The Horrors in the Night Life
Une petite dizaine d’années d’hibernation relative suivie d’un réveil aussi tonitruant qu’inattendu, telle est la dernière histoire signée The Horrors. Les corbeaux de Southend-on-Sea se sont en effet rappelés à notre bon souvenir en publiant « Night Life », un sixième album qu’ils sont venus défendre à l’Orangerie du Botanique.
Judicieusement choisis pour assurer la première partie, les frangins Ruben et Matthijs Pol, simplement baptisés Pol pour leur projet musical (ils sont également actifs dans le milieu de la mode) ont parfaitement rempli leur rôle. Accompagnés d’un batteur et d’une claviériste, ces bataves installés à Paris ont renvoyé le public à la charnière de la new wave (ce son synthétique à la Gary Numan) et des nouveaux romantiques (le look stylé cher à Duran Duran et consorts). Alternant le micro tout autant que leurs instruments, ils défient le côté kitsch popularisé par l’Italo-disco au travers de bruitages cheap parfois risibles. Ceux-ci sont toutefois parfaitement balancés par une basse sinistre et un enthousiasme à toute épreuve. Cela dit, on se demande toujours comment ils sont parvenus à boucler leur set tel un groupe de rock du début des seventies, toutes guitares en avant…
Si les corbeaux n’ont pas tendance à hiberner, il en est visiblement autrement de ceux emmenés par Faris Badwan. Le dernier album de The Horrors, « V », date en effet de 2017 tout comme un passage au Depot de Leuven. Depuis, plus rien ou pas grand-chose. Quelques featurings, l’un ou l’autre jobs de production et deux EPs passés relativement inaperçus. Un changement de personnel également puisque le claviériste Tom Furse et le batteur Joe Spurgeon ont été respectivement remplacés par Amelia Kidd (The Ninth Wave) et Jordan Cook (Telegram). Preuve de leur intégration, ils ont participé aux enregistrements de « Night Life », publié chez Fiction au printemps.
Un sixième album d’excellente facture qui poursuit une évolution vers un environnement de plus en plus électronique et industriel, un peu comme s’ils avaient choisi de se resourcer dans la cave d’une boîte de nuit. C’est en tout cas l’idée qui prévalait à l’écoute des rythmes binaires assourdissants crachés par les enceintes durant les soundchecks. Rassurez-vous, le groupe n’a pas viré techno pour un sou comme le montrera le flippant « The Silence That Remains », un premier nouveau titre sombre à souhait qui installera patiemment une ambiance tamisée proche de la pénombre absolue, timidement traversée par des éclairs lumineux et des flashes stroboscopiques à peine plus tranchés.
Un speedé « Three Decades » et un irrésistible « Mirror’s Image » bourré de breaks (mais à la basse sous-mixée) permettront ensuite à l’ami Faris d’envoûter son auditoire. Grand dadet rachitique à la coiffure hirsute, il n’a pas bougé d’un iota depuis les débuts du groupe voici une vingtaine d’années. Tout de noir vêtu, les manches de son anorak dézippé laissent apparaître une paire de gants agrippant fermement son micro. Le tout en arpentant frénétiquement la scène tout en déjouant les pièges d’un câble surdimensionné.
Gothique, kraut, shoegaze ou indus, le son de The Horrors ne se limite pas à une seule catégorie. Au contraire, ils adorent brouiller les pistes comme sur l’hypnotique « Sea Within A Sea », tranchant morceau d’anthologie aux neuf minutes parfaites. Cela dit, depuis peu, ils ajoutent des influences électroniques à leur tableau de chasse. Celles-ci sont certes limitées sur « Silent Sister » que l’on dirait emprunté au Depeche Mode du milieu des nineties, comme « Machine » l’avait été sur l’album précédent. Mais « More Than Life » et ses entêtantes nappes synthétiques laissent entrevoir une évolution moins oppressante alors que « LA Runaway » doit beaucoup à The Cure période « Distintegration ». Ces deux titres permettent par ailleurs à Amelia Kidd de s’illustrer derrière ses claviers.
Entre-temps, le plus retenu « Still Life » permettra aux spectateurs de souffler quelque peu alors qu’un particulièrement carré « Who Can Say » bouclera le set principal en s’inspirant (délibérément ?) d’un morceau mélodramatique des sixties. Quand on vous dit que ces bestioles sont insaisissables… Un terme qui sera également d’application lors de l’entame des rappels. « Lotus Eater » partira en effet dans un premier temps vers des contrées électro planantes avant de virer franchement techno, sans guitare ni batterie. Le groupe au grand complet mettra en revanche l’ouvrage sur le métier pour un groovy-krauty « Scarlet Fields » et un « Something To Remember Me By » en mode disco dark caverneux. Prions pour qu’ils ne retournent pas trop vite dans leur cave…
SET-LIST
THE SILENCE THAT REMAINS
THREE DECADES
MIRROR’S IMAGE
SILENT SISTER
MACHINE
SEA WITHIN A SEA
ENDLESS BLUE
STILL LIFE
MORE THAN LIFE
GHOST
LA RUNAWAY
WHO CAN SAY
LOTUS EATER
SCARLET FIELDS
SOMETHING TO REMEMBER ME BY
Organisation : Botanique