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Drenge creatures

Pour la troisième fois en autant d’albums, les frangins de Drenge sont parvenus à nous déstabiliser en redéfinissant leur son. Mais aussi leur line-up. Ils sont passé par le Trix pour y dévoiler « Strange Creatures » et le millésime 2019.

Les Anversois de Filibuster étaient chargés d’assurer la première partie et ils l’ont fait avec un professionnalisme inversement proportionnel à leur jeune âge. Officiant avec deux guitares complémentaires et une voix légèrement en retrait, ils mettent un point d’honneur à placer les mélodies au centre de leurs compositions, aussi rugueuses soient-elles. On pense ainsi au premier album de Toy avec des réminiscences shoegaze lors des parties délicieusement cacophoniques. Si cela manque encore de consistance sur la longueur, nul ne doute que la pratique les mettra sur orbite.

Quatre ans après l’excellent « Undertow », Eoin et Rory Loveless remettent le couvert avec « Strange Creatures », un surprenant troisième album sur lequel ils développent un travail de composition plus profond que par le passé. Un album sur lequel on retrouve notamment des cuivres et de subtiles pointes électroniques loin de jurer avec leurs origines pour le moins rugueuses.

La preuve d’entrée de jeu avec le captivant « No Flesh Road » sur lequel le guitariste de tournée va déjà s’illustrer. Oui, vous avez bien lu, par rapport à leur concert à la Rotonde du Botanique en septembre 2013, le line-up a doublé. Leur pote bassiste Rob Graham, arrivé deux ans plus tard, est toujours bien là, même si physiquement très en retrait. Tout le contraire de ce guitariste assez extravagant (il joue avec un instrument transparent et arbore un singlet de mauvais goût) qui, en plus d’être assez doué, laisse de l’espace au leader.

Un leader qui se lâchera de vindicative manière sur « Bonfire Of The City Boys », la plage d’intro du nouvel album déclamée à la manière d’un John Cooper Clarke énervé, qu’une batterie affolante, une basse lancinante et une guitare crissante rendront démoniaque. Dans la foulée, « Autonomy » et ses légers bidouillages le verront se transformer pour la première fois en électron libre. Globalement assez à l’aise dans ce rôle, il n’attrapera plus que sporadiquement sa guitare, notamment pour booster le final de « Teenage Love », un autre excellent nouveau titre à la basse proéminente.

Si un « The Woods » en crescendo et un tribal « Never Awake » avaient notamment puisé dans leur back catalogue jusque-là, la suite immédiate impactera la fin de leur prestation. En effet, les crasseux et puissants « Running Wild » et « Bloodsports » altéreront la voix d’un chanteur un rien trop enthousiaste. Résultat, c’est avec une voix de plus en plus cassée qu’Eoin se lancera dans « People In Love Make Me Feel Yuck » et, un peu plus tard, « Let’s Pretend » en guise de final du set principal.

Lien de cause à effet ou pas, entre ces deux titres, le groupe excellera en étalant une autre surprenante nouvelle influence. Le très réussi « When I Look Into Your Eyes » joue en effet dans la cour des Last Shadow Puppets et des Arctic Monkeys, tant d’un point de vue arrangements entêtants que du timbre de voix plus posé rappelant celui d’Alex Turner. Ajoutez-y des nappes de synthé et « Strange Creatures » deviendra tout bonnement irrésistible.

Dans le même ordre d’idées, les rappels débuteront avec « Prom Night », une autre composition atypique dont les cuivres de la version studio seront avantageusement remplacés par des guitares savamment dosées. En revanche, le très Libertines « We Can Do What We Want » achèvera le tout dans un certain chaos qui verra notamment le leader se coucher au milieu du public. Outre sa voix, ce dernier abandonnera également sur scène… ses chaussures et ses chaussettes. Cette anecdote mise à part, Drenge reste l’un des groupes les plus injustement sous-estimés de la scène indie. Pour combien de temps encore ?

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