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Tough Enough Festival 2025: Jon Spencer, boss du garage

Tout comme les Nuits Weekender, le Tough Enough Festival a fêté ce mois-ci sa deuxième édition en mode all access. L’Orangerie, le Museum et la Rotonde ont donc ouvert leurs portes pour le rendez-vous du Bota en mode garage, psyché et blues crasseux. Avec une légende en tête d’affiche, Jon Spencer.

À soixante ans, le légendaire guitariste aux projets plus passionnants les uns que les autres (Pussy Galore, Blues Explosion, Heavy Trash, Boss Hog, The Hitmakers…) a toutefois publié « Sick Of Being Sick », son dernier album en date, sous son propre nom. Mais il a surtout sorti de son chapeau deux jeunes loups fougueux avec qui il forme un redoutable trio, le batteur Macky Bowman (qui a réussi à exploser sa caisse claire) et la bassiste Kendall Wind. Disposés dans un mouchoir de poche, les deux membres de The Bobby Lees affichent une complémentarité insolente avec leur boss et ne laisseront que peu de répit à des spectateurs clairement venus pour en découdre.

Les mouvements de foule seront en effet légion tout au long d’un set pied au plancher, sans respiration ou presque. Le premier break relatif n’intervenant qu’après une trentaine de minutes d’un blues rock plein de sueur et d’intensité. Mais ce n’était que pour repartir de plus belle, le combo reprenant instantanément ses délires marathoniens. Le pire, c’est que l’ami Jon, en complet costume, n’avait même pas l’air de transpirer alors que dans le public, certains gigotaient torse nu. Une communion spontanée rehaussée ça et là de cris de guerre inlassablement répétés par une assemblée comme ensorcelée.

Cela dit, il n’a pas été le seul à se fendre d’une prestation endiablée. Même si celle des Californiens de The Schizophonics, aussi burlesque qu’athlétique, était à ranger dans une autre catégorie. Présenté par un catcheur qui a terminé chauffeur de salle en faisant le clown sur scène avec un roadie, le leader Pat Beers mettra moins de deux morceaux avant de tremper littéralement sa chemise blanche. Entre sprints effrénés, tournoiements de guitare dans les airs et grands écarts à la Dirty Dancing, il ne lâche jamais son micro et déclame ses textes sans le moindre essoufflement. Une explosivité complétée par une bassiste et une batteuse certes plus retenues mais non moins essentielles. Ajoutez-y un certain Uncle Bill venu jouer un titre à la guitare et vous obtenez le tableau parfait d’un Little Richard au micro de Suicide version The Mystery Lights.

Autre frontman charismatique, Jeroen Klootsema des Hollandais de Real Farmer qui mettra tout de même un peu plus de temps à trouver ses marques sur la scène de l’Orangerie, sans doute perturbé par les soucis techniques rencontrés d’emblée par le guitariste à sa droite. Mais une fois lancé, on ne l’a plus arrêté, intenable électron libre et âme d’un groupe dont le post-punk brut des débuts a incorporé des influences plus roots tout en conservant une basse délicieusement sinistre. De son côté, la souriante Bella Khan, fille de l’incomparable King Khan, porte à bout de bras son projet Bella & The Bizarre. Un rien moins excentrique que son paternel, elle compense toutefois par des pas de danse orientaux lorsqu’elle se passe d’une guitare. Le reste du temps, sa voix soul bonifie des compositions soul girl sixties bourrées d’harmonies à la fraîcheur infinie.

Au rayon belge et plus particulièrement liégeois, Aucklane a eu la délicate tâche d’ouvrir les festivités et, si « Midnight Girl » ou « Suzanne » ont des arguments à faire valoir, ils ont été balayés par le psychédélisme speedé d’Acid Talk. Reverb, pédales à effets et flashes stroboscopiques illustrant un set hypnotique à souhait. L’après-midi a toutefois été marquée par le retour en force de The Experimental Tropic Blues Band pour la sortie de « Loverdose », l’album du retour après une foison de projets parallèles (Chevalier Surprise, Ginger Bamboo, Kamikazé…). Moins conventionnel mais toujours garage boogie dans l’âme, il prend vie sur scène via notamment l’utilisation généreuse d’un pad, de sticks et de maracas. Sans oublier une pointe d’électro qui, couplée à un brin de folie et à de succulentes interventions à l’accent authentique, conduit à une prestation euphorisante. On retiendra également les délires distorsionés (un hommage aux Cramps) et un final en queue de poisson à la Soulwax version disco cheap alors que les lumières avaient été rallumées dans la salle. No limit !

Un peu plus tôt, la famille Golomb (le batteur est le frère de la bassiste et le beau-frère du guitariste), débarqués le matin même d’Angleterre via ferry, ont étalé leurs influences analogiques chères à Jack White et à son label Third Man. Cela dit, la confrontation des voix renvoie plutôt vers les débuts de Band Of Skulls, lorsque la rugosité faisait partie de leur vocabulaire. De rugosité, il en a également été question lors de la prestation de The Wytches. Le quatuor de Brighton, qui présentait « Talking Machine », son récent dernier album, en connait en bout sur la manière de combiner environnement crasseux, énergie décuplée et mélodies sous-jacentes qui rendent l’équilibre irrésistible. The British way of music life, en quelque sorte.

Le seul bémol de la journée sera à chercher du côté de la Rotonde, bien trop étroite pour le set de The Darts. Un set pourtant attendu par une large partie des spectateurs dont plusieurs sont donc restés sur le carreau. L’opportunité d’aller jeter un œil à Bahamas du côté d’un Museum rempli au tiers de sa capacité. Cela dit, Afie Jurvanen, le Canadien caché derrière cet exotique pseudo, a conquis sans peine ceux qui s’étaient déplacés jusqu’à lui. Assis seul sur scène guitare acoustique entre les mains et illuminé par un judicieux jeu de lumière, le sympathique singer-songwriter en col et cravate n’a pas son pareil pour étayer la genèse de ses compositions un chouia dépressives mais toujours abordées avec une dose d’humour. Virtuosité et vibe americana achevant notre journée sur une note apaisante. C’est cela aussi, le Tough Enough…

Organisation : Botanique

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