La Psyché Monday Night du Bota
Triple affiche à tendance psychédélique ce lundi soir au Botanique avec Wand et Wooden Shjips qui ouvraient pour Kikagaku Moyo. De Los Angeles à Tokyo en passant par San Francisco, l’Orangerie en a vu de toutes les couleurs…
Les gaillards de Wand avaient déjà eu l’occasion de jouer à la Rotonde lors des Nuits du Bota en 2015. C’était à l’époque de leur deuxième album, « Golem », Album of the Month selon Rough Trade en avril de cette année-là. Depuis, les prolifiques Californiens emmenés par Cory Hanson ont enregistré trois autres plaques, dont le récent et très réussi « Laughing Matter » dans lequel ils puiseront la set-list ce soir, à l’exception de l’excellent « Melted Rope » en final.
Un album moins brut dont ils ont soigné la construction, accordant une place de choix aux orchestrations. On pense ainsi à Talk Talk mais aussi à Ian Broudie et ses Lightning Seeds pour la voix et les arrangements intelligemment poppy. Des influences plus british qu’à l’accoutumée que l’on retrouvera également sur le kilométrique et déstructuré « Airplane » au final presque shoegaze, introduit par la claviériste à la voix proche de celle de Nico.
Depuis 2013, Ripley Johnson s’est essentiellement consacré à Moon Duo, son projet parallèle aux côtés de la claviériste Sanae Yamada. La sortie quelque peu inattendue de « V. », le cinquième album de Wooden Shjips l’an dernier, lui permet donc de tourner avec ses anciens camarades de jeu. Disposé du côté droit de la scène, le célèbre guitariste barbu ne mettra pas longtemps avant de s’immiscer dans son monde plus psyché que nature. Sauf qu’il va un cran plus loin en y ajoutant des couleurs criardes et des visuels qui le sont tout autant.
Des visuels qui dépasseront allègrement l’immense rideau disposé à l’arrière de la scène et qui nous empêcheront de fermer les yeux pour accompagner le groupe dans son voyage intersidéral. Au contraire, elles nous hypnotiseront, ce qui au final donnera presque le même effet. Au programme, des sons envoûtants, des riffs bien sentis, des rythmes saccadés et une voix noyée juste ce qu’il faut pour entretenir le mystère. Dommage qu’ils aient pris un ou deux titres pour rentrer dans le bain avant de monter en puissance et de nous laisser sur notre faim après quarante minutes alors que le double aurait été nécessaire pour atteindre l’orgasme sonore.
En effet, même au Bota on ne badine pas avec les horaires, d’autant que les Japonais de Kikagaku Moyo avaient prévu un set d’une heure trente réservé à leur statut de tête d’affiche. Mais aussi car leurs compositions riches et sinueuses nécessitent une mise en place méticuleuse et ordonnée. Les premières paroles n’interviendront ainsi qu’après un bonne dizaine de minutes via « Nazo Nazo », le premier extrait de « Masana Temples », leur quatrième album publié fin d’année dernière.
Désormais basés à Amsterdam où ils jouissent d’une popularité bien plus importante que dans leur pays d’origine, les cinq asiatiques chevelus aux voix et physiques androgynes (lorsqu’ils n’arborent pas une barbe) vont démontrer toute l’étendue de leur dextérité. Il s’agit en effet de musiciens hors pair qui cultivent une culture musicale excessivement riche. Sur scène, deux guitares, une basse, une batterie et un sitar aux surprenants effets wah-wah.
Ensemble, ils s’embarquent dans des labyrinthes sonores qui vont de l’ambiant hallucinogène au hard rock du Soleil Levant en passant par du krautrock oriental et de la soul pré-disco langoureuse, le tout bien ancré dans les sixties. On leur reprochera peut-être ce passage acoustique en milieu de set qui en découragera certains vu l’heure tardive. Mais ceux qui décideront de les accompagner jusqu’à la fin des rappels ne le regretteront à aucun moment. Au contraire, les décoiffants « Dripping Sun » et « Gatherings » aux délires improvisés en fin de set seront peut-être les moments privilégiés de la soirée. Aligatô.