Les Nuits 2019 : Nilüfer Yanya, Miss Univers au Bota
Savoureusement baptisé « Miss Universe », le premier album de Nilüfer Yanya se profile déjà comme un des incontournables de cette année. La dernière date de sa tournée européenne l’a menée dans un Grand Salon plein à craquer pour un moment de pur bonheur…
On ne le savait pas encore, mais Connie Constance, l’artiste qui a introduit la soirée, s’apprêtait à nous bluffer elle aussi. Pourtant, lorsque ses musiciens sont montés sur scène au son du « Toxic » de Britney Spears et qu’elle a débarqué ensuite dans un apparat digne d’un défilé de mode pour un titre plus pop r’n’b que nature, on a hésité à rebrousser chemin. Et encore, on ne vous parle pas de ses énormes lunettes de soleil serties de brillants ni des amples déhanchés chorégraphiés.
Ceci dit, pour le deuxième morceau, le claviériste a attrapé une guitare dont le son crasseux a entrouvert les portes de l’univers de PJ Harvey. Par après, outre une basse entêtante et une batterie à la présence retenue, ce sont les parties au piano qui rendront son set passionnant. D’autant qu’une fois débarrassée de ses artifices, sa voix puissante prend une place prépondérante, surtout sur les titres dépouillés, presque jazzy. Mention au langoureux « Fast Cars », le titre avec lequel elle prendra congé du public après lui avoir demandé de se lever pour effectuer quelques pas de danse.
Le souci, c’est qu’au Grand Salon, la scène se limite à un énorme tapis rouge posé à même le sol, ce qui ne rendra pas service à Nilüfer Yanya ou plutôt à ceux qui se tenaient à l’arrière de la salle. En effet, le talent de la jeune anglaise d’origine turque est inversement proportionnel à sa taille. Pour la petite histoire, on l’avait découverte en novembre dernier à Forest National en première partie d’Interpol. Wrong time, wrong place serait-on tentés d’écrire, mais malgré cela, elle est parvenue à susciter notre curiosité et nous convaincre de réserver notre future soirée aux Nuits.
Entre-temps, « Miss Universe », son premier album, est sorti et malgré un délire récurrent impliquant WWAY Health, une pseudo hotline santé en guise d’intermèdes, il répond aux espoirs placés en elle. C’est d’ailleurs au terme du jingle d’intro de cette dernière que les choses sérieuses débuteront avec un épuré « Monsters Under The Bed ». Ses musiciens (un batteur, un bassiste et une excellente saxophoniste) la rejoindront ensuite pour un prenant « Thanks 4 Nothing ». Mais c’est sa fameuse version bossa nova du « Hey » des Pixies imaginée à travers les yeux de Sade qui lancera définitivement la soirée.
En effet, les atmosphères cabaret jazzy classiques (« Golden Cage », « Melt ») ou futuristes (« Safety Net », « Baby Blu ») seront légion grâce à la voix fascinantes de la belle. Mais la plus-value de la saxophoniste qui, en plus de posséder de sérieuses notions aux claviers, délivre des chœurs magiques, n’est pas à sous-estimer. On préfère toutefois lorsque le tempo s’affole et que des riffs bien sentis inondent le Grand Salon (« The Unordained », « Angels ») ou lorsque son hit « In Your Head » lance un signal subliminal aux spectateurs devenus moins sages d’un coup de baguette magique.
On pensait d’ailleurs que tout allait en rester là mais elle entamera seule « Heavyweight Champion Of The Year » avant que son groupe ne revienne en force pour l’aider à le ponctuer. Après de longues minutes et le retour des lumières, on aura même droit à un rappel inattendu plein de sobriété via « Keep On Calling ». Une élégante manière de boucler la tournée. La prochaine fera à n’en point douter escale dans des salles de (bien) plus grande capacité.