Les Nuits Weekender 2025: nos coups de coeur
La deuxième édition des Nuits Weekender, genre de Nuits Botanique indoor à la programmation défricheuse, a tenu toutes ses promesses. Les erreurs de jeunesse ont été gommées, le format calibré et le public présent en masse a contribué au succès d’un événement amené à s’installer dans le calendrier des festivals d’arrière-saison aux côtés du Sonic City et du Fifty Lab notamment, sans pour autant les concurrencer.
Outre des horaires adaptés (grosso modo de 15h à 23h) et une programmation quotidienne cohérente, de petits plus émaillent l’événement. Comme ce mini estaminet qui propose du café, du cake et des cocktails sur le trajet entre le Museum et les autres salles. Ou ce tournoi d’échecs organisé par le Dissociated Chess Club dans la bibliothèque. Ou encore la présence de disquaires entre la Rotonde et le bar.
Musicalement, on recevra la première claque du week-end au Museum de la part d’Annahstasia. Rien à voir avec la popstar américaine du début des années 2000 puisque cette Californienne, qui a notamment joué en support de Lenny Kravitz, possède un organe vocal autrement plus impressionnant. Rauque et ample, sa tessiture enveloppe littéralement des compositions interprétées seule à la guitare acoustique (pour des raisons de budget, précisera-t-elle) dans un silence respectueux. Des versions dépouillées bourrées d’émotion entre soul et comptines que l’on vous encourage à aller découvrir au Trix le 12 novembre prochain.
Déjà passés en 2019 par la Rotonde, These New Puritans ont une nouvelle fois envouté la salle la plus cosy du complexe. Leur dernier album, « Crooked Wing », les voit de nouveau embrasser une trajectoire aventureuse, balisée cette fois entre introspection baroque et schéma industriel céleste. Sur scène, le brin de folie de Jack Barnett, affairé derrière ses claviers et les délires percussifs de son frère jumeau George Barnett élèvent une prestation pendant laquelle marteau, chaînes et xylophone entrent dans l’équation au service de titres ténébreux, hypnotiques ou tribaux en fonction de l’humeur des frangins. Seul regret, cinquante minutes, ce n’est clairement pas suffisamment long pour explorer leur passionnant et vaste univers.
On déplorera peut-être la désertion de la salle au fur et à mesure de l’avancement du set mais à la décharge des spectateurs, ceux-ci avaient clairement fait le déplacement pour Perfume Genius. On a en effet rarement vu l’Orangerie aussi empaquetée mais en même temps aussi silencieuse et captivée par un artiste dont la scène devient le terrain de jeu préféré. Michael Hadreas a publié au printemps « Glory », un septième album plus dépouillé qu’il défendra avec conviction, touchant son public en plein cœur. Tout en adoptant des postures théâtrales à mille lieues de ses timides débuts lorsqu’il se produisait seul derrière son piano. C’est d’ailleurs à la Rotonde qu’il a donné l’un de ses premiers concerts sur le continent européen, comme il se plaira à le rappeler.
Lorsque l’on a vu débouler Joseph Scarisbrick sur la scène de la Rotonde, on savait que le set de The Orchestra (For Now) samedi à l’heure du goûter deviendrait l’un des moments forts du festival. Les sept (très) jeunes talentueux musiciens Londoniens n’ont en effet pas leur pareil pour composer des titres sinueux d’une richesse harmonieuse hors pair. Déjà incroyables sur disque (ils ont justement publié leur deuxième EP, « Plan 76 », la veille), les compositions se voient transcendées par un traitement live d’une intensité sans pareil. D’autant que chaque instrument bénéficie de son espace distinct au service du collectif avec un petit penchant pour le violon et le violoncelle (électrique) aux nappes rêveuses. Ajoutez-y la personnalité d’un leader intenable et l’enthousiasme communicatif de ses pairs et vous avez devant vous une version autrement plus passionnante que les actuels Black Country, New Road.
Dans une veine similaire, leurs compatriotes de Man/Woman/Chainsaw se produiront un peu plus tard au Museum sous le regard attentif d’une partie de l’Orchestra. À six sur scène (dont une violoniste aussi essentielle qu’incontrôlable), ils emmènent toutefois leurs compositions dans une direction plus rugueuse rappelant par moments les débuts de Band Of Skulls. Parmi les trois vocalistes en action, notre préférence ira vers la claviériste située à l’extrême droite de la scène, abonnée aux moments plus calmes et chaleureux. Le guitariste et la bassiste se partageant quant à eux le reste des textes sur des rythmes de plus en plus speedés et ornés d’entêtantes pointes mélodieuses en filigrane.
Entre les deux, les Mancuniens de TTSSFU, le projet de la blonde (jusque-là en tout cas) Tasmin Stephens maintiendra le cap. Moins grandiloquent mais tout aussi intense, leur set couplera guitares shoegaze, dream pop énergisante et mur du son aux accents paradoxalement poppy. Avec un look vestimentaire rappelant furieusement celui de Blondie (les mecs stricts entourant la nana en robe blanche) et une basse sans tête du plus bel effet. Avant un final qui verra la chanteuse quitter la scène après avoir balancé sa perruque. Récente signature chez Partisan, on devrait réentendre parler d’eux rapidement.
Déjà largement en tête du hit-parade des t-shirts, les gaillards de Sunn O))) poursuivront sans peine leur domination textile (et vinyle). Le large stand merchandising ne désemplissant pas durant toute la journée. Autre indication, l’Orangerie s’est retrouvée pleine à ras-bord pour accueillir le duo de Seattle qui s’apprêtait à exploser les tympans de disciples consentants devant un impressionnant mur d’amplis (surveillé par un préposé chargé de vérifier à intervalles réguliers la température de chacun d’entre eux). Pendant ce temps, des flashes stroboscopiques traversaient l’obscurité au milieu de généreux fumigènes sur fond de lancinants riffs aux hypnotisants effets trafiqués. Une expérience sensorielle complète puisque tout vibre, du système de ventilation de la salle jusqu’à la surface de la peau du public. À l’heure où l’on parle beaucoup de drones, Stephen O’Malley et Greg Anderson sévissent sans dommages collatéraux. En apparence tout au moins…
Pour la troisième journée du festival, les programmateurs ont joué de malchance car deux têtes d’affiche (Pandar Bear et New York) ont annulé leur visite au Botanique. Une troisième journée marquée notamment par les Suédois de Horse Vision qui ouvraient l’Orangerie au milieu de lumières tamisées. Le trio guitare-basse-batterie originaire de Stockholm joue à fond la carte shoegaze entre instrumentaux soutenus et compositions enivrantes parsemées de bidouillages bricolés à la Grandaddy. Plus délicates et éthérées, celles des Londoniens de Kelora ont accompagné le Museum dans la séance relaxation du dimanche après-midi. Quant aux virtuoses Casper Van De Velde et Hendrik Lasure aka Schntzl, ils ont donné une leçon de jazz avant-gardiste un chouia expérimentale mais accessible, devant un décor mystérieux particulièrement adapté.
Pêle-mêle au cours du week-end, on retiendra également le post rock puissamment planant de Teethe, l’indie pop grungy à la Breeders de Momma, les nappes vaporeuses de la bidouilleuse Alice Hebborn accompagnée de la pianiste Nao Momitani, le hardcore mélodieux de Truck Violence et les délires médiévaux de Tristwch Y Fenywod. Rendez-vous l’année prochaine pour de nouvelles découvertes.
Organisation : Botanique
