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L’esprit punky d’Ezra Furman

Pour son deuxième passage au Botanique, Ezra Furman s’est finalement produit à l’Orangerie en lieu et place de la Rotonde. Face à l’engouement rencontré par les préventes, il a en effet été upgradé dans la plus grande salle du complexe où il a défendu « Twelve Nudes », son nouvel album.

À l’instar de la veille avec Temples, n’en déplaise à Lip Service, notre première partie s’est déroulée ailleurs. Au Witloof Bar plus exactement avec Omni, trio originaire d’Atlanta dont le dernier opus, « Networker », est sorti récemment chez Sub Pop. Composé de Frankie Broyles, ex-guitariste de Deerhunter et de deux anciens Carnivores, ils sont loin d’être des débutants et leur assurance sur scène traduit un degré de coolitude à toute épreuve. Musicalement, on se retrouve à la croisée des chemins entre Television (la guitare), Wire (les rythmes saccadés) et Gang Of Four (les mélodies). Pour un résultat nettement plus convaincant qu’au Sonic City à Kortrijk début du mois.

Le moins que l’on puisse écrire, c’est qu’Ezra Furman foisonne d’idées et ne traîne jamais pour les concrétiser. Ainsi, dix-huit mois à peine après le conceptuel « Transangelic Exodus » qui racontait le road-movie d’un homme et d’un ange queer fuyant un gouvernement hostile, le voici déjà de retour avec la suite de ses aventures. Cette fois, il voulait insuffler à ses compositions une énergie et des guitares indie. Il a donc confié la production de « Twelve Nudes » à John Congleton, célèbre pour ses collaborations avec St. Vincent, The War On Drugs et Wild Beasts. Mais aussi Baroness, Sleater Kinney et Plague Vendor.

Quoi qu’il en soit, la première écoute de ce nouvel album a de quoi surprendre. Un peu comme celle du « Infest The Rat’s Nest » de King Gizzard & The Lizard Wizard aux influences franchement trash-metal. Si l’on n’en est pas à ce stade, les riffs cinglants, la voix criarde et le tempo accéléré lorgnent vers le punk, en moins de vingt-huit minutes. Seul échappe à cet ouragan le très sixties « I Wanna Be Your Girlfriend », déjà interprété sur la scène de la Rotonde lors de son précédent passage en février 2018.

Après avoir déboulé sur scène, il se lancera toutefois dans un énergique « Suck The Blood From My Wound », transition parfaite entre l’ancien et le nouveau Ezra. Enfin, surtout d’un point de vue musical car physiquement, le gaillard reste pareil à lui-même. De plus en plus coquet, il a ce soir assorti sa courte robe à ses chaussures alors qu’un rouge à lèvres écarlate tranche avec son inséparable collier de perles. À ses côtés, trois fidèles musiciens barbus en salopette (Ben Joseph à la guitare, Jorgen Jorgensen à la basse et Sam Durkes à la batterie) le suivent dans ses délires. Seul manque le saxophone de Tim Sandusky, absent également de « Twelve Nudes ».

On l’a dit, ce nouvel album présente un son plus lourd qu’on se prendra dans la figure dès « Calm Down aka I Should Not Be Alone », sa plage d’ouverture et l’excellent « Rated R Crusader » dans la foulée. « I’m on the edge between anger and happiness », balance-t-il. On est prêt à le croire. À peine le temps de prendre une bouffée d’oxygène pendant le rétro « Haunted Head » et ses harmonies d’un autre temps que déjà l’urgence de « My Teeth Hurt » les dégage manu militari. Entre les deux, « Trauma » et son environnement inspiré par un Neil Young grungy assureront la liaison.

La dynamique de « Twelve Nudes » semble avoir boosté les musiciens qui l’appliqueront aux titres plus anciens, à l’instar de « Body Was Made » et « My Zero ». À moins que ce ne soit l’absence du saxophoniste qui soit à la base de cette contrainte. Si tel est le cas, le résultat dépasse les attentes et démontre une faculté d’adaptation déconcertante qui portera ses fruits sur le théâtral « No Place » (Ezra sans guitare est aussi maniéré qu’intenable) et l’imparable « Driving To L.A. ». Sans compter que sa voix peut conférer une émotion palpable dont profitera notamment « Psalm 151 ».

Pour le reste, mis à part l’inaudible « Blown », intermède plus qu’autre chose sur disque, la nouvelle plaque sera interprétée dans son intégralité. On retiendra notamment « In America » (« The new American anthem »), « Transition From Nowhere To Nowhere » (« A song of pure depression ») ainsi que les deux titres qui refermeront le set principal. Francs et directs, les vénères « Evening Prayer aka Justice » et « Thermometer » alimenteront l’esprit punk de la soirée.

Outre un nouveau titre en crescendo baptisé « On Your Own » sur la set-list (mais bien plus long dans la réalité) qui donne peut-être une indication sur sa prochaine direction, Ezra Furman se fera plaisir lors des rappels. Via une cover plutôt réussie du « Police On My Back » des Equals (le groupe d’Eddy Grant) déjà repris par The Clash sur l’album « Sandinista! » avant un dévastateur « What Can You Do But Rock ‘N’ Roll » à deux doigts de générer des pogos. On n’aurait pas trouvé meilleure conclusion…

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