The Old & E.B. The Younger
Derrière le curieux pseudo E.B. The Younger se cache le projet parallèle d’Eric Pulido, la voix de Midlake dernière mouture. Il est passé par le Witloof Bar du Botanique pour y défendre « To Each His Own », son premier album.
En guise d’entrée en matière, le Bota avait invité Lionel Solveigh, une vieille connaissance dont Home, le premier album (et le seul à ce jour), a été publié voici dix ans quasi jour pour jour. Il devait en principe se produire avec son camarade Hubert Vandermeersch mais ce dernier a rencontré un souci de dernière minute. C’est donc seul avec sa guitare et sa valise que le Bruxellois s’est acquitté de sa tâche.
Une valise dans laquelle il puisera un tas d’accessoires destinés à étoffer ses compositions via des loops sonores. Perturbé, il s’emberlificotera les pieds de temps à autre mais si on laisse l’aspect technique de côté, sa prestation sera fidèle à sa réputation. Loin d’être un gai luron, il dégage une sensibilité et une sincérité qui le rendent attachant. À part une méticulosité aiguë, on ne voit d’ailleurs pas ce qui l’empêche d’enregistrer à intervalles plus réguliers.
Propulsé leader de Midlake après le départ de Tim Smith, le guitariste Eric Pulido a assuré son rôle avec brio lors de la tournée en support d’« Antiphon », qui est notamment passée par l’AB en 2014. Depuis, l’activité du groupe tourne au ralenti mais le gaillard n’est pas resté les bras croisés. Il est notamment à la base du supergroupe indie BNQT (qui réunit pêle-mêle les voix de Band Of Horses, Franz Ferdinand, Grandaddy et Travis) avec qui il a enregistré « Volume 1 » en 2017.
Mais l’actualité récente d’Eric Pulido est la publication de son premier effort solo sous l’identité E.B. The Younger. « To Each His Own », sans radicalement se démarquer de ses racines, fait la part belle aux mélodies colorées qu’« Antiphon » avait (délibérément ?) laissées de côté. Les deux premiers titres de ce soir, le guilleret « When The Time Comes » et l’imparable single « Used To Be », l’illustreront de pertinente manière.
Officiant dans une ambiance sobre et tamisée, le grand guitariste barbu est entouré de quatre compères dont McKenzie Smith, l’excellent batteur de Midlake. Mais celui qui tirera son épingle du jeu sera l’impressionnant claviériste dont les parties endiablées enverront littéralement les compositions dans une autre dimension. Les plus récentes constitueront le fonds de commerce de la première partie du set parmi lesquelles le faussement acoustique « Hope Arrives » et le très rock sudiste « On An Island » se démarqueront. Seul le chaloupé « CLP » que l’on dirait issu d’une mauvaise série télé des seventies, nous laissera perplexes.
Particulièrement en forme, l’ami Pulido dissertera abondamment entre les morceaux. Il se souviendra notamment du premier concert de Midlake à Bruxelles dans cette même salle en support d’Andrew Bird et enverra une subtile pique à la figure d’un certain locataire de la Maison Blanche. Mais ses interventions les plus intéressantes interviendront lors de la deuxième partie du set, lorsqu’il se lancera dans une série de covers qui, à l’exception du « One Man Guy » de Rufus Wainwright, auront toutes un lien avec lui.
Si celui avec les nerveux « Restart » (BNQT) et « The Old And The Young » (Midlake) saute aux yeux, peu savent que les Texans ont joué (et tourné) avec John Grant à l’époque de « Queen Of Denmark ». La version de « Sigourney Weaver » ce soir sera même à deux doigts de surpasser celle de son auteur original.
Il bouclera tout de même la soirée avec deux derniers titres d’E.B. The Younger, même si « Out Of The Woods » apparaîtra un rien léger par rapport à l’ouragan d’émotion qui venait de s’abattre sur le Witloof Bar. En revanche, le rappel (qui n’en sera pas vraiment un) permettra aux musiciens de modeler à leur guise un entêtant « Don’t Forget Me » moins sage que sur disque. Quoi qu’il en soit, ses projets parallèles auront d’une manière ou d’une autre un impact sur la suite des aventures de son groupe initial. Pour autant qu’il le réactive un jour…