Ah, the world of Tom McRae !
La saison automne-hiver du Bota a été lancée en délicatesse ce dimanche 10 septembre avec la venue de Tom McRae à l’Orangerie. Le natif de Chelmsford dans l’est de l’Angleterre venait y présenter « Ah, The World! Oh, The World! », un nouvel album que les fans et les collectionneurs s’empresseront de se procurer. En effet, il est accompagné d’un livre à la couverture élégante racontant sous forme de journal la genèse de ses nouvelles compositions. Un journal qui débute au lendemain du Brexit dans son Angleterre natale et qui se referme en juillet dernier au milieu des montagnes Catskill dans l’état de New York après un court séjour sur une île déserte en Norvège. Une année d’aventures parsemée de doutes et d’interrogations mais aussi d’expériences sociales que l’on retrouve documentées sous forme de dessins, de cartes postales et d’observations ornithologiques. Le tout dans un style décalé qui se dévore plus rapidement que la recette de cuisine mise au point après une séance de pêche dont les commentaires sont à mourir de rire.
Tout ceci nous éloigne du concert et de la première partie signée Chantal Acda qui ne restera pas dans les annales. Malgré une bonne volonté manifeste, la blonde Hollandaise qui se produira seule sur scène armée d’une guitare (électro)-acoustique était en effet encore aphone quelques heures avant de monter sur scène. Elle boira d’ailleurs un thé pendant sa prestation certes gracieuse mais un peu trop sage devant un public particulièrement respectueux. Ou passif, c’est selon…
La dernière fois que l’on a vu Tom McRae, c’était à l’AB en octobre 2015 avec son Standing Band. Un groupe dans lequel on retrouvait notamment le claviériste Olli Cunningham et le violoncelliste Oli Kraus, deux fidèles musiciens (respectivement quatorze et dix-sept ans de bons et loyaux services) qui se produiront en support de leur boss ce soir à l’Orangerie.
Les trois lascars entameront les débats avec un nouveau titre, « Show Them All », qui nous plongera d’emblée dans l’univers torturé de l’auteur-compositeur (« I lost my home yesterday, I lost my soul yesterday »). Ces mois passés loin de chez lui n’ont donc pas provoqué un effet euphorisant sur sa vision du monde. « Ah, The World!, Oh, The World! », la plage titulaire de la nouvelle plaque (titre pêché dans Moby-Dick, le roman d’Herman Melville, une réelle obsession chez Tom), ne sera guère plus optimiste. Seul « None Of This Really Matters » en fin de set provoquera une lueur d’espoir parmi ses nouvelles compositions (qui pourraient bien être les dernières selon lui).
En revanche, les atmosphères prenantes seront magnifiées tant par le violoncelle (« Mermaid Blues ») que par le piano (« Sao Paulo Rain »), le tout amplifié par une solide voix qui nous donnera des frissons (« A&B Song », « Dose Me Up »). Ceci dit, à l’instar de Robin Propper-Shepard, le leader de Sophia, tout n’est pas suicido-déprimant dans l’environnement de l’ami McRae. À commencer par son humour décapant, paradoxalement à mille lieues de ses textes sombres. Il passera ainsi pas mal de temps à raconter sa vie et à égrener des souvenirs entre les morceaux à coup de clins d’œil, au point de se voir contraint d’accélérer le tempo pour ne pas voir le set raboté par le couvre-feu.
Et puis il y a aussi les curiosités comme « The Only Thing I Know », ce semblant de hit datant de 2005 mais jamais publié (Tom a toujours été contre la dictature des maisons de disques qui veulent imposer aux artistes de composer des tubes sur commande) ou les titres plus musclés, même si le terme ne semble pas tout à fait approprié en formule trio, à l’instar de « One Mississippi » qui clôturera le set principal. On maudira toutefois ces atroces lumières qui vont davantage aveugler le public que générer un quelconque effet d’ambiance.
Les rappels mettront d’abord en avant le sympathique gaillard qui se produira en solitaire pour deux titres dépouillés (dont un intense « My Vampire Heart ») avant que ses acolytes ne reviennent lui filer un coup de main au travers du chargé « Hoping Against Hope » et du hit imparable qu’est toujours « The Boy With The Bubblegum » (et ses éternelles bulles de savon). Le tout se terminera un peu plus tard au son de « Language Of Fools » dont Jake Bugg semble s’être largement inspiré en composant son dernier album. Une chose est sûre, si Tom McRae raccroche vraiment sa guitare, sa bouille et son univers feront plus que nous manquer…