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Dour Festival 2018 (Jour 5) : In dust we trust


Majoritairement rouge la veille, le site du Dour Festival allait virer au bleu ce dimanche 15 juillet. Ceci dit, en fin de journée, la poussière générée par les températures tropicales finira par uniformiser la couleur des festivaliers. À ce propos, pour l’année prochaine, suggérons à l’organisation de prévoir des masques anti-poussière au stand merchandising. Et des ponchos au cas où la pluie s’invite…

Mais ne jouons pas les oiseaux de mauvais augure, dans l’immédiat, c’est sous la Caverne que cela se passe avec les deux (très) jeunes gaillards d’Equal Idiots. Alors que la plupart des garçons de leur âge s’abreuvent d’EDM dégoulinante, ils préfèrent les sonorités crasseuses d’une guitare triturée et d’une batterie malmenée, à l’instar de Black Box Revelation par exemple. Si l’on y ajoute le brin de folie du chanteur et leur version yaourt du « Ca Plane Pour Moi » de Plast… euh Lou Deprijck, on se dit que tout n’est pas perdu.

Sur la Last Arena inondée de soleil se produisaient ensuite les Californiens de Fidlar qui généreront les premiers pogos de la journée. Énergique à souhait, leur skate punk rock à la Blink-182 et aux accents de Weezer s’incruste insidieusement dans l’oreille (« 40oz. On Repeat », le petit nouveau « Alcohol »). Mention à la guitare customisée version toile d’araignée du chanteur et au dynamique visuel à l’arrière de la scène, où le nom du groupe se voit décliné non sans humour dans différents logos imagés.

Lors de leur récent passage à l’Atelier 210, les trois sauvages de Lysistrata avaient explosé les tympans d’un auditoire fasciné par leur dextérité. Bien que la Caverne soit un rien moins intime, ils tireront tout de même leur épingle du jeu cet après-midi. Évoluant dans un mouchoir de poche, chaque musicien s’égosille pour un résultat puissant, boosté par un batteur qui ne parvient décidément pas à rester en place. Un batteur dont le rôle devient primordial au fur et à mesure du set axé sur un math rock grungy dont le final noisy au volume alarmant ponctuera une prestation sans compromis.

Lorsqu’ils ont mis la dernière main à la programmation, les organisateurs du festival était persuadés que les Diables Rouges écarteraient la France pour disputer la finale de la Coupe du Monde. Et que celle-ci serait diffusée sur la Last Arena devant un parterre rouge vif pendant que la majorité des autres scènes resteraient muettes pour l’occasion. Malheureusement, le rêve est entre-temps devenu bleu et la diffusion (maintenue) a perdu de son charme, surtout qu’elle s’accompagnait des commentaires de TF1. Rendez-vous dans quatre ans pour la revanche…

La programmation classique a donc repris ses droits après le match sous la Caverne, décidément the place to be en ce dimanche. Sur scène, les Islandais chevelus de Sólstafir, emmenés par le sosie du Capitaine Haddock, dont le rock efficace mais un rien trop conventionnel nous laissera sur notre faim, sauf peut-être lors des parties planantes et du final sombre et déjanté.

Si « Nocturne », le quatrième album des Girls In Hawaii a confirmé leur suprématie sur le rock made in Wallonia, ils vont toutefois à peine l’aborder ce soir. Ils préféreront plutôt se concentrer sur un set best of faisant la part belle aux titres plus musclés de leur répertoire qu’ils se font un plaisir de surclasser de puissance (« Switzerland », « Time To Forgive The Winter », un « Birthday Call » de circonstance).

Ceci dit, la mélancolie de « Misses » réserve toujours autant d’émotion alors que la direction électro light de « Walk » et « Monkey » démontre leur faculté insolente de composer des titres imparables. Comme d’habitude, on repassera pour les interventions entre les chansons (« On parlera football plus tard »). Le pire c’est qu’ils tiendront parole en balançant le « E Viva Mexico » du Grand Jojo au terme d’un épique « Flavor », générant une énorme farandole sous la Petite Maison dans la Prairie. Surréaliste…

On a ensuite bravé le nuage de poussière direction la Caverne pour rejoindre la tornade de décibels dont John Dwyer et ses (Thee) Oh Sees sont coutumiers. Le bonhomme a beau dérouter ses fans en modifiant continuellement le nom de son groupe, le dénominateur commun tient en un mot : destruction. Alliant urgence, puissance et insolence, il dirige souverainement ses camarades dont deux batteurs côte à côte qui frappent à l’unisson et qui génèrent ce son très carré si caractéristique. Et lorsque l’on y ajoute l’improvisation, on obtient un dernier titre dépassant allègrement le quart d’heure. S’il n’y avait pas un horaire à respecter, ils seraient toujours en train de jouer…

« Congratulations to France ! ». Oh My God (pour paraphraser son premier titre ce soir). On ne pouvait imaginer entrée en matière plus catastrophique pour Beth Ditto qui réalisera vite son impair en ramassant une volée de bois vert en retour. L’imposante voix des désormais défunts Gossip foulait enfin une scène à Dour. Elle devait en effet jouer sur la Last Arena avec son groupe en 2006 mais s’est retrouvée à l’hôpital et le set avait été annulé dans la foulée.

Ce soir, elle va rattraper le temps perdu en se plongeant dans son premier album solo, « Fake Sugar », sorti l’an dernier. Toujours aussi impressionnante, sa voix impose le respect et transporte ses compositions dans une catégorie supérieure à celle du studio (« In And Out », « We Could Run »). Oublions cette atroce cover du « Under The Bridge » des Red Hot Chili Peppers pour privilégier les classiques de Gossip (« Standing In The Way Of Control », « Heavy Cross ») qui mettront le feu à la Petite Maison dans la Prairie.

Avec tout ça, on a loupé la majorité du set des vétérans de Ministry qui frappaient un grand coup à la Caverne. Les natifs de Chicago défendaient leur dernier album, « AmeriKKKant » (dont le titre défilait sur les lunettes futuristes du claviériste impassible). Extrêmes comme les adeptes de metal industriel peuvent l’être, ils ont placé de chaque côté de la scène d’immenses structures gonflables en forme de coq (!) arborant un logo anti nazi et ont lâché la sauce. Visiblement, le final chaotique valait à lui seul le déplacement, revisitant les classiques du début de leur carrière, « N.W.O. » et « Thieves » en tête.

C’est ainsi que notre premier Dour Festival sous les éoliennes se clôturera, non sans avoir jeté une oreille distraite à Tyler, The Creator qui bouclait la programmation de la Last Arena. Une trentième édition sous le signe du renouveau dans la continuité. Rendez-vous l’an prochain, du 10 au 14 juillet, pour la suite des aventures…


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(Jour 3)


(Jour 4)

Photos © 2018 Olivier Bourgi

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