arkona| Delain
Article: Anne-Françoise Hustin et Hugues Timmermans
Photos © 2019 Hugues Timmermans