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Les Nuits 2024: Cranes, a trip in nostalgia

Les organisateurs des Nuits ont frappé un grand coup en conviant les cultissimes Cranes pour une prestation rare et exclusive. Avec un retour sur investissement immédiat puisque l’Orangerie s’est retrouvée sold out en un éclair. Pas étonnant lorsque l’on connaît l’aura du groupe dans nos contrées…

Lors du concert de Timber Timbre dans cette même salle deux jours auparavant, l’obscurité était de mise. Un concept visiblement dans l’air du temps puisque le début du set de Takh s’est déroulé dans les mêmes conditions. Mais contrairement aux Canadiens, cet épisode s’avérait indispensable pour installer l’univers glacial et oppressant du projet réunissant trois membres des défunts The Black Heart Rebellion et la batteuse Annelies Van Dinter, tête pensante d’Echo Beatty.

Une association envoûtante qui prend par moments des airs ensorcelants à la Wovenhand ou des détours industriels chers à Einstürzende Neubauten. Mais le point d’orgue sera sans conteste « Hair Of A Horsetail » extensible pièce d’anthologie patiemment travaillée et minutieusement développée. Entamée par de douces incantations et ponctuée d’un final tribal exécuté par des musiciens en transe, elle amorce un voyage tantôt planant tantôt flippant mais jamais lassant. D’autant que la scène transcende un groupe qui s’épanouit véritablement dans ces conditions.

La dernière fois que les Cranes ont joué au Botanique, c’était encore lorsque les Nuits se déroulaient à l’automne. Nous étions en 2001 et les natifs de Portsmouth avaient ouvert pour The Divine Comedy sous le chapiteau. À l’époque, ils venaient de sortir « Future Songs », un album qui marquait leur retour aux affaires après un hiatus de trois ans. Depuis, le groupe s’est montré plutôt discret, n’ajoutant que deux lignes à sa discographie avant de peu à peu disparaître de la circulation. Toutefois, l’an dernier, deux dates annoncées presque pour du rire ont suscité l’engouement et relancé la machine…

Dans la foulée, la compilation inédite « Peel Sessions 1989-1990 » voyait le jour. Pour l’heure, ils viennent de rééditer « Fuse », leur cassette démo autoproduite de 1986 et « Loved », leur troisième album, à l’occasion de son trentième anniversaire. Une actualité résolument tournée vers le passé, raison pour laquelle parmi le public de fidèles l’on retrouve pas mal de crânes dégarnis qui sont tombés sous le charme d’Alison Shaw and co lors du Wish Tour de The Cure en 1992 et qui ont sans doute réédité l’expérience aux Lokerse Feesten en 2005.

Le concert de ce soir est le premier d’une mini tournée qui les conduira ensuite à Rotterdam, Leeds et Londres avant quelques dates de festival annoncées au compte-gouttes. C’est qu’ils comptent prendre leur temps, à l’instar de « Cloudless », l’envoûtant titre qui a ouvert les vannes émotionnelles d’une Orangerie empaquetée et particulièrement moite. Les années n’ont pas été trop sévères avec une chanteuse toujours aussi fluette à la caractéristique voix enfantine qui attrapera une basse pour le bien nommé « Rêverie » tout en crescendo retenu.

Davantage marqué, son frère Jim Shaw, barbe grisonnante et inamovible béret, officie derrière les fûts et frappera de temps à autre comme un dingue sur son kit. Il enverra ainsi « Dada 331 » sur une autre planète alors que la guitare de Paul Smith électrifiera un « Pale Blue Sky » bien senti. Sur l’écran à l’arrière de la scène, des clips en mouvement inspirés de l’univers du groupe agrémentent la prestation même si, la plupart du temps, c’est en fermant les yeux que l’on se retrouve transporté, notamment par le rêveur « Everywhere ».

C’est alors que les choses se gâteront d’un point de vue technique, le batteur se plaignant tout d’abord ouvertement d’un retour défectueux. Après une interruption conséquente, il évacuera sa frustration en cognant dru sur un puissant « Loved ». Mais cet intermède aura pour effet de le déconcentrer et plusieurs approximations altèreront alors son jeu. Par extension, celles-ci pèseront sur la prestation du groupe qui, par moments, prenait des allures de répétition générale.

Cela dit et malgré tout, on passe un excellent moment, sans doute parce que cela fait une éternité que l’on n’a plus entendu ces compositions qui ont assez bien résisté à l’épreuve du temps. « Clear » aurait ainsi pu figurer sur le premier album de PJ Harvey alors que l’irrésistible « Jewel », leur seule incursion dans le top 30 britannique, coche toutes les cases du hit indie. Le point commun entre ces deux morceaux ? La guitare d’Alison… Le mélancolique « Far Away » et le prenant « Adrift » boucleront ensuite un set principal ayant filé comme l’éclair.

Entamés par les rifs hypnotiques de « Fuse » et de « Lilies », les rappels seront pour le moins généreux. Davantage rugueux également, à l’instar d’un « Starblood » convenant parfaitement à la voix nasillarde de la chanteuse pour les boucler dans un succulent brouhaha sonore. Entre les coups, outre ces longs moments de silence qui casseront malheureusement le rythme entre les morceaux, un sinistre « Inescapable » et un plaintif « Sixth Of May » complèteront le tableau.

Devant l’enthousiasme du public, ils reviendront pour un second rappel alors que les lumières étaient déjà rallumées dans la salle. Un point final au son du musclé « E.G. Shining » qui, à l’instar de la totalité de la set-list présentée ce soir, date d’avant 1995. Pas sûr que les spectateurs présents auraient souhaité autre chose. Mais pour leur prochaine visite dans le coin, des ajustements s’imposent…

SET-LIST
CLOUDLESS
RÊVERIE
DADA 331
PALE BLUE SKY
EVERYWHERE
LOVED
GOLDEN
CLEAR
JEWEL
FAR AWAY
ADRIFT

FUSE
LILIES
INESCAPABLE
SIXTH OF MAY
STARBLOOD

E.G. SHINING

Organisation : Botanique

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