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Gruff Rhys in Babelsberg land

Gruff Rhys semble décidément touché par la grâce. Avec « Babelsberg », son cinquième album solo, la voix des Super Furry Animals a enregistré un nouveau chef-d’œuvre ayant cette fois pour thème le déclin de la civilisation moderne. Il est passé par la Rotonde du Botanique pour nous expliquer tout cela en détail.

Mais avant, place à l’autre bonne surprise de la soirée, à savoir la première partie assurée par Bill Ryder-Jones, l’ex-guitariste et membre fondateur de The Coral qui vient de publier « Yawn », une nouvelle plaque acclamée par la presse musicale. Seul sur scène armé de sa guitare électrique, le gaillard aux faux airs d’un jeune Ian McCulloch dont les intonations posées renvoient vers Lloyd Cole va essentiellement se plonger dans ses nouvelles compositions.

Mélancoliques à souhait, celles-ci développent une intensité insoupçonnée en live grâce à une captivante voix posée et quelques sons softs et discrets injectés çà et là. Ceci dit, une demi-heure de prestation laissera une bonne partie du public sur sa faim, et même doublement car c’est sans le moindre merchandising qu’il a débarqué au Bota. Vu l’enthousiasme, une date en tête d’affiche se doit d’être organisée dans un avenir proche.

Au terme de la tournée en support d’American Interior, un album concept retraçant les aventures de l’explorateur John Evans, Gruff Rhys est retourné une dernière fois dans le studio d’enregistrement du producteur Ali Chant, Toybox, à Bristol. Celui-ci allait en effet fermer ses portes pour faire place à un projet immobilier. Si les circonstances ont vraisemblablement inspiré le caractère sombre de « Babelsberg », le chanteur s’est aussi montré particulièrement visionnaire (nous étions alors en 2016).

En effet, peu de temps après, les Britanniques votaient en faveur du Brexit (Gruff en était un fervent opposant, enregistrant même un single pour l’occasion, « I Love EU »), Trump est arrivé à la Maison Blanche (il est d’ailleurs croqué sur la pochette en train de montrer son smartphone à Jésus) et le monde est devenu comme fou. Deux ans plus tard, les titres enregistrés, bonifiés entre-temps par l’ajout d’un orchestre, n’ont rien perdu de leur pertinence.

L’album sera d’ailleurs dans un premier temps joué dans son entièreté et dans l’ordre des plages, chaque face fièrement annoncée via les désormais célèbres pancartes brandies par le chanteur assis sur un tabouret, guitare à la main. Avec un « The Club » moins orchestral et un « Limited Edition Heart » aux chœurs masculins, la première sera moins percutante que sur disque, malgré un guilleret « Oh Dear! » et un « Drones In The City » très coloré.

La seconde, en revanche, verra le groupe (un batteur particulièrement expressif, un bassiste et un claviériste accompagnent le boss) monter en puissance et transcender « Negative Vibes », enrichir « Architecture Of Amnesia » et conférer une touche dramatique à « Selfies In The Sunset », instantané imaginaire et moderniste de l’apocalypse relayée sur les réseaux sociaux. Mais le plus surprenant sera sans doute le « Same Old Song » version crooner au break particulièrement prenant.

« Brexit is bad sax solo » indiquera ensuite une pancarte bricolée à la main. Une déclaration illustrée quelques minutes plus tard par une dégoulinante partie de saxophone approximativement inspirée du « Careless Whisper » de George Michael et qui ponctuera « Colonise The Moon », le seul titre issu du répertoire de Super Furry Animals (et encore, il s’agissait d’un titre bonus sur l’édition japonaise de « Love Kraft » en 2005). Une manière toute personnelle de montrer sa désapprobation sur le deal annoncé la veille, sans parler des t-shirts de la tournée indiquant non sans humour « Back In The EU ».

Le bonhomme est également un fervent défenseur du gallois et joindra le geste à la parole via un « Gwn Mi Wn » bourré de percussions (un extrait de l’imprononçable « Yr Atal Genhedlaeth », son premier album solo intégralement chanté dans sa langue d’origine) et, un peu plus tard, un apocalyptique « Gyrru Gyrru Gyrru ».

Un « Iolo » en solo à la vibe country et un « Candylion » enchanteur accorderont au public une respiration nécessaire avant une fin de set dantesque qui verra Bill Ryder-Jones se joindre au groupe pour quelques moments d’anthologie. Sa guitare slide fera en effet des merveilles sur « Liberty (Is Where We’ll Be) » mixé à un tout aussi parfait « American Interior ». Pointons encore un inédit baptisé « Distant Snowy Peaks » illuminé d’une flûte traversière et un puissant « Sensations In The Dark » à l’harmonica omniprésent.

« Resist phoney encores » annoncera en guise de clin d’œil une nouvelle pancarte qui les dispensera de sortir de scène pour entamer directement le rappel via le susmentionné « Gyrru Gyrru Gyrru » lors duquel l’ami Gruff deviendra comme fou avant de curieusement s’achever par un presque délicat « If We Were Words (We Would Rhyme) ». Un rappel atypique, à son image…

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