NTS D BT 2018 : BRNSRPPRS, une soirée sans voyelles mais bourrée de punch
Que seraient les Nuits du Bota sans leurs légendaires créations ? Celle de ce samedi 28 avril sentait la poudre puisqu’elle associait BRNS et Ropoporose, deux groupes qui se sont enfermés en studio pendant douze jours pour en ressortir avec des compositions originales présentées pour la première fois ce soir.
Histoire de préparer le terrain, chaque groupe a eu droit à ses quarante minutes de prestation au milieu d’un Grand Salon dépourvu de ses rangées de sièges traditionnelles. Une configuration en forme de ring de boxe qui permet de voir l’envers du décor, qu’il s’agisse de la dextérité des batteurs ou de la jonglerie complexe des guitaristes derrière leurs pédales à effets.
La première manche voyait le duo Vendômois Ropoporose se produire au beau milieu du matos des deux groupes. Ceci dit, le frère batteur et la sœur chanteuse guitariste vont rencontrer pas mal de soucis techniques qui déprécieront quelque peu leur prestation, mais leur évidente complicité permettra de limiter les dégâts.
Vêtue d’une combinaison fluo qui aurait fait fureur dans les années 80, cette dernière va rythmer de sa voix nasillarde tantôt douce tantôt énervée des compositions que l’on rangerait volontiers dans le même moule que celles de Peter Kernel, mais avec davantage de nuances et une richesse décuplée. Les détours sonores et les fausses fins sont légion, ce qui ajoute du piment à l’ensemble. Et cela fonctionne aussi lorsqu’ils switchent leurs positions pour un dernier titre explosif.
Les Bruxellois de BRNS sont des habitués du Bota (ils ont leur étoile au récemment inauguré walk of fame dans les serres) mais plus particulièrement des Nuits où ils n’ont loupé aucune édition depuis 2012. « Sugar High », leur deuxième album, est sorti à l’automne dernier, précédé d’« Holidays », un EP disponible uniquement en cassette. La différence notoire, c’est que César Laloux, après avoir participé aux enregistrements, s’en est allé poursuivre d’autres projets, Mortalcombat en tête. Visiblement en excellents termes vu qu’il se trouvait à côté de nous, particulièrement enthousiaste, et qu’il est allé donner un coup de main vocal sur « The Missing » en fin de set.
Sur scène, il est remplacé par une pétillante claviériste dont la voix, la flûte traversière (« Hurts ») et les gadgets apportent un plus aux arrangements savants des trois têtes pensantes du groupe. Ceux-là en connaissent un bout dans l’art d’emmener un titre vers des contrées complexes mais à la fois tellement évidentes, tout en installant des atmosphères lancinantes (la puissante intro de « Deathbed », le prenant « My Head Is Into You », la basse entêtante de « Forest »). Sans compter que les nouveaux titres ont diablement évolué et s’imbriquent désormais parfaitement à leurs classiques. Une nouvelle prestation sans faute.
Ceci dit, on était surtout là pour assister à la première officielle du projet au nom imprononçable (BRNSRPPRS, « à modifier pour le futur », blaguera Timothée Philippe), fruit de la rencontre inspirée et visiblement fructueuse des deux groupes précités. En effet, c’est une dizaine de titres inédits en un peu moins de deux semaines qui sont sortis de leur chapeau de musiciens hors pair. Un brin stressés, les cinq protagonistes (3 BRNS + 2 RPPRS) vont toutefois assurer avec brio et prouver qu’ils ont eu le nez fin.
En effet, cette association est bien plus que la somme de leurs forces respectives. On perçoit une réelle symbiose et une complémentarité, que ce soit dans les voix (toutes proportions gardées, on se retrouve par moments presque dans l’univers de Lee Hazelwood et Nancy Sinatra) ou les percussions (les deux batteurs se font face et décuplent l’énergie). Par ailleurs, les nappes de synthé confèrent un côté moins math rock mais tout aussi lancinant à des titres encore inconnus, si ce n’est « Woe », timidement balancé sur le net voici une quinzaine de jours, dont l’addictive version de ce soir résonne encore dans nos oreilles. Et ce n’est pas le seul, preuve de leur potentiel…
Ils avoueront après coup ne pas avoir osé enregistrer quoi que ce soit, préférant attendre la réaction du public lors de ce show grandeur nature (et filmé, ce qui ajoutait encore un peu de pression). Inutile de vous dire que le triomphe récolté ne peut que les conforter et à l’heure où vous lirez ces lignes, il y a de grandes chances que le studio soit déjà booké. Laisser ce projet inédit ne peut s’apparenter qu’à un gâchis.