Gros Coeur, énorme concert
Annoncé non sans une certaine fierté, le premier AB de Gros Cœur n’a pas traîné à se retrouver sold out. Et vu la demande, si Daan n’avait pas bouclé son Space Tour ce jour-là dans la grande salle, le Club aurait sans doute fait place à la version Box. Quoi qu’il en soit, le quatuor a une nouvelle fois fait honneur à sa réputation scénique.
Cela dit, la soirée valait aussi pour l’avant-programme et la première prestation belge (la troisième au total) de Coup Dur, le plus récent projet de César Laloux. Après en avoir subi un énorme début d’année lors de la brusque séparation d’Ada Oda, il ne s’est pas apitoyé sur son sort et a remis l’ouvrage sur le métier en se concentrant sur de nouvelles perspectives. Cette réflexion forcée l’a mené à explorer des contrées inédites, abordées en compagnie de deux nouvelles têtes. Avril De Broucker (Lavomatic) à la guitare et Clémence D’hulst (Fake Empire) à la basse accompagnent donc l’ami César qui, lui, retrouve ses premières amours derrière la batterie.
Monté sur scène au son du « Der Mussolini » de DAF, le trio empruntera cependant une direction nettement moins électro-dark que ses ainés germaniques. Brèves et sautillantes, les compositions (en français) de Coup Dur dégagent une fraîcheur à laquelle il est compliqué de résister. On se surprend ainsi à taper du pied ou à fredonner les refrains immédiatement mémorisables, quelque part entre l’insouciance des sixties et les balbutiements de l’indie pop du début des eighties. Une cover inspirante du « Uncontrollable Urge » de Devo (en anglais) et un dernier titre faussement dépouillé pendant lequel César accompagne les deux filles seul à la guitare boucleront un set plein de promesses pour l’avenir.
Finalistes du concours Du F dans le texte en 2022, les Liégeois de Gros Cœur ont depuis carburé plein pot. Des tournées aux quatre coins de l’Europe et d’Amérique du Nord, un premier album délicieusement baptisé « Gros Disque » en 2023, un imparable single isolé (« Sacrifice ») au printemps dernier et depuis peu, « Vague Scélérate », un deuxième effort au moins aussi déroutant que le premier. Sans parler d’une fanbase fervente et dévouée qui se manifestera déjà bruyamment lors d’un soundcheck éclair, bouclé en dix minutes chrono.
C’est d’ailleurs avec quelques minutes d’avance que le groupe se lancera dans « Montréal », premier single avant-coureur du nouvel album, écrit lors d’une tournée au Canada malgré des influences orientales. L’assourdissant « La Vague », dans la foulée, lancera définitivement les festivités en déchaînant les passions. Sinueux, psyché et soutenu à la fois, il est rehaussé d’un instrument à cordes exotique prolongé d’une queue de serpent, maîtrisé à la perfection par Jimmy Geers qui prend également à sa charge les percussions et les parties de mélodica.
Légèrement en retrait à sa gauche, Alexandre De Bueger (un autre ex-Ada Oda derrière la batterie ce soir), se démène tel un beau diable. Véritable pieuvre, sa longue chevelure peroxydée masque son visage mais sa rythmique précise et saccadée emmène les compositions vers des sommets inexplorés qu’Adrien Chapelle, lui aussi en retrait, alimente en textes nettement plus compréhensibles sur scène que sur disque. Sa guitare et la basse de Julien Trousson complètent une structure solide comme un roc.
Entre roc et rock, il n’y a qu’un pas et le public chaud comme la braise aura notamment l’occasion de se laisser entraîner par la vision hypnotique et orientale de « Contre-Corps » ou celle, speedée, d’un « Lentement » qui n’en a que le nom, dans sa deuxième partie en tout cas. Ou de se mouvoir langoureusement sur l’introspectif et envoûtant « Euphorie ». À ce moment, les cinq extraits de « Vague Scélérate » auront été joués, mis en valeur par un visuel coloré diffusé à partir d’un rétroprojecteur vintage depuis le fond de la salle.
L’explosion psyché-tropicale de « Java » aux riffs entêtants et le wall of death / love de « Monique » ponctué par un crowdsurfing audacieux du guitariste clôtureront le set principal au milieu des chants du public. Le groupe reviendra quelques instants plus tard, vêtu de soutane à capuches, pour le clou de la soirée. Réclamé à cor et à cri, « Sacrifice » vaudra quasi à lui seul le déplacement tant l’ambiance atteindra son paroxysme. Les spectateurs scanderont en effet les syllabes du titre en question tels des possédés pendant que sur scène, le groupe prendra son pied en l’emmenant dans des directions peu conventionnelles dont il a le secret. Gros Cœur, plus que jamais une valeur sûre sur scène…
SET-LIST
MONTREAL
LA VAGUE
CONTRE-CORPS
EUPHORIE
LENTEMENT
JAVA
MONIQUE
SACRIFICE
Organisation : AB
