Bar Italia, let’s do The Twits
Au lendemain d’un Trix Club sold out, les Londoniens de Bar Italia ont également rempli le Grand Salon du Botanique. Même si d’un point de vue rédactionnel, on aurait préféré les voir au Witloof Bar (Italia), l’Orangerie n’aurait pas été trop grande au vu de la hype qu’ils colportent. Justifiée ou pas ? Difficile à dire, même après une prestation axée autour de « The Twits », leur deuxième album millésimé 2023…
Mais avant cela, c’est un Rodolphe Coster passablement ému qui s’est installé sur une chaise à l’avant de la scène. L’air grave et la voix enrouée, il s’est longuement exprimé sur ses souvenirs inhérents à l’endroit, notamment en accompagnement de Bonnie ‘Prince’ Billy aux Nuits 2001. Mais ce qui le chagrine surtout, c’est l’ostracisme dont il est victime suite à l’interprétation de ses propos sur la situation au Moyen-Orient, débouchant sur ce qui sera probablement son dernier concert, sous cette étiquette en tout cas…
Heureusement, il attrapera sa guitare dans la foulée et laissera ses talents d’artiste s’exprimer, s’accompagnant de bruitages ou de majestueux arrangements de cordes signés l’artiste japonaise Atsuko Hatano en plus de son instrument fétiche. Majoritairement acoustiques, les versions dépouillées de ses compositions dégagent une émotion en parfaite symbiose avec le contexte (ce magistral « Seagulls Fly On Highways ») même si par moments tout s’emballe (le très expérimental « Plante »).
Particulièrement prolixe, le gaillard s’attardera sur son passé (Flexa Lyndo, le Chaff), son présent (l’album « High With People » qui fête son premier anniversaire) et son futur (un projet de danse contemporaine avec Charleroi Danse). Tout en se montrant solidaire et engagé envers plusieurs causes dont les violences à l’égard des femmes, le capitalisme et Mehdi (via son t-shirt). Musicalement, un « Burglar Blames Shadows » aussi flippant que troublant clôturera sa prestation sur une note mélancolique. S’il s’agissait vraiment de son dernier concert, il l’a géré de main de maître…
À l’instar de The National, Bar Italia a sorti deux albums cette année : « Tracey Denim » en mai et « The Twits » début novembre. Mais contrairement aux New Yorkais, les Londoniens sont passés trois fois en Belgique, même si leur set furtif aux Leffingeleuren (vingt minutes montre en main) en avait questionné plus d’un. Ce week-end à Anvers et à Bruxelles, ils se sont en revanche montrés nettement plus généreux.
Bien qu’entamée par « Polly Armour », l’excellent single publié l’an dernier juste avant leur signature chez Matador, la set-list s’articulera majoritairement autour du tout frais « The Twits ». On l’a dit, cet album est arrivé dans les bacs moins de six mois après le précédent et sa production urgente a parfois tendance à décontenancer. Rien de tout cela sur scène, le soutenu « Calm Down With Me » et le hit indie « My Little Tony » indiqueront la voie à suivre d’emblée de jeu. Il faut dire qu’ils ont une certaine expérience puisque depuis 2020, albums, EPs et singles se sont succédé sans pour autant arriver jusqu’à nous, notamment sur « World Music », le label de Dean Blunt.
Bar Italia, ce sont trois leaders, trois personnalités et trois looks radicalement différents. Positionnée au centre la scène, Nina Cristante est sans doute celle qui suscite le plus d’interrogations. Personnage austère et pince-sans-rire (face au public en tout cas), on hésite entre un excès de timidité et une dose d’arrogance pour expliquer l’absence totale de communication avec le public. En effet, mis à part un salut confidentiel de part et d’autre du show, elle restera silencieuse, préférant ses camarades de jeu aux spectateurs. Dans ces conditions, accorder un instrument semble prendre une éternité, le silence glacial n’arrangeant rien. Cela dit, on l’a tout de même vue prendre un certain plaisir à sautiller sur place, un tambourin entre les mains.
À sa gauche, Sam Fenton ressemble à un jeune Evan Dando et la coolitude de son jeu de guitare tranche avec une voix par moments limite. De l’autre côté, Jezmi Fehli fait quant à lui l’unanimité. Veston et cravate-ficelle en cuir à la Strokes, chevelure ébouriffée, énormes lunettes et surtout une tessiture qui oscille entre Nick Cave, Lloyd Cole et Thurston Moore. Ses interventions toujours pertinentes font de lui le grand gagnant de la soirée. A l’arrière de la scène, une bassiste discrète et un batteur rageur les accompagnent tout en restant bien en retrait.
Mais la clé de Bar Italia réside d’abord et avant tout dans l’association de ces trois voix parfaitement complémentaires. Pas dans le sens harmonieux du terme car ils chantent rarement ensemble mais chaque partie de composition semble avoir été minutieusement décortiquée en vue de lui greffer l’impact vocal idéal. « Real House Wibes (Desperate House Vibes) » en est sans doute le meilleur exemple mais le retenu « Nurse! » et l’entêtant « Jelsy » brillent dans une veine similaire.
C’est également sur scène que la direction plus musclée de « The Twits » prend toute sa dimension, comme ce « Worlds Greatest Emoter » aux guitares modérément saturées inspirées de Sonic Youth. Ou ces envolées finales rehaussant des titres comme le très carré « Brush W Faith » et le plutôt sombre « Shoo ». Quant au mélodieux « Glory Hunter », il ponctuera le set principal gonflé à bloc.
Ils reviendront pour des rappels entamés par un « Miracle Crush » à la puissance tranquille mais aux vocaux passablement foireux. En revanche, « Skylinny », le titre le plus ancien du lot, démontrera que tout était déjà présent à l’époque. Un excellent titre bonus, travaillé à l’image des récentes productions du Thurston Moore Band, achèvera la soirée avec le sentiment qu’ils ont encore un réel potentiel de progression. S’ils pouvaient également travailler leur communication, la hype serait tout à fait justifiée…
SET-LIST
POLLY ARMOUR
CALM DOWN WITH ME
MY LITTLE TONY
TWIST
REAL HOUSE WIBES (DESPERATE HOUSE VIBES)
PUNKT
MY KISS ERA
BRUSH W FAITH
BIBS
SOUNDS LIKE YOU HAD TO BE THERE
SHOO
NURSE!
WORLDS GREATEST EMOTER
JELSY
GLORY HUNTER
MIRACLE CRUSH
SKYLINNY
(UNKNOWN)