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Last Train :  »Les clichés du rock desservent le rock »


C’est l’histoire d’un groupe à la frustration incommensurable. Imaginez, vous devez jouer aux Nuits du Bota, votre matos est dans la salle et puis on vous annonce qu’un de vos musiciens est bloqué (du dos et à Paris) et que son médecin lui interdit formellement de prendre le Thalys. Rencontre avec Antoine Baschung et Timothée Gérard, respectivement batteur et bassiste de Last Train qui ont tout de même tenu à assurer la promo. Music in Belgium: Vous devez être méchamment frustrés à l’idée de vous être déplacés jusqu’à Bruxelles pour finalement devoir déclarer forfait en dernière minute…

Timothée (air dépité): Devoir déclarer forfait, c’est tout à fait ça…

Antoine: En arrivant, on avait encore un peu d’espoir et puis au bout d’une heure on a reçu la nouvelle. C’est très spécial, c’est la première fois que cela nous arrive en cinq ans de tournée. Du coup, on est un peu tristes.

Timothée: On a l’habitude de faire beaucoup de concerts (une centaine par an depuis 2015) et on a déjà eu des galères de vans, de ferries, de trains. Des galères physiques aussi et d’autres liées à des intempéries mais là, cela a des conséquences. Vous nous avez mis KO ! (rires)

MiB: C’est dommage car en plus, c’est le jour d’ouverture des Nuits du Bota. À propos, vous avez déjà joué ici au Bota ?

Timothée: Oui, on a joué au Witloof Bar en février l’année dernière.

Antoine: On espère qu’on reviendra, du coup. Je pense qu’on est déjà en train d’en discuter.

MiB: Vous avez donc vu la Rotonde, l’endroit où vous deviez jouer ce soir. Vous avez fait les soundchecks ?

Timothée: On commençait à installer le matériel lorsque l’on a reçu le coup de fil de la fin. C’était drôle parce qu’on est rentrés par le côté droit de la salle puis on a quasi instantanément tout stocké à gauche.

MiB: Je discutais tout à l’heure avec un ami journaliste qui m’a dit vous avoir vus en 2014 dans un petit bar à Bruxelles, le DNA.

Timothée: Oui, c’était en première partie d’Altamontt et on avait dormi chez la bassiste. C’était une de nos premières vraies grosses tournées.

Antoine: Bruxelles, c’était la deuxième date après Reims.

Timothée: Le DNA, un endroit très rock ‘n’ roll dans mes souvenirs. Il est fermé maintenant, non ?

MiB: Oui, l’endroit a fermé voici environ deux ans et est devenu un club de soul qui n’a pas duré bien longtemps.

Antoine: Il me semblait bien. On a joué l’an dernier (en mai 2016, ndlr) dans la petite salle de l’Ancienne Belgique et on s’était baladés dans les environs. On a retrouvé l’endroit, mais ce n’était plus le DNA.

MiB: « Weathering », votre premier album, vient de sortir et il est l’aboutissement de plusieurs années de travail. Racontez-nous votre parcours.

Timothée: Au départ, on est un groupe de potes du collège et du lycée. On a commencé il y a une petite dizaine d’années, quand on avait 13-14 ans. Au début, t’as pas mué donc tu ne chantes pas, tu te contentes de tripoter tes instruments. Puis tu commences à chanter, tu joues des titres qui sont nuls et qui finissent par disparaître alors que d’autres émergent.

Antoine: C’était l’époque où on écoutait plein de trucs, on était de véritables éponges. Tous les trois mois, on ne changeait pas de style mais on changeait complètement d’inspiration et du coup, cela partait dans tous les sens.

Timothée: T’avais un morceau qui sonnait Muse à fond et le suivant était dans la veine des Red Hot Chili Peppers. Il n’y avait donc pas trop de cohérence. On a commencé à se produire dans les bars du coin où nos parents nous conduisaient et venaient nous rechercher après le concert. Puis dès qu’on a eu le permis, on a commencé à bouger. On est Alsaciens (ils viennent de Mulhouse, ndlr) donc on a d’abord joué à Strasbourg, puis à Lyon, Paris. Et aujourd’hui, on joue partout.

MiB: Très do it yourself au départ.

Timothée: Très do it yourself encore aujourd’hui.

Antoine: Au début, tu regardes le groupe régional qui marche bien, tu te rends compte qu’il fait beaucoup de concerts, donc tu fais pareil. En faisant ça, tu te rends compte que pour qu’il y ait du monde à tes concerts, tu dois faire de la promo, tu dois te démener pour décrocher une date dans un bar, tu dois essayer d’avoir assez d’argent pour rembourser ton plein d’essence et tes repas de midi,… Au fur et à mesure, tu montes une structure et c’est ce qui s’est passé pour nous.

MiB: C’est très sain, finalement, comme progression.

Timothée: Oui, on est vraiment partis de rien et avant l’album, on a enregistré deux EPs dont certains titres se retrouvent sur « Weathering ».

MiB: Dans des versions retravaillées ?

Timothée: Non, ils ont juste été légèrement adaptés mais c’est simplement pour que l’ensemble final soit cohérent. On aurait pourtant voulu faire des changements vu que le temps passe et que d’autres idées ont surgit, mais on s’est dit que si on réenregistrait un morceau, on faisait preuve d’un aveu d’échec.

Antoine: Et puis si tu modifies sans cesse telle ou telle partie, ton album, tu ne le sors jamais. Parce que, soyons honnêtes, tu as toujours envie de changer un truc dans un morceau.

MiB: Alors que si vous voulez changer quelque chose, il suffit de le faire sur scène…

Timothée: C’est exactement ça !

Antoine: C’est marrant, depuis que l’album est sorti, je ne l’écoute plus mais je sais que si j’y prête une oreille attentive, je vais me rendre compte que je ne joue plus du tout certaines parties comme lors des enregistrements. On n’essaie pas de dupliquer le travail de studio sur scène. Au contraire, on adapte même certains titres pour qu’ils passent mieux en concert. En studio, tu peux te permettre de par exemple doubler une guitare alors que sur scène, il faut trouver d’autres astuces pour servir le morceau comme tu peux.

Timothée: En studio, on avait comme mot d’ordre de ne pas se mettre de barrières, de tenter plein de choses. Sur certains titres de l’album, il y a du clavier, du piano, de l’orgue alors que sur scène, on doit s’en passer. Il s’agit d’une volonté de rester ultra rock ‘n’ roll en live. Il y a deux guitares, une basse, une batterie et envoyez la sauce (rires). Le but est de ne pas s’encombrer d’artifices. Du coup, les morceaux sont un peu retravaillés, les parties de piano sont adaptées à la guitare, c’est une autre dynamique.

MiB: En tout cas, cet album est bourré d’énergie, à l’instar de « Between Wounds » qui doit être une tuerie sur scène. Cela fait plaisir car des groupes de rock qui utilisent encore l’analogique sont assez rares ces temps-ci…

Antoine: C’est aussi parce que l’analogique coûte cher. Aujourd’hui, tu peux très vite faire de la musique chez toi, avoir un home studio, mais ce ne sera pas un studio avec du matériel analogique. Nous, on a la chance d’avoir Rémi Gettliffe, notre producteur et ingé son qui nous suit depuis un bon moment et dont le rêve est de construire son propre studio, il achète plein de matos et c’est lui qui donne ce son dont on est super fans.

MiB: Une influence majeure ou un groupe de référence ?

Antoine: On écoute énormément de musique et ce serait impossible de donner un nom qui se détache. En plus, aujourd’hui, on s’est élargis. Au début, on était très dans le rock puis tu découvres les influences des groupes que tu écoutes qui t’emmènent vers des styles complètement différents. Notre but aujourd’hui n’est pas nécessairement de faire du rock mais de la bonne musique. Ne pas se mettre de frontières.

Timothée: Par exemple, sur « Weathering », il y a des alternances entre majeur et mineur où tu pourrais très bien avoir un orchestre derrière. Antoine le dit souvent : « les clichés du rock desservent le rock ». T’as un mec avec une barbe qui balance trois accords et au final, tu as l’impression que tout le monde fait la même chose.

MiB: Vous êtes musiciens au départ ou vous avez appris sur le tas ?

Antoine: On a commencé très tôt à jouer ensemble donc on a appris ensemble.

MiB: Et où avez-vous été découvrir toute cette diversité musicale ?

Timothée: Il y a Internet mais aussi le fait d’être quatre. Si tu es tout seul, tu vas un peu te limiter par le manque d’inspiration par exemple. Alors qu’à quatre, si quelqu’un aime un artiste ou un groupe, on est plus ouverts à aller écouter et à éventuellement revoir son jugement initial. Et puis, on passe notre vie dans un van à écouter de la musique, donc cela aide…

MiB: Vu que vous avez bien malgré vous quartier libre, quel groupe comptez-vous aller voir ce soir ?

Timothée: On va aller à l’Orangerie pour Las Aves. On les a croisés plusieurs fois à Paris mais on n’a jamais eu l’occasion de les voir en concert. Si on peut te conseiller d’aller y jeter une oreille, ils ont un style qui est beaucoup plus pop sur disque mais en concert, cela défonce, c’est super rock ‘n’ roll.

MiB: Merci pour le tuyau. Bon, profitez tout de même de la soirée. J’espère vous voir à la rentrée. Mais sur scène, cette fois…

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