Nuits du Bota 2018 : la Jungle de U.S. Girls
Festival rime bien souvent avec dilemmes et les Nuits du Bota ne dérogent pas à la règle. Mais cette fois, on a décidé de combiner deux univers radicalement différents, ceux de Jungle et de U.S. Girls.
Une soirée débutée par un DJ set de l’élégante Coline qui a dandiné le popotin des premiers visiteurs du chapiteau via ses rythmes chill out dignes d’un apéro urbain sur la place du Châtelain. Mais le premier rendez-vous digne de ce nom avait lieu à la Rotonde où Wye Oak, le duo (trio pour la scène) originaire de Baltimore, venait présenter son cinquième album récemment publié, « The Louder I Call, The Faster It Runs ».
Emmené par une Jenn Wasner glaciale à la solide voix assurée (on pense à Dolores O’Riordan ou à St. Vincent), le groupe complété par le batteur Andy Stack et un bassiste de tournée s’est taillé une réputation indie pop rêveuse. Mais ils peuvent également se montrer nerveux, lorsque la chanteuse troque son clavier contre une guitare par exemple. Ceci dit, dans tous les cas, les mélodies prenantes caracolent en tête de l’équation.
Montés sur scène avec quelques minutes de retard suite à un malaise d’un de ses membres qui a bien failli mettre la soirée à mal, les Londoniens de Jungle ont fait transpirer un chapiteau surchauffé. Révélés en 2014 avec un excellent premier album éponyme de soul futuriste, ils se sont depuis montrés pour le moins discrets. Leur dernière apparition sur le sol belge, outre un DJ set aux Ardentes il y a deux ans, remonte à la première édition du Dour Festival à cinq jours en 2015.
On peut en tout cas affirmer qu’ils n’ont pas fait les choses à moitié. Les sept musiciens (dont deux choristes impressionnantes et deux batteurs) se produisent devant un immense tableau scintillant au-dessus duquel trône leur célèbre logo. À l’avant-plan, les deux têtes pensantes du collectif, Tom McFarland et Josh Lloyd-Watson, s’en donnent à cœur joie. Leurs voix de falsetto dégagent un groove voluptueux qu’une basse ronflante ne fait qu’amplifier. « Lemonade Lake » et « Lucky I Got What I Want » n’ont sans doute jamais sonné aussi sexy.
Bien entendu, l’attrait de la soirée résidait surtout dans la découverte de leurs nouvelles compositions. Deux d’entre elles, « Happy Man » et « House In L.A. », sortiront officiellement ce 8 mai. Officiant dans un registre assez similaire, on retiendra surtout un « Casio » très disco funk mais la première écoute de « Cherry » nous semblera quant à elle moins percutante. Verdict sur le deuxième album du groupe qui ne devrait plus trop tarder désormais.
On les a toutefois abandonnés en faveur de U.S. Girls qui venaient de débuter leur set à la Rotonde. Le projet de Meghan Remy en est à son sixième album et sa rage, sur « In A Poem Unlimited », a pris un surprenant virage pop, sans pour autant tomber dans les clichés à deux balles. Ceci dit, on a été accueillis par… une minute de silence à laquelle succèdera un très sixties « Rage Of Plastics » à l’entêtant saxophone.
Ici aussi, la scène est bien remplie car autour de l’expressive chanteuse à l’affolant dos nu et au regard déstabilisateur, on retrouve notamment une choriste aussi habitée qu’elle, un guitariste moustachu chaussé de magnifiques mocassins blancs et un claviériste visiblement très fan de John Travolta dans Saturday Night Fever (le look et les pas de danse endiablés). En parlant de disco, les nouveaux titres s’en inspirent par moments, à l’instar du remuant « M.A.H. » ou des langoureux « Rosebud » et « Pearly Gates ».
Si avoir à sa disposition autant de musiciens rend l’interprétation de certaines compositions très riches, il suffit d’un rien pour que cela bascule vers de longues pièces déstabilisantes et brouillonnes. À ce propos, le summum sera atteint lors d’un final sous la forme d’une interminable jam session qui passera à la moulinette « Time », largement inspiré des premiers Talking Heads sur disque mais bien trop bordélique sur scène, incluant la moitié des musiciens couchés à même le sol. La rage sous toutes ses formes…