Les Nuits 2022: Viagra Boys, pogo all night long
Une des affiches les plus attendues des Nuits 2022 s’est déroulée sous un chapiteau ultra bondé et en pleine ébullition. Les responsables de ce carnage ? Les sauvages de Viagra Boys qui n’ont pas fait dans la dentelle. Mais ils n’étaient pas les seuls…
En effet, alors que l’on profitait du soleil généreux au pied des marches tout en sirotant une boisson houblonnée, sont apparus quatre gaillards (dont un pied nus) frappant dans les mains. Ils étaient suivis d’un cameraman en salopette de chantier jaune fluo arborant une tête d’ours. Business as usual pour les Gantois de Shht qui invitaient la foule à les suivre vers le point de départ de la soirée.
Une fois sur scène, pendant que les musiciens attrapaient leurs instruments, le leader en combinaison rouge moulante a continué à faire le pitre et n’a pas tardé à prendre un premier bain de foule. Maquillé à outrance et cheveux en bataille, il ressemble à Adam Ant au début des années 80, le regard de psychopathe en plus. Particulièrement speedé, il s’adressera au public perché sur un ampli. Notons qu’en plus de jouer à l’équilibriste, il possède certains dons de contorsionniste.
Si pour l’environnement on hésite entre cirque et carnaval, musicalement, ils sont dans le même trip que The Guru Guru. À savoir des compositions imprévisibles, bourrées d’énergie et parsemées de sonorités bizarroïdes. Ceci dit, le clavier vintage apporte une touche anachronique lorsque la machine infernale ne s’emballe pas en balançant des beats hypnotiques. Ils avaient déjà fait fort à l’AB en support de Fat White Family, le Covid n’a rien arrangé…
En 2019, les Canadiens de Crack Cloud étaient passés au Witloof Bar puis, quelques semaines plus tard, dans la fournaise du KulturA. Mais on n’avait pas tous les codes pour pénétrer dans leur univers complexe et on était repartis avec plus de questions que de réponses. Des interrogations du même type que celles rencontrées lors des débuts de Icegage auxquels ils font parfois penser, notamment via un usage oppressant du saxophone.
À l’époque, ils n’avaient publié que deux EPs prometteurs et sont entre-temps passés à la vitesse supérieure via un premier album, « Pain Olympics », arrivé en pleine pandémie. Un album que le collectif (ils sont six sur scène, emmenés par un batteur à la voix sombre et saccadée) va défendre ce soir avec conviction mais sans réellement parvenir à emballer le public. Même s’ils ont tenté de rendre leurs compositions plus accessibles et que les premiers rangs gigoteront en toute fin de set sur l’imparable « Drab Measure », ils pâtiront des délires de leurs prédécesseurs mais surtout de l’énergie de leurs successeurs…
Car Viagra Boys, c’est une bombe qui ne demande qu’à exploser. Une machine parfaitement huilée qui installera une telle tension lors de l’intro que le chapiteau s’emballera dès les premières mesures de « Research Chemicals », le titre qui ouvrait leur premier EP en 2016. Instantanément, une pluie de gobelets à moitié vides accompagnera des mouvements de foule qui ne faibliront pas tout au long d’une prestation sans le moindre temps mort.
Les Suédois ont sorti en tout début d’année dernière « Welfare Jazz », un deuxième album plus varié qu’il n’y parait. On y trouve notamment « In Spite Of Ourselves », une surprenante cover de John Prine interprétée en mode bluesy-country avec Amy Taylor, la voix d’Amyl And The Sniffers. Mais on y trouve surtout « Ain’t Nice » qui déchaînera les passions ce soir, amplifiant des vagues humaines se rapprochant dangereusement de la table de mixage, au son d’un saxophoniste devenu comme fou. On n’en était alors qu’au deuxième morceau…
Avec ses pas de danse maladroits, son attitude nonchalante, ses inamovibles lunettes de soleil et ses multiples tatouages (son torse et son dos en sont recouverts), Sebastian Murphy ne passe pas inaperçu. Mais c’est sa voix, aussi brute soit-elle, qui donne l’impulsion ultime à des compositions d’une intensité sans égal (« Slow Learner », « Toad »). Notons toutefois que même sans sa voix, l’environnement reste aussi bordélique (« 6 Shooter ») et que des nappes de synthé judicieusement distillées (« Just Like You ») n’empêchent pas le public de rebondir sur un plancher de plus en plus malmené.
Le 8 juillet prochain sortira « Cave World », le nouvel album du groupe et « Ain’t No Thief », le single avant-coureur et seul nouveau titre joué ce soir, semble déjà apprivoisé, comme le montrera son break participatif. Dans la foulée, le faussement retenu « I Feel Alive » permettra de reprendre quelque peu son souffle avant un imparable « Sports » qui mettra tout le monde d’accord. Y compris le chanteur qui maniera ses bouteilles de bière en guise de poids tout en tirant sur sa clope. Le public, lui, dégouline de transpiration.
Une version complètement dingue de « Shrimp Shack » en mode free-jazz destructeur bourré d’urgence mettra un terme au set principal qui aurait dû rimer avec fin de la soirée. Mais malgré les lumières rallumées et un slow crapuleux signé Jennifer Warnes et Joe Cocker (« Up Where We Belong ») dans les haut-parleurs, le groupe est revenu pour un ultime titre, le très Pixies-esque « Worms ». Ou comment asséner un dernier coup de poing à un public déjà dans les cordes. Bonjour les courbatures…
SET-LIST
RESEARCH CHEMICALS
AIN’T NICE
JUST LIKE YOU
6 SHOOTER
SLOW LEARNER
AIN’T NO THIEF
I FEEL ALIVE
TOAD
SPORTS
SHRIMP SHACK
WORMS