3, 2, 1, Sprints !
Découverts en 2022 au SMG Music Fest, les Irlandais de Sprints ont publié en janvier leur très attendu premier album. Une centaine de concerts et quelques péripéties plus tard, les voici à l’Orangerie du Botanique pour célébrer une année pour le moins intense.
Tramhaus, Library Card, Personal Trainer, Global Charming… La vague hollandaise n’en finit pas de déferler sur la scène indie ces dernières années. Il faudra certainement y ajouter prochainement Marathon qui, après avoir ouvert pour Ist Ist, s’apprêtait à faire de même pour Sprints. Et de quelle manière car le titre d’intro en trio mis à part, la quasi-totalité du set des Amstellodamois s’est déroulée au son d’une batterie et de quatre guitares, même si l’une d’entre elles se substituait à une basse.
Une rugosité qui a pris le public à la gorge et fait souffler un vent de panique dans la salle. En tout cas l’espace d’un bon quart d’heure car une fois l’effet de surprise passé, la recette a tendance à se répéter et le soufflé à retomber. Cela dit, leurs compositions explosives et sombres transpercées d’éclairs mélodieux sous-jacents et de riffs à la Editors recèlent d’un potentiel qui ne demande qu’à se développer. Ce sera sans doute chose faite lors de leur prochaine potentielle visite aux alentours de la sortie de « Fading Image », leur première plaque à paraître courant 2025.
Publier un album début janvier et le voir truster les premières marches des référendums de fin d’année, une performance assez rare que Sprints a réalisée haut la main. En plus d’un succès commercial en atteignant le top 20 britannique, « Letter To Self » s’est instantanément imposé comme un disque de référence, alliant énergie, spontanéité et authenticité. Produit par Daniel Fox, le bassiste de Gilla Band qui s’était déjà occupé d’eux à leurs débuts, il dévoile sans surprise toute sa puissance sur scène. Comme au Cactus Club et au Trix en février (avec English Teacher en première partie, d’autres lauréats de 2024). Ça, c’est pour le côté face.
Du côté pile, on retrouve cette vulnérabilité face à une santé mentale précaire bien plus présente qu’on ne le pense dans le monde musical. Le guitariste et membre fondateur Colm O’Reilly en a d’ailleurs fait les frais en mai, quittant le groupe à la limite du burn-out, épuisé par le stress de la vie en tournée. Quelques semaines plus tard, c’est le volet californien de la tournée américaine qui était annulé, privilégiant ainsi le bien-être à l’épuisement physique et mental.
Des symptômes qui ne vont aucunement mettre à mal le set de ce soir dans une Orangerie quasi sold out en présence d’un public sur les charbons ardents. Impeccablement amené via un crescendo flippant, « To The Bone » introduira parfaitement l’excellent « Shadow Of A Doubt » qui finira par exploser et définitivement lancer les festivités. D’autant qu’« Adore Adore Adore », dans la foulée, ne fera rien pour tempérer les premiers mouvements de foule.
Particulièrement à l’aise, l’enjouée Karla Chubb se démène tant et plus. Genre de Dublinoise avec qui une Guinness au pub doit s’apparenter à un moment de franche rigolade, elle met son charisme et sa voix rocailleuse au service de compositions musclées dont elle a le secret. À ses côtés, le bassiste Sam McCann et le batteur Jack Callan, présents depuis les débuts de l’aventure, ont peaufiné leurs automatismes avec Zac Stephenson, le nouveau guitariste désormais intégré au groupe. À eux quatre, ils ont enregistré « Feast », un single isolé publié en septembre dont la version crasseuse et speedée fera forte impression.
D’autant qu’elle initiera un triptyque complété par les fougueux « Heavy » et « I’m In A Band », balancés sans la moindre respiration pour le plus grand plaisir des pogoteurs. Un rien plus retenu mais tout aussi intense, le très Hole « Shaking Their Hands » permettra à ces derniers de souffler un moment. Car l’hymne « Can’t Get Enough Of It » aura tôt fait de relancer la machine infernale. Un début de set tonitruant à mille lieues du moindre moment de faiblesse.
Malgré une vie sur les routes depuis le début de l’année, ils ont malgré tout trouvé le temps de penser à la suite de leurs aventures discographiques. Si le deuxième album n’en est encore qu’à ses balbutiements, quelques titres semblent suffisamment mûrs que pour les tester sur scène. Ce sera le cas ce soir de « Better » à l’aspect mélodieux davantage mis en avant et de l’hypnotique « Something’s Gonna Happen » sur lequel la chanteuse troquera sa guitare contre une mini console, sans laisser sa rage de côté. Au contraire, une explosion en règle le ponctuera… avant un généreux circle pit dont l’Orangerie n’est pas coutumière.
La fin du set verra le groupe balancer des uppercuts hargneux dont « Cathedral » et « The Cheek » ne seront pas les moins malsains. Au contraire, la tension dégagée rendra les spectateurs plus incontrôlables que jamais. Mais que dire de Karla Chubb qui, après un bref détour en backstage pour remplir son verre de vin, deviendra complètement dingue. Sans guitare entre les mains, elle devient un intenable électron libre à l’image, toutes proportions gardées, d’Aurélie Poppins (Cocaïne Piss). À la différence que cette dernière passait son concert dans le public. Oh, wait… Après un « Literary Mind » de derrière les fagots, elle se frayera un chemin jusqu’à la table de mixage, saluera l’ingé-son avant d’emprunter le chemin inverse en crowdsurfing d’où elle bouclera le forcément intense « Little Fix » dans un brouhaha indescriptible. Sprints, c’est du sport…
SET-LIST
TO THE BONE
SHADOW OF A DOUBT
ADORE ADORE ADORE
FEAST
HEAVY
I’M IN A BAND
SHAKING THEIR HANDS
CAN’T GET ENOUGH OF IT
BETTER
SOMETHING’S GONNA HAPPEN
UP AND COMER
CATHEDRAL
NEW ONE
LETTER TO SELF
THE CHEEK
HOW DOES THE STORY GO?
LITERARY MIND
LITTLE FIX
Organisation : Botanique