L’espace liminal d’Eosine
Désormais signés sur le jeune et dynamique label Courtraisien Mayway Records, les Liégeois d’Eosine poursuivent leur petit bonhomme de chemin. Le quatuor emmené par Éléna Lacroix a présenté à la Rotonde du Botanique “Liminal”, nouvel EP et énorme pas en avant vers une reconnaissance (au minimum) nationale.
Le Botanique, un endroit qu’ils connaissent bien pour y avoir notamment remporté haut la main le Concours Circuit en 2022 et introduit, quelques mois plus tard, l’ultime concert de BRNS lors des Nuits. L’été suivant, les voilà sur la scène du Garage au Dour Festival pour une prestation explosive dont les secousses dépasseront largement la frontière linguistique. Ils finiront ainsi par apposer leur signature au bas d’un contrat les liant à l’un des labels indépendants les plus en vue du nord du pays, Mayway (The Haunted Youth, Marble Sounds, Mooneye, Meltheads…).
“Liminal”, la première sortie physique pour leur nouvelle maison, a vu le jour voici un mois et la release de ce soir était attendue de pied ferme par un groupe qui a balancé d’entrée de jeu un “Digitaline” du feu de Dieu. Si ce titre a l’ossature pour clôturer un set, la version proposée prouvera qu’il coche également toutes les cases pour l’entamer et prendre les spectateurs à la gorge. D’autant que, sans la moindre respiration, c’est un “Plant Healing” punchy et rêveur à la fois qui les maintiendra sous l’eau. Avouons que l’on ne s’attendait pas à une telle entrée en matière mais sa pertinence donnera raison au groupe.
Un groupe qui, depuis sa dernière visite au Botanique (en février lors du festival Europavox) a légèrement changé de visage. Guillaume Vãn Ngoc a ainsi pris la basse en charge et rejoint un line-up désormais stabilisé autour d’Éléna, du batteur Benjamin Franssen et du guitariste Dima Fontaine. La voix de ce dernier apporte en outre un réel plus à des compositions transfigurées par la scène. À ce propos, la présence et la théâtralité de la chanteuse, qui se lancera notamment dans une danse aux mouvements désordonnés sur “Limewood”, contribue pleinement au déroulé du show. D’autant qu’elle n’hésite pas à transmettre sa rage via des cris stridents sous des rafales stroboscopiques succédant à des moments nettement plus introspectifs et planants.
Sur “Liminal”, outre des versions réaménagées des précités “Digitaline” et “Plant Healing”, on retrouve deux inédits. L’hypnotique premier single “Progeria” et le mi-langoureux mi-nerveux “UV” dont Slowdive 2.0 seraient fier, interprété en partie ce soir aux côtés du Bruxellois Pyo (plus retenu et contenu que lors de son set en première partie). D’un point de vue visuel, on regrettera peut-être la relative discrétion des projections travaillées aux couleurs vives qui passent au second plan, masquées par un rideau de lights dirigé vers les musiciens.
Cela dit, les moments les plus prenants seront ces deux pièces extensibles lors de la seconde moitié du set, assorties d’une mise en scène savamment orchestrée. Le bien nommé “Incantations” tout d’abord, titre soutenu entre lyrisme et furie au cœur duquel la chanteuse disparait, laissant ainsi l’espace à ses trois compères (dont les chœurs ne sont pas à négliger, soit dit en passant) avant de resurgir de nulle part et d’hurler sans micro sur le devant de la scène.
Mais c’est l’émotionnellement chargé “No Horses” qui nous donnera des frissons en clôture du concert. Introduit par le speech d’une Éléna à fleur de peau, il la verra y dévoiler toute sa sensibilité dans une forêt de guitares de plus en plus ensorcelantes avant de se figer au milieu d’une clairière. « I am lost and found », chuchote-t-elle, apeurée, avant de prendre le dessus et de le clamer de toutes ses forces, jusqu’à se retrouver couchée à même la scène, non sans avoir testé un périlleux crowdsurfing entre-temps. Cela s’appelle vivre ses compositions à fond… et les partager avec un public bluffé. Next step, l’Orangerie avec l’album ?
SET-LIST
DIGITALINE
PLANT HEALING
LIMEWOOD
UV
PROGERIA
A SCENT
INCANTATIONS
ABOVE
NO HORSES
Organisation : Botanique