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Lokerse Feesten 2018 : le plus court concert de Triggerfinger

Fortes d’une bonne quarantaine d’éditions, les Lokerse Feesten restent une valeur sûre du paysage festivalier noir jaune rouge grâce à une programmation thématique s’étalant sur dix jours. À l’affiche de ce mardi 7 août, Triggerfinger, The Pretenders et Novastar. Mais pas que…

C’est dans une moiteur tropicale que l’on a pénétré sur un site encore relativement clairsemé à ce moment de la soirée (les festivités démarrent à 19h tapantes). Sur scène, Faces On TV, le projet du barbu Jasper Maekelberg dont le premier album, « Night Funeral », est sorti au printemps dernier. Parées de sonorités downtempo et jazzy, ses compositions à deux voix langoureuses (il partage le micro avec une petite blonde à sa droite) renvoient à celles de Warhaus mais ce n’est sans doute pas un hasard puisqu’il a notamment produit le premier album « solo » du leader de Balthazar. Ceci dit, leur lecture pop finit par leur conférer une personnalité propre et entêtante.

Apparue voici quelques années et timidement utilisée jusqu’ici, la deuxième scène des Lokerse Feesten fait désormais partie intégrante du paysage et, malgré son nom (Red Bull Elektropedia Room), n’est plus exclusivement réservée aux musiques électroniques. Située dans le hall omnisports à deux pas du site principal, elle présente toutefois l’inconvénient de n’être accessible qu’en quittant celui-ci.

Cela ne nous a toutefois pas empêchés d’assister à la quasi-totalité de la programmation de l’endroit, constituée de groupes belges en devenir. Les premiers à monter sur scène étaient les Anversois de Danny Blue & The Old Socks, finalistes du récent Humo Rock Rally et omniprésents sur le circuit live du nord du pays. Contrairement aux apparences, Danny Blue n’est pas le chanteur guitariste au look de surfeur et à la voix nasillarde rappelant celle de Lloyd Cole mais le batteur du groupe. Délibérément (?) en retrait, celui-ci laisse ses camarades s’exprimer et cela se traduit par un rock aux riffs efficaces mais aux refrains trop prévisibles ou débordant d’onomatopées. L’indie pop made in Vlaanderen a encore de beaux jours devant elle.

Sur la scène principale, Joost Zweegers alias Novastar avait entamé son set en complet bleu derrière un piano qu’il ne troquera qu’à de rares reprises contre une guitare, notamment pour un prenant « Mars Needs Woman ». Un piano qu’il martèlera vigoureusement tout en vivant pleinement ses compositions dont on avait presqu’oublié les arrangements mélodieux et l’émotion qu’elles dégagent (« Because », « When The Lights Go Down On The Broken Hearted »). Il faut dire que les musiciens qui l’accompagnent (dont un talentueux guitariste/violoniste barbu en salopette à fleurs) n’en font qu’accentuer l’intensité.

Particulièrement peu prolifique (quatre albums en un peu moins de vingt ans…), il est toutefois en train de teaser une nouvelle plaque baptisée « In The Cold Light Of Monday », dévoilant au compte-gouttes tant la pochette que quelques extraits dont un musclé « Home Is Not Home » balancé en toute fin de set avant le traditionnel « The Best Is Yet To Come ». On est prêts à le croire.

De retour à l’Elektropedia Room, c’est une distribution de masques qui nous attendait. Des masques à l’effigie des musiciens de dirk. version comics qui allaient notamment servir pour une photo de famille un peu plus tard. Sur scène, les membres du groupe en chair et en os étaient en train de se défouler au son de leurs titres punky brefs et directs à la Offspring en plus brut et grungy. Emmenés par un nerveux chanteur bassiste aux lunettes intello qui fait claquer son instrument d’une manière glaciale comme s’il était catapulté trente ans en arrière, ils vont à l’essentiel, un point c’est tout.

Chaque année, les programmateurs des Lokerse Feesten parviennent à attirer des groupes au passé prestigieux dont l’étoile a quelque peu pâli au gré des rides et des cheveux gris. Si les Pretenders font clairement partie de cette catégorie, ils vont éviter de se la jouer nostalgie ce soir, démarrant leur set avec deux extraits de leur plus récent album, « Alone », sorti en 2016 et passé assez inaperçu malgré un coup de main de Dan Auerback (The Black Keys). Pourtant, l’excellente plage titulaire et « Gotta Wait » auraient mérité meilleure fortune.

Cheveux teints en blond et yeux de panda, Chrissie Hynde reste la boss du groupe qu’elle a fondé voici juste quarante ans. Sa voix intacte (impressionnante sur « Hymn To Her », « I’ll Stand By You » ou encore le récent « Let’s Get Lost ») fait presque passer au second plan son collier ras-de-cou rose flashy. Derrière elle, le batteur aux cheveux blancs Martin Chambers (lui aussi de l’aventure initiale) donnerait une leçon à certains. Mais celui qui va vraiment voler le show sera l’insaisissable jeune guitariste en perfecto qui maîtrise parfaitement son instrument et apporte un vent de fraîcheur à des compositions souvent bien plus âgées que lui, « Cuban Slide » et « Bad Boys Get Spanked » en tête.

Visuellement, malgré un décor assez simple constitué d’énormes spots parapluie, l’écran géant à l’arrière du groupe fera toute la différence en injectant des captations live à des images ou des animations renvoyant aux compositions, comme sur la BD inspirée de « Kid » ou les immenses lettres colorées O-H-I-O de « My City Was Gone » par exemple. Ceci dit, s’ils ont eu le bon goût de ne pas tomber dans le piège du set festival best of, la pseudo jam-session americana de « Thumbelina » et « Middle Of The Road » aurait peut-être gagné à se voir ponctuée d’un hit en final. « Brass In Pocket », anyone ?

Alors que le vent se levait et le ciel se couvrait sur Lokeren, direction notre dernier passage sur la seconde scène où le volume avait encore grimpé en décibels avec Sons, des Anversois sans concession et parfaitement au point qui allient hurlements, puissance et jeux de lumière aveuglants. Genre Metz en moins extrême car audible (cfr leur cover du « Lonely Boy » des précités Black Keys), ils vont tout de même générer pogos, circle pits et stage divings dans un espace relativement confiné.

Lors de notre retour sur le site principal, le tonnerre grondait au loin et les éclairs se confondaient avec le light show de Triggerfinger qui venaient d’entamer leur set avec « Let It Ride ». Comme d’habitude sapés comme des princes (y compris Geoffrey Burton, l’hyperactif guitariste en support), ils n’allaient pourtant rester que peu de temps sur scène. En effet, au milieu du troisième titre, l’orage tant redouté éclata et le déluge la rendra bien vite impraticable alors que les spectateurs s’enfuyaient vers d’hypothétiques abris. Concert interrompu dans un premier temps et annulé ensuite pour des raisons de sécurité.

Ceci dit, une demi-heure plus tard, alors que l’intensité de la pluie avait diminué, les trois lascars sont réapparus sur scène, bouteille de Champagne à la main et ont balancé un DJ set rock et musclé qui fera danser le millier de courageux spectateurs qui avaient décidé de braver les éléments. Entre Rage Against The Machine, Metallica, Iggy Pop et… Jay-Z, les ponchos deviendront bien vite devenus superflus. Et la canicule un souvenir…

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