Lokerse Feesten 2018 : Kasabian, dEUS et les Manics, Kings for a day
C’est une soirée de rêve qui attendait les amateurs d’indie rock ce vendredi 10 août aux Lokerse Feesten entre les Manic Street Preachers, dEUS et Kasabian. Mais les éléments sont quelque peu venus ternir le tableau… Avouons-le d’emblée, sans pour autant décevoir, aucun des trois groupes n’a livré une prestation mémorable. Si la pluie qui a généreusement arrosé le site à intervalles réguliers y est pour beaucoup, l’enthousiasme relatif du public n’y a pas été étranger non plus.
Une pluie qui a commencé à tomber quelques minutes avant le début du set des Manic Street Preachers. Les Gallois venaient défendre « Resistance Is Futile », leur très réussi nouvel album qui allie hargne et mélodies imparables. C’est toutefois sans surprise avec le traditionnel « Motorcycle Emptiness » qu’ils débuteront leur prestation de soixante minutes lors de laquelle ils parviendront à caser quatorze titres tous plus essentiels les uns que les autres, y compris leur sautillante cover des Cure (« In Between Days ») et une poignée de nouveaux titres dont on retiendra tout particulièrement les entêtants « International Blue » et « People Give In ».
Officiant devant une immense banderole à l’effigie de la pochette du dernier album représentant un guerrier en armure et cotte de mailles, ils vont faire le boulot, certes, mais sans réel entrain, du moins dans un premier temps. Étalant une dextérité intacte à la guitare, James Dean Bradfield (qui porte une veste d’aviateur bardée d’écussons du plus bel effet) semble émoussé alors que Nicky Wire (coloré mais sans jupe) à sa gauche, peine à pratiquer ses exercices de voltige. Heureusement, la réponse du public sur « A Design For Life » boostera la fin de la prestation que les nerveux « You Love Us » et « Motown Junk » dynamiteront. Sorti voici vingt ans quasi jour pour jour, « If You Tolerate This Your Children Will Be Next » la ponctuera sans parapluie. Une date en salle dans les prochains mois nous semble indispensable…
Mine de rien, cela fait déjà six ans que « Following Sea », le dernier album de dEUS, a vu le jour. Depuis, entre tournées best of et acoustiques, Tom Barman s’est consacré à ses projets connexes, Magnus et TaxiWars en tête. Le 10 février 2017, au terme d’un concert épique au Lotto Arena d’Anvers, le guitariste Mauro Pawlowski a fait ses adieux au groupe après douze ans de bons et loyaux services, contraignant le leader à revoir ses plans. Un an plus tard, ce dernier présente officiellement son successeur en la personne de Bruno De Groote, qui a notamment tenu la gratte pour Raymond van het Groenewoud et… Axelle Red. Après un premier examen lors du récent TW Classic, c’est à Lokeren que le bonhomme passait son deuxième test belge grandeur nature.
Entamée sur les chapeaux de roue via un parfait doublé « If You Don’t Get What You Want » / « The Architect », la set-list allait couvrir l’ensemble de la carrière du groupe, n’omettant aucun album et démontrant combien le combo Anversois est devenu une véritable machine à tubes (« Little Arithmetics », « Slow », « Quatre Mains »,…). L’arrivée d’un nouveau musicien n’a rien changé par rapport à la disposition du groupe, chacun se trouvant sur une seule et même ligne à l’exception du batteur, légèrement en retrait.
Justement, en parlant de nouveau musicien, comment s’en sort notre ami Bruno De Groote ? Musicalement, pas trop mal (il a tout de même une sérieuse expérience dans le blues et le jazz) mais vocalement un peu limite, comme « Fell Off The Floor, Man » et « Sun Ra » le démontreront. Le souci réside peut-être dans le fait qu’on lui a confié exactement le même rôle qu’à Mauro, lui laissant peu d’espace d’improvisation. Sans compter qu’il partage à peu de choses près la même physionomie (et la même barbe) que son prédécesseur, ce qui n’arrange évidemment rien.
Ceci dit, des moments d’anthologie se dégageront du set pendant que le déluge continuait à s’abattre sur le site. On pense notamment à un « Instant Street » tout en crescendo, un intense « Hotellounge (Be The Death Of Me) » et un « Bad Timing » plein d’anticipation. Outre le classique « Suds And Soda » qui n’a pas pris une ride malgré son quasi quart de siècle, le tout se terminera sur un « Nothing Really Ends » tout à fait de circonstance. Maintenant, bien vite un nouvel album, histoire d’intégrer pour de bon le nouveau venu et d’écrire la suite de la déjà riche histoire de dEUS.
Dans un monde où les charts dégorgent de pop manufacturée, Kasabian fait figure d’exception. En effet, leurs cinq derniers albums (sur un total de six) ont tous atteint la première place du UK Top 40 (seuls les Arctic Monkeys ont fait mieux). Pourtant, « For Crying Out Loud », publié l’an dernier, apparaît plus inégal que les précédents, empruntant une surprenante direction indie disco à guitares, à l’instar d’« Ill Ray (King For A Day) » et surtout de « You’re In Love With A Psycho », tous deux balancés en début de set ce soir.
Particulièrement en forme, Tom Meighan ne va pas ménager ses efforts pour tenter de faire réagir le public malgré une météo humide typiquement british. D’un accent qui l’est tout autant, il va inlassablement arpenter la scène, vêtu d’un trench-coat bleu curieusement parfaitement taillé pour lui. En revanche, l’accoutrement du guitariste barbu Sergio Pizzorno, lui, laisse à désirer. Passons sur le bandana dans les cheveux, mais son pantalon zébré et son hoodie le rendent plutôt négligé. Quoi qu’il en soit, dans la complicité évidente qu’ils dégagent réside sans aucun doute la magie qui a fait des natifs de Leicester une figure de pointe du rock indé britannique. Mais pas que…
En effet, les hymnes qui émaillent leur discographie ont beau lorgner du côté des tribunes d’un stade de foot en ébullition, ils n’en restent pas moins d’une redoutable efficacité. « Club Foot », « Re-Wired » (le fameux « Hit me harder »…) et « Empire » appellent presqu’à la castagne. Ou donnent des fourmis dans les jambes (les sonorités électro de « Treat » et de « Switchblade Smiles » notamment). Entre-temps, il avait cessé de pleuvoir et la vibe groovante de « L.S.F. (Lost Souls Forever) » en final du set principal n’aura sans doute jamais eu un effet aussi réconfortant.
Ils reviendront pour un rappel qui les verra se plonger dans « Comeback Kid », le morceau le plus musclé du dernier album avant un final certes classique, mais toujours aussi pertinent (et douloureux pour les jambes). Ce n’est pas demain que l’on se lassera des bombes que sont « Vlad The Impaler » et « Fire ». Pour paraphraser Tom Meighan, rock ‘n’ roll will never die…