Toi aussi, Goûte à The Murder Capital
Nos confrères et néanmoins amis de Goûte mes Disques ont fait très fort en invitant The Murder Capital au Botanique. Ils pensaient pouvoir généreusement garnir la Rotonde, ils se sont finalement retrouvés avec une Orangerie blindée plusieurs semaines à l’avance…
Il s’agissait de la dernière date de la tournée européenne et l’ultime occasion pour Ronan Kealy alias Junior Brother de briller en avant-programme. Soyons honnêtes, on ne s’attendait pas vraiment à voir un mec assis seul sur scène, guitare acoustique entre les mains et tambourin à ses pieds. Pas plus qu’à des protest songs à la Bob Dylan aux accents irlandais que des syllabes nasillardes accentuées renvoient du côté de Jake Bugg. À vrai dire, lui non plus, tant l’écart entre les deux projets semblait abyssal. On serait malgré tout curieux de découvrir la direction empruntée par quelques titres soutenus en full band…
Avec leurs potes de Fontaines D.C. (avec qui ils partagent un local de répétition), The Murder Capital ont placé Dublin sur la carte du rock indie l’an dernier. Si « Dogrel », la bombe des premiers nommés, a raflé tout sur son passage, « When I Have Fears », la première plaque des seconds, présente une subtilité et une immédiateté moins prononcée tout en se révélant au moins aussi essentielle. Produit par le légendaire et infatigable Youth, il propose un environnement sombre et une rage (parfois contenue, parfois moins) majoritairement puisée dans la disparition d’un ami proche du leader James McGovern.
Ce soir, les cinq gaillards au look improbable (on y revient) avaient décidé de nous prendre à la gorge d’emblée de jeu. Il ne faudra ainsi pas plus de deux minutes au leader pour se retrouver arbitre d’un wall of death au beau milieu du public. Le souci, c’est qu’autant les instruments de ses camarades flirtent avec l’indécence sonore, autant le volume de son micro laisse à désirer. Le pourtant intense « More Is Less » rimera dès lors avec sourdine et frustration.
Les choses allaient toutefois s’arranger au fur et à mesure du développement de « Green & Blue », caractérisé par une batterie saccadée, une basse assourdissante et des riffs envoûtants. James McGovern en profitera pour laisser tomber son veston et arborer une magnifique chemise de cow-boy blanche sertie de roses et de leurs épines. Si sa coiffure à la brosse rappelle celle de Johnny Cash (ou de Dany Brillant, c’est selon), la rigidité de son visage et la défiance de son regard à la limite de la provocation impressionnent davantage. Une frontière qu’il franchira allègrement lors de la seconde partie du menaçant « Slowdance » en grillant une clope sur scène quasi en regardant le videur droit dans les yeux.
Mais ses sbires ne sont pas mal dans le genre non plus, entre le bassiste en trench coat intenable et le guitariste à gauche qui l’est tout autant, le batteur moustachu bloqué dans les seventies qui terminera en singlet et le guitariste de droite généreusement bouclé. Il semble qu’en plus d’avoir été farfouiller dans la collection de disques de leurs (grands-)parents, ils se sont attardés dans leur garde-robe également. Pour le meilleur et surtout le pire.
Heureusement, cela n’entache en rien leurs compositions qui ont pris de la bouteille depuis leur passage en début d’après-midi au Sonic City en novembre dernier. Prenons par exemple le patiemment construit « On Twisted Ground », empreint d’émotion dans le chef du chanteur. Spontanées ou feintes, les larmes étaient en tout cas bien présentes. « Give love to your friends », déclarera-t-il au préalable…
Certains reprocheront ce milieu de set plus sage mais on l’assimilera plutôt à une respiration bienvenue. En effet, dans la foulée, le crescendo « Love, Love, Love » servira de parfaite jonction vers une fin de concert tout à fait démentielle qui verra le groupe devenir transcendé par un « For Everything » complètement dingue et un « Don’t Cling To Life » plus accessible que jamais. Quant au « Feeling Fades » à l’urgence caractérisée, il sera ponctué d’un plongeon digne d’une compétition olympique du leader dans le public. C’est donc debout sur les épaules des spectateurs qu’il hurlera les dernières paroles d’un concert à l’insolente intensité. Bien davantage que celle dégagée par Fontaines D.C. dans cette même salle en novembre dernier…
SET-LIST
MORE IS LESS
GREEN & BLUE
SLOWDANCE I
SLOWDANCE II
ON TWISTED GROUND
LOVE, LOVE, LOVE
FOR EVERYTHING
DON’T CLING TO LIFE
FEELING FADES