Danse macabre avec Delain, Serenity et Cellar Darling
Alors que l’année 2018 vient à peine de débuter, il me reste encore quelques souvenirs mémorables de l’année écoulée à partager avec vous. Pouvoir suivre un groupe sur une (partie de) tournée est un rêve pour tout fan et tout photographe/journaliste. Alors en route pour le rêve avec ce compte rendu d’un trip métallique… Vendredi octobre 2017. Après de longues heures de route sous un ciel gris et pluvieux, j’arrive à Pratteln (Suisse) juste à temps pour poser ma valise à l’hôtel avant de filer vers la légendaire salle Z7 pour assister au premier concert de la tournée «Dance Macabre Tour» de Delain. En guise de bouquet final pour bien terminer les festivités du 10e anniversaire du groupe (marquée notamment par l’enregistrement d’un album live intitulé
A Decade of Delain, Live at Paradiso, la formation néerlandaise a proposé 6 concerts exceptionnels dans le cadre de sa tournée spéciale avec un invité très spécial. N’ayant pu me libérer pour la première date à Paris, je prends donc le train en marche ce soir en Suisse, à un jet de pierre de Bâle.
Après m’être procuré mon précieux sésame donnant accès au photo pit, je rentre dans la salle déjà bien remplie. Sur la grande scène du Z7, le groupe helvétique Cellar Darling entre en scène et entame aussitôt son set composé exclusivement de titres extraits de son premier album
This Is The Sound. Le groupe est basé sur un trio de transfuges du groupe Eluveitie, à savoir Anna Murphy, Merlin Sutter et Ivo Henzi. Ce n’est pas la première fois que j’ai l’occasion de voir se produire sur scène la nouvelle formation de métal folk helvétique. Je constate avec plaisir qu’Anna semble avoir gagné en confiance et qu’elle communique mieux avec le public.
Ce métal folk de très belle facture a tout pour séduire : la voix magnifique de Anna et le son si particulier de sa vielle à roue, les riffs incisifs et précis d’Ivo qui sont un cran plus saignants en live que sur l’album et les percussions explosives de Merlin qui envoie les notes sur sa batterie comme un boxeur distribue les uppercuts. Beaucoup de force (parfois contenue) mais de douceur aussi dans ces mélodies agréables et entraînantes. Musicalement et vocalement, tout est très au point et le public se délecte des titres suivants : «Black Moon», «Hullaballoo», «The Hermit», «Avalanche», «Six Days», «Starcrusher» et «Challenge». Le groupe affiche une cohésion plus grande de jour en jour, pour le plus grand bonheur du public qui en redemande.
Autre grand moment de la soirée, le concert du groupe autrichien Serenity qui fête ce soir la sortie de son nouvel album «Lionheart». Les fans sont impatients de retrouver le charismatique chanteur Georg Neuhauser et ses fidèles acolytes le bassiste Fabio D’Amore, le guitariste Chris Hermsdörfer et le batteur Andreas Schipflinger. Tous les décors sur scène sont à l’effigie de «Lionheart» qui ouvre la setlist avec l’instrumental «Deus Lo Vult» suivi immédiatement du single « United». Le groupe est très en forme et ne tarde pas à enflammer littéralement le public. La suite du menu se compose de quelques grands standards du groupe: «Spirit in the Flesh» (de l’album Codex Atlanticus» de 2016), «Iniquity» (2016), «Rust of Coming Ages» (de l’album «Fallen Sanctuary» de 2008) , «Legacy of Tudors» (de l’album «War Of Ages» de 2013), «Serenade of Flames» (de l’album «Death And Legacy» de 2011, la plage titulaire du nouvel album «Lionheart» et «Follow Me» (2016).
La scène est spacieuse et relativement éclairée, comme pour évoquer une ambiance moyenâgeuse teintée d’obscurité et de mystère. Le temps de quelques morceaux dont le cultissime «Serenade of Flames», le groupe est rejoint par la belle et talentueuse Tasha qui vient apporter une touche féminine et sexy à l’ensemble. La prestation du groupe sud-tyrolien est solide. On sent clairement l’influence plus power metal du dernier album. Mon seul regret est que ce concert n’aura pas duré assez longtemps pour une release party, même si je sais que j’aurai encore l’occasion de revoir le groupe sur deux autres dates de la tournée. En attendant, la salle est donc chauffée à blanc et prête à accueillir la tête d’affiche Delain…
D’aucuns se seront peut-être demandé quelle mouche a bien pu piquer Delain pour organiser cette mini-tournée spéciale au terme d’une année déjà si chargée. Le fait est que l’album Lucidity a fait l’objet d’une réédition spéciale pour son 10e anniversaire et qu’un certain Marco Hietala (Nightwish) faisait partie de l’aventure. Ce même Marco fait également une apparition sur les albums «April Rain» (2009), «We Are The Others» (2012) et «The Human Contradiction» (2014). Le chanteur finlandais est donc étroitement lié à l’histoire de Delain. Pourtant, assez curieusement, il n’était pas présent physiquement à l’enregistrement de l’album live (cd-DVD-Blu-Ray) évoqué précédemment. C’est peut-être cela qui a poussé le groupe de Martijn Westerholt à remettre le couvert en proposant une setlist spéciale avec Marco en invité. Les fans ont été ravis de l’aubaine et ont répondu nombreux à l’appel…
Après cette magnifique première soirée, je reprends la route en direction de la salle Zeche de Bochum, impatient de revivre les émotions de la veille au soir. Bien que la scène soit plus petite et que les Cellar Darling donne l’impression de manquer un peu d’espace vital, les Suisses livrent une prestation peut-être encore meilleure que celle de la veille. La setlist est identique, mais la réaction du public me paraît plus enthousiaste, confirmant peut-être ainsi l’adage selon lequel nul n’est prophète en son pays…
Le show de Serenity est aussi bon que celui de la veille, à ceci près que les lumières sont plus belles et que le son nous permet de mieux profiter des voix de Fabio (qui partage le chant lead avec Georg sur «Spirit in the Flesh» et de Chris et ses growls). La salle Zeche est bourrée (certains spectateurs aussi d’ailleurs…). L’ambiance est survoltée et Georg s’y connaît mieux que personne pour galvaniser le public. Il joue avec ses fans et leur parle beaucoup. Andy semble particulièrement inspiré derrière ses fûts. Tasha est rayonnante et ce set dynamique achève de me rebooster à fond.
Juste avant le concert de Delain, je remarque dans la salle deux membres de Xandria (Gerit et Marco) venus s’abreuver de la musique de leurs copains bataves. Le concert de Delain de ce soir est encore meilleur que celui de la veille à Pratteln où j’avais trouvé Marco Hietala un peu moins en voix que d’habitude. Charlotte et les siens affichent toujours la même forme olympique et livrent une prestation sans faille devant un public teuton conquis par tant de talent et d’énergie déployée sur scène. Bref, encore une soirée mémorable qui s’achève…
48 heures plus tard. Changement de décor. Je viens d’arriver dans le gigantesque complexe moderne Tivoli Vredenburg où la «Dance Macabre Tour» fait escale dans la salle Ronda. La salle est magnifique et plus grande que le Zeche à Bochum. Jouant à domicile, Delain a attiré un public venu très nombreux ce soir. Il règne une ambiance joviale et détendue, tout le monde se réjouissant de la belle affiche de la soirée. Après avoir réussi tant bien que mal à me frayer un passage dans la foule compacte pour atteindre une position photographiquement exploitable, je remarque la présence de plusieurs caméras, sans doute pour un enregistrement live.
Comme de coutume sur cette tournée, c’est le combo folk helvétique qui ouvre le bal. De plus en plus à l’aise, Anna et ses comparses nous font vibrer au son d’un métal folk moderne. Ce soir, la setlist est légèrement différente puisque, répondant à la demande d’un fan qui les a contactés, le groupe joue en plus des titres habituels, un morceau plus rarement interprété sur scène : «Rebels». Jolie surprise et délicate attention. Le public apprécie, comme en atteste l’attroupement au stand de merch à la fin du concert… Un groupe à suivre et dont on entendra très certainement reparler. Pour info: Cellar Darling sera à l’affiche du Durbuy Rock 2018 en avril prochain.
Il fait terriblement chaud dans la foule massée près de la scène. Après cette première partie stimulante, c’est au tour de Serenity de prendre possession de la scène. Plus la scène est spacieuse, plus les Tyroliens semblent à l’aise. Fabio, à la basse et au chant, ainsi que Chris, à la guitare et aux grunts, épaulent efficacement Georg et assurent le show. Georg remercie ce public néerlandais qui réserve toujours un si bon accueil à la formation autrichienne. Il annonce aussi une tournée headliner qui passera par les Pays-Bas en février prochain.
Soulignons aussi la très belle prestation de Tasha dans les parties vocales féminines. Pour les fans, la belle sortira son second album solo en février/mars 2018. Côté musique, les compositions de Serenity sont d’une efficacité redoutable, surtout sur scène. Les deux nouveaux titres impriment une dimension plus power métal, tandis que le retour sur quelques grands standards du groupe rappellent aussi toutes les qualités mélodiques de la formation. Durant «Lionheart» en fin de set, Georg déploie un magnifique étendard aux armes de Richard Cœur de Lion. Le public se régale et manifeste son enthousiasme à grand renfort d’applaudissements, de cris et de headbangings…
Arrive enfin le moment tant attendu du concert de la tête d’affiche de la soirée: Delain. Sur l’instrumental «The Monarch», les musiciens de la formation néerlandaise prennent place sur la scène Ruben Israel aux fûts (pour la dernière fois en ce qui me concerne puisqu’il a décidé de quitter le groupe), Otto Schimmelpenninck à la basse, le boss Martijn Westerholt aux claviers, la charmante et talentueuse Merel Bechtold ainsi que le virtuose Timo Somers aux guitares. Comme lors de la tournée précédente, le groupe enchaîne aussitôt avec «Hands Of Gold» (extrait de l’album «Moonbathers» de 2016). Charlotte Wessels qui accueille un premier invité, George Oosthoek qui assure la voix extrême interprétée sur l’album (studio et live) par Alissa White-Gluz.
La salle est chaude et les artistes ont manifestement la ferme intention de nous faire passer une soirée mémorable. Ils alignent donc 4 titres très punchy qui vont faire danser toute la salle avec frénésie: le cultissime «We Are The Others» (extrait de l’album de même nom sorti en 2012), «The Glory and the Scum» (2016), «Get the Devil Out of Me» (extrait de l’album «We Are The Others» de 2012) et «Suckerpunch» (2016). Le morceau suivant est celui qui commence sur une jolie petite mélodie superbement chantée par Charlotte et qui sert de thème récurrent au titre qui a donné son nom à la tournée: «Danse Macabre» (2016). Superbe! Quel incroyable faculté de fondre une petite mélodie toute calme et toute simple dans un morceau plutôt rythmé et dansant!
Le titre suivant est un titre plus rarement interprété sur scène: «Scarlet». Cet extrait de l’album «The Human Contradiction» (2014) bénéficie ce soir d’un accompagnement au violoncelle par la talentueuse Elianne Annemaat. Un moment d’émotion pure alliant la pureté de la voix de Charlotte et le son vibrant du violoncelle. Un morceau prenant, au côté quelque peu cinématique. Je l’aurais bien vu en toile de fond sonore d’un grand drame hollywoodien…
Redémarrage sur les chapeaux de roues avec un de mes morceaux préférés «Here Come The Vultures» (2014) et «Fire With Fire» (2016) avant d’arriver au moment que tous attendent, c’est-à-dire l’entrée en scène de Marco Hietala qui va accompagner Charlotte et Delain le temps de quatre chansons cultes: «Your Body Is A Battleground» (2014), «Nothing Left» (extrait de l’album «April Rain» de 2009), «Control The Storm» (2009) et «Sing To Me» (2014). Les fans exultent d’avoir l’occasion de voir sur scène ces morceaux qui font partie de l’ADN du groupe. Marco s’amuse beaucoup sur scène avec ses comparses de Delain et la complicité avec Charlotte est évidente.
Après ce véritable tsunami, un autre titre plus rarement interprété et pourtant bien de circonstance : «Hurricane». Une très belle mélodie construite en crescendo, le calme avant la tempête… Le set s’achève avec le morceau «Not Enough» (2012) qui traduit exactement l’état d’esprit de Merel, Otto, Martijn, Timo et Ruben lorsqu’ils sont sur scène face à leur public. Comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire, pour les membres du groupe, chaque concert est une fête. Otto s’éclate aux commandes de sa nouvelle basse Dingwall qu’il qualifie lui-même de ‘Lamborghini Orange’. Très souriante, Merel s’en donne à cœur joie dans les parties de guitare rythmique, tandis que Timo, ce véritable surdoué de la gratte, fait des merveilles et nous régale avec ses prouesses guitaristiques. Je me demande ce qui se passe dans la tête de Ruben derrière ses fûts. Les raisons de son départ restent obscures mais sa complicité avec le groupe reste intacte. En véritable alchimiste du clavier, Martijn distille ces plages synthétiques si typiques du son de Delain. Devant tant de plaisir à jouer, on imagine bien que le concert n’est pas terminé et qu’il y aura des rappels. Et en effet…
Retour des métalleux gothiques néerlandais pour un dernier baroud d’honneur, un véritable bouquet final qui nous réserve encore quelques surprises. «Mother Machine» (2012) qui donne encore au public une excellente occasion de se décrocher les cervicales et de faire voler les chevelures dans tous les sens, le très dansant «Don’t Let Go» (2014) qui met le Tivoli sens dessus dessous. Tout le monde saute, danse et chante en chœur avec Charlotte et les siens. On approche de la fin et le retour de Marco Hietala sur scène provoque aussi la surprise puisque Delain attaque une reprise de Queen avec une excellente reprise de «Scandal» (2016), sous forme de duo entre Marco et Charlotte. C’est superbe et festif. Je m’autorise à penser que Freddy lui-même aurait approuvé. En tout cas, le groupe Queen a fait savoir son appréciation par rapport à la version qui figure sur l’album, ce qui n’est pas rien. La soirée finit en apothéose avec un véritable hymne delainien : son célèbre «The Gathering». Le groupe sera longuement acclamé avant de quitter la scène définitivement. Je suis dans un état second après un concert d’une telle intensité. Autour de moi, les gens ont l’air enchantés. Contrat rempli donc pour Delain qui entamera très prochainement l’écriture de son 6e opus. Mais nous aurons certainement l’occasion d’en reparler plus tard…
Photos © 2017 Hugues Timmermans