Jake Bugg, modern distraction time
Onze ans après sa première visite, Jake Bugg est repassé par une Orangerie du Botanique sans surprise pleine à craquer. Il est venu y présenter sa toute nouvelle livraison, « A Modern Day Distraction », avec le même enthousiasme qu’à ses débuts…
Un adjectif qui va également comme un gant à Andrew Cushin, invité à lancer les festivités sur les dates européennes. Le prolixe natif de Newcastle à la solide voix se produit seul sur scène, simplement armé d’une guitare acoustique. Il profite de cette fenêtre pour tester notamment des extraits de son futur deuxième album à paraître en mai prochain, « Love Is For Everyone ». Difficile toutefois d’imaginer l’orchestration du produit fini, mis au point accompagné de ses musiciens. Les versions dépouillées renvoient toutefois à celles d’Oasis, une moindre surprise lorsque l’on sait que c’est Noel Gallagher himself qui a produit « Where’s My Family Gone », un single de 2020.
Petit détour ensuite par le Museum pour l’entame du set de Robert Finley, bluesman originaire de Bernice en Louisiane qui a publié son premier album en 2016, à un âge où certains profitent d’une retraite bien méritée. Il a depuis entamé une fructueuse collaboration avec Dan Auerbach (The Black Keys) qui a co-composé, produit et publié sa quatrième livraison, « Black Bayou », sur son label Easy Eye Sound. Accompagné de musiciens aguerris bien plus jeunes que lui et d’une choriste chaleureuse, le vétéran chanteur à la voix rocailleuse et au sourire spontané fascine par son énergie et son authenticité (cet incroyable « Medicine Woman »). Sa reconnaissance également, en saluant systématiquement le public en ôtant son chapeau au terme des morceaux. Une leçon de blues et une parfaite introduction à la première édition du Tough Enough Festival.
Tout aussi authentique, l’univers de Jake Bugg se conjugue au passé tout en restant actuel. La preuve avec « Be Someone », le single de CamelPhat sur lequel il pose sa voix et qui accompagnera sa montée sur scène. Un clin d’œil atypique car « A Modern Day Distraction », son sixième album publié le mois dernier, ne change pas d’un iota une formule qui lui correspond parfaitement. On a toujours l’impression qu’il l’a enregistré aux studios Olympic de Londres en 1963, supervisé par Andrew Oldham.
La preuve avec « Zombieland », premier énergique nouveau titre d’une set-list kilométrique ne laissant que peu de place à la respiration. Entouré d’un bassiste et d’un batteur dévoués, il va ainsi balancer à tout va des compositions que n’auraient pas reniées les Rolling Stones (« Breakout »), Johnny Cash (« Taste It ») ou les Who (« Waiting For The World »). Des influences assumées parfaitement calibrées à son impressionnante voix nasillarde, particulièrement mise en valeur lors des moments plus retenus (« Maybe It’s Today », le somptueux « Broken » en solo acoustique).
Mais le gaillard est également un virtuose à la guitare. Il faut le voir décocher des riffs incendiaires en toute décontraction, loin de toute démonstration (« Slumville Sunrise », « Still Got Time »). Ajoutez-lui une cape et un masque et il ne ferait pas pâle figure au sein d’un groupe de heavy metal. Cela dit, on le préfère de loin au sein de cet environnement vintage qu’un impeccable « Seen It All », par exemple, caractérise parfaitement. Expressif à souhait, il accentue ainsi ses intonations en propulsant la tête vers l’arrière. Surprenant de prime abord, mais partie intégrante du personnage par la suite.
Baptisée The Modern Day Distraction Tour, la tournée fait bien entendu la part belle à cette nouvelle plaque qu’il interprétera dans sa quasi-totalité. On signera à deux mains pour les arrangements poppy de « Got To Let You Go », la vibe country prononcée d’« I Wrote The Book » et le punch d’« All KInds Of People ». En revanche, les dégoulinants « Never Say Goodbye » et « Beyond The Horizon » empruntent un peu trop à notre goût le terrain des vagues avec les bras, téléphone portable illuminé en sus.
Cela dit, il a constitué au fil des ans un solide back catalogue sur lequel il peut s’appuyer pour affoler un auditoire intergénérationnel (une énigme à laquelle il est difficile d’apporter une explication rationnelle). On pense à son hymne « Two Fingers », bien entendu. Mais le saccadé « Trouble Town » et le limpide « The Love We’re Hoping For » constitueront des moments forts de la soirée. Sans oublier cette version complètement dingue de « Lightning Bolt », chanté en duo dans une ambiance de feu aux côtés d’un spectateur d’une dizaine d’années pas impressionné pour un sou. On comprendra plus tard qu’il brandissait une pancarte mentionnant sa requête. Mais de là à la réaliser, il y a un pas… que l’attentionné chanteur franchira sans hésiter.
La fin du set sera caractérisée par une bonne dose d’improvisation, au point de perturber le roadie quant aux guitares à amener sur scène. Délaissant la set-list établie, l’ami Jake se lancera tout d’abord dans un « Simple As This » jouant dans la cour de Mumford & Sons avant un « Simple Pleasures » partiellement dépouillé qu’un impressionnant solo de guitare viendra transcender. Avant de boucler le set comme prévu par un « All I Need » lorgnant du côté de… Ed Sheeran. Peut-être une des clés de l’énigme énoncée ci-dessus…
SET-LIST
ZOMBIELAND
BREAKOUT
TASTE IT
WAITING FOR THE WORLD
NEVER SAY GOODBYE
TROUBLE TOWN
SEEN IT ALL
SLUMVILLE SUNRISE
KEEP ON MOVING
MAYBE IT’S TODAY
THE LOVE WE’RE HOPING FOR
GOT TO LET YOU GO
INSTANT SATISFACTION
BEYOND THE HORIZON
IN THE EVENT OF MY DEMISE
BROKEN
I WROTE THE BOOK
ALL KINDS OF PEOPLE
TWO FINGERS
LIGHTNING BOLT
STILL GOT TIME
SIMPLE AS THIS
SIMPLE PLEASURES
ALL I NEED
Organisation : Botanique