Deep Purple au Théâtre antique d’Orange: le panache des grands
Chaque été depuis 2019, le POSITIV Festival investit le Théâtre antique d’Orange et propose une série d’événements musicaux dans le cadre magique de ce monument historique vieux de 2000 ans. Pour cette édition 2024, une édition alléchante avec Deep Purple le 30 juillet, Toto le 2 août et The Dire Straits Experience le 3 août. Notons aussi un festival Electronic du 16 au 18 août. Retour au présent.
Écrasée sous un soleil de plomb, la ville d’Orange est en proie à une belle agitation en fin de journée de ce mardi 30 juillet 2024. La cause? Un concert qui s’annonce mémorable puisque ce soir, ce sont des titans de la musique rock qui se produiront tels des gladiateurs dans le Théâtre antique d’Orange. À l’ouverture des portes à 19h, une longue file de fans s’étire dans les rues adjacentes dans une lente procession vers le temple de la musique pour cette chaude soirée.
Dans l’enceinte du Théâtre antique, les gradins et le parterre se remplissement progressivement jusqu’à atteindre une jauge quasi complète dans la soirée. Le public venu nombreux va cependant encore devoir patienter un peu en découvrant Moundrag, un duo français originaire de Paimpol en Bretagne. Sur scène, un orgue Hammond et une batterie entourée de deux énormes gongs. Les deux frères (Camille et Colin Gœllaën-Duvivier) font une joyeuse entrée, visiblement heureux et fiers de jouer en première partie de leurs idoles. Rien qu’à les voir, on sent qu’ils sont fans de rock progressif et psychédélique. Il faut dire que la formule est assez rare puisqu’ils chantent tous les deux accompagnés d’une batterie et de claviers vintage. Musicalement, ils font découvrir au public orangeais un univers hard prog à connotations psych inspiré par un univers de science-fiction très marqué 70’s mis en lien avec la réalité actuelle.
La setlist reprenait des titres de leur EP « Moundrag » de 2019 et de leur premier album « Hic Sunt Moundrages » de 2022. Pour l’occasion, le duo a aussi interprété deux titres qui figureront sur le prochain album. Nous avons pointé (sauf erreur ou omission) « The Rider« , « My Woman« , « The Creation« , « Changes« , « Last Man« , « La Poule« , « The Hangman« , « Caveman » et « Demon Race« .
Deux voix excellentes, une batterie impressionnante et des claviers de folie sur des compos exquises. Les amateurs de Deep Purple première époque ont adoré. Nous aussi!
Vers 21h30, le public a chaud. Une vidéo tourne depuis quelques minutes, rappelant la sortie du 23e album de Deep Purple, intitulé « =1 » et sorti le 19 juillet dernier. Cette vidéo annonce la tournée comme « 1 More Time Tour« , ce qui pourrait donner à penser que les titans du rock sont revenus pour un dernier tour d’honneur à la rencontre de les innombrables fans toutes générations confondues. Depuis sa création en 1968, le groupe a toujours été composé de cinq musiciens : un chanteur, un guitariste, un claviériste, un batteur, et un bassiste. Impossible de résumer ici les nombreuses allées et venues de grandes pointures ayant occupé chacun de ces postes. Contentons-nous de rappeler que Deep Purple (Mark IX) se compose ce soir du batteur Ian Paice (seul membre original du groupe), du bassiste émérite Roger Glover, du claviériste Don Airey (qui succéda avec talent au défunt Jon Lord), du chanteur Ian Gillan (qui taquine aussi les tambourins et l’harmonica) ainsi que du petit nouveau, le guitariste Simon McBride qui n’hésite pas à faire entendre sa voix dans les chœurs.
Voir autant de grandes pointures réunies sur scène est toujours émouvant. Mais vu le concentré de talent réuni là devant nous, les attentes étaient élevées, d’autant que nous avons eu le privilège de voir Deep Purple une bonne dizaine de fois en concert et que le temps est passé par là. C’est donc sous les acclamations du public enthousiaste que la fête peut commencer. Et comment mieux ouvrir le bal qu’avec un grand classique comme « Highway Star » (du légendaire album « Machine Head » sorti en 1972). Les Papys du rock ont l’air en excellente forme physique, le son est excellent. Petite inquiétude en voyant sur l’écran géant lee tremblement de la main d’Ian Gillan. Vocalement, on sent malgré tout un léger déclin, le chanteur de 79 ans peinant parfois à atteindre certaines notes. Mais malgré ce petit bémol, la magie opère toujours aussi bien. Le groupe enchaîne avec l’excellent « A Bit on the Side« , extrait du tout nouvel album. Retour à l’album « In Rock » de 1970 avec le célèbre « Hard Lovin’ Man« . Avec une telle discographie, les tubes s’enchaînent et le groupe nous gratifie d’un deuxième extrait de l’album « In Rock » avec le célébrissime « Into the Fire« .
Simon McBride fait preuve d’une belle virtuosité qu’il exprime dans un premier solo de guitare de la soirée, suivi d’un titre hommage à Jon Lord, le très prenant « Uncommon Man » (extrait de l’album « NOW What!? » de 2013). Après ce très joli moment d’émotion, le groupe enchaîne avec « Lazy Sod » (excellent single extrait du nouvel album « =1« ). Ian Gillan est à présent parfaitement dans son concert et brille dans les morceaux plus récents surtout. On reste dans la thématique avec un nouveau retour en 1972 avec l’excellentissime « Lazy« .
Le groupe mise manifestement beaucoup sur son nouvel album dont il nous propose un troisième extrait avec le déjà classique et tubissime « Portable Door« . Vient ensuite une bien agréable surprise avec « Anya« , titre extrait de l’album « The Battle Rages On » de 1993, que l’on n’avait plus entendu en live depuis bien (trop) longtemps. Un solo de claviers par Sir Don Airey va permettre à Ian Gillan de faire un break tout en régalant le public avec un medley de thèmes classiques et plus modernes (avec même quelques notes de La Marseillaise).
On entre dans la dernière ligne droite avec un quatrième nouveau titre, « Bleeding Obvious » qui prouve encore une fois que le groupe avait encore des choses intéressantes à nous faire découvrir. Pour terminer le set, deux grands classiques qui vont mettre le public en fusion: l’inusable « Space Truckin‘ » et le tube intergénérationnel « Smoke on the Water« , tous deux présents sur le mythique album « Machine Head » de 1972. Les quasi-octogénaires (à l’exception du guitariste) saluent une foule en liesse avant de sortir de scène, mais le public a encore de l’énergie et rappelle ses héros en scandant le nom du groupe.
Tels des gladiateurs, les cinq protagonistes reviennent pour trois titres de rappel, en commençant par un bout de « Caught in the Act » (extrait de l’album « Turning to Crime » de 2021), pour entonner ensuite une version mémorable de « Hush » (du tout premier album « Shades of Deep Purple« , sorti en 1968 et composé par Joe South). La soirée finit en apotéose avec « Black Night » (1970).
C’est sous les ovations que le groupe quitte, cette fois définitivement, la scène au terme d’une soirée riche en émotions. Les musiciens ont été parfaitement à la hauteur et les petites faiblesses au chant ont largement été compensées par le soutien de Simon McBride et par des jams d’enfer au coeur de plusieurs classiques du répertoire purplien. Pour les amateurs, Deep Purple sera à Forest National le 28 octobre 2024. Peut-être pour la dernière fois?
Accréditations: POSITIV Festival
Texte: Anne-Françoise Hustin et Hugues Timmermans
Photos © 2024 Hugues Timmermans