Porridge Radio solo, maousse costo
Sur les trois visites programmées de Porridge Radio au Botanique, seule celle de 2022 s’est déroulée sans la moindre anicroche. Si le Covid a sans surprise eu raison des Nuits 2020, une urgence dans le chef d’un membre du groupe a presque mis à mal le concert de ce mardi à l’Orangerie… qui a finalement pris la forme d’une prestation en solitaire de Dana Margolin.
Mandatés pour assurer la première partie, les trois Londoniens de Ebbb ont quant à eux pris possession de l’endroit au grand complet. Présents aux Nuits Weekender et au Sonic City, ils complétaient donc un triptyque noir jaune rouge en support d’« All At Once », un premier EP publié chez Ninja Tune au début de l’été. Sur scène, les contours électroniques aux lointaines influences jazzy prennent le dessus, orchestrés par un préposé aux machines plutôt actif et un batteur au groove assuré.
Devant eux, Will Rowland assure les vocaux en arpentant inlassablement l’espace à sa disposition, la tête dans son monde imaginaire. Cela dit, sa voix haut perchée, quelque part entre Ezra Koenig (Vampire Weekend) et les gaillards de Parcels peut parfois taper sur le système. Elle gagnerait à s’immiscer dans un visuel psychédélique et coloré en lieu et place de la quasi-obscurité qui a froidement accompagné le trio pendant sa prestation.
Trois heures à peine avant l’ouverture de l’Orangerie, un communiqué du Botanique a relayé l’information transmise par Porridge Radio. Un membre du groupe (Georgie Stott, le claviériste) a dû prématurément quitter la tournée et rentrer à Londres, mettant à mal le concert tel qu’il aurait dû se dérouler. Mais plutôt que de l’annuler, Dana Margolin a décidé de le maintenir dans une formule minimaliste.
C’est donc seule sur scène et au son du « Sexy Boy » de Air que la jeune anglaise originaire de Brighton a pris possession de la scène, armée d’une guitare qu’elle mettra des plombes à accorder avant d’enfin se lancer. Avouons que la soirée semblait plutôt mal partie… Mais dès les premières mesures d’un forcément dépouillé mais prenant « Pieces Of Heaven », la magie opérera instantanément. Sans forcer le moins du monde, elle imposera un respect qui restera le maître-mot jusqu’à la fin de son set, nonante-cinq minutes plus tard. Car en plus d’être téméraire, la miss se veut généreuse.
« Clouds In The Sky They Will Always Be There For Me », le quatrième album de Porridge Radio, est arrivé en octobre dernier chez Secretly Canadian et poursuit une aventure entamée voici une dizaine d’années déjà. Enregistré dans des conditions live du côté de Frome, typique petite ville du Somerset dans le sud-ouest de l’Angleterre, il documente une période mentalement et affectivement compliquée pour l’artiste qui a trouvé dans la musique (et la peinture) la force morale de s’en sortir. Produit par Dom Monks (Big Thief, Laura Marling…), il explore une face plus introspective du groupe que les circonstances vont davantage mettre en exergue, amputée de tous ses artifices.
C’est d’ailleurs dans cette récente livraison qu’elle puisera une bonne partie de la set-list. On retiendra l’intensité de « A Hole In The Ground » et la délicatesse de « Trying » en guise d’échauffement. On l’imagine presqu’en train de répéter devant son miroir face à un public imaginaire. À la différence qu’elle se trouve au milieu d’une scène vide, simplement accompagnées de projections animées en noir et blanc en morphing à tendance ornithologique.
Une prestation en crescendo qui nous fera découvrir sous un autre angle des titres comme le captivant « You Will Come Home », aussi puissant que sa version studio, le hanté « Lavender, Raspberries » ou l’entêtant « Sick Of The Blues ». Le point commun entre ces compositions ? Une impressionnante voix modulable dans lequel la chanteuse incorpore spontanément un panel d’émotions. Autres exemples frappants, « Wednesday » et « God Of Everything Else » qui dévoilent des atmosphères rêveuses chères à Adrianne Lenker.
« L’avantage de ne pas avoir de groupe », lancera-t-elle au milieu de son set, « c’est que je peux faire ce que je veux. Comme tester de nouvelles compositions ». Trois inédits agrémenteront donc la soirée. On passera sur le relativement passe-partout « Bull In A China Shop » pour se concentrer sur cette fausse balade irlandaise « Anthills » et ce vénère « Don’t Want To Dance ». Quant aux versions en solitaire des hits « Jealousy » et « Back To The Radio », elles n’affecteront en rien l’enthousiasme d’un public au support inconditionnel.
Une osmose qui l’encouragera à se lancer dans de généreux rappels pendant lesquels l’intensité grimpera de plusieurs crans. Démarrés par un incroyable « Born Confused » presque plus accrocheur qu’en full band, chaque titre surpassera ainsi le précédent. « Sweet » et ses changements de rythme introduiront « 7 Seconds », le single isolé qui déchaînera les passions avant un « Waterslide, Diving Board, Ladder To The Sky » tout simplement à tomber. Un dernier pour la route, « Birthday Party », ne fera que confirmer son aptitude à captiver un auditoire. Et si elle revenait en full band pour les Nuits ?
SET-LIST
PIECES OF HEAVEN
I GOT LOST
A HOLE IN THE GROUND
GOOD FOR YOU
TRYING
YOU WILL COME HOME
LAVENDER, RASPBERRIES
WEDNESDAY
JEALOUSY
SICK OF THE BLUES
GOD OF EVERYTHING ELSE
BULL IN A CHINA SHOP
ANTHILLS
SLEEPTALKER
DON’T WANT TO DANCE
BACK TO THE RADIO
BORN CONFUSED
SWEET
7 SECONDS
WATERSLIDE, DIVING BOARD, LADDER TO THE SKY
BIRTHDAY PARTY
Organisation : Botanique