Leuven et Gent, même combat pour Sophia
22 mars 2016. L’horreur frappe par deux fois la Belgique. Ce soir-là, c’est le Depot de Leuven qui sera notre lieu de recueillement avec la mélancolie des Tindersticks en toile de fond. Un an plus tard, retour au même endroit avec les atmosphères teintées de spleen de Sophia, parfaites pour panser des blessures toujours bien ouvertes.
Outre une date la veille au Reflektor de Liège, Robin Propper-Shepard et ses ouailles se produisaient également le surlendemain au magnifique Handelsbeurs de Gent. Retour sur ces deux prestations à la philosophie sensiblement identique et axées, dans un premier temps, sur « As We Make Our Way (Unknown Harbours) », l’excellent sixième album studio du collectif sorti voici presqu’un an.
En effet, l’intégralité de la plaque en question sera d’emblée interprétée dans l’ordre des plages et, quelques remerciements isolés mis à part, sans un mot. L’occasion pour les musiciens de se concentrer sur des compositions qu’ils maîtrisent désormais à la perfection et auxquelles ils insufflent une fougue que l’on n’avait plus connue aussi spontanée depuis 2004 et la tournée en support de « People Are Like Seasons ».
Quelles sont les raisons de cette métamorphose musclée ? Une collection de nouveaux titres imparables, tout d’abord (on n’ose pas dire lumineux dans le cas de Sophia) mais surtout un backing band dont la seule envie est de se lâcher. Le guitariste à la droite de Robin semble le plus à fond dans son trip malgré une veste de costume qu’il gardera tout au long du concert. Ses interventions vont transcender « Resisting », « You Say It’s Alright » et un « Holiday » faussement léger. Mais ses camarades de tournée (dont un claviériste qui n’hésite pas à attraper une guitare lorsqu’une dose de décibels supplémentaire est requise) ne sont pas en reste non plus.
Ceci dit, lorsque le tempo se ralentit, leurs délicates interventions emmènent « The Drifter », « Don’t Ask » ou « Blame » vers des sommets, le tout accentué par le visage expressif du leader. Un leader qui activera son moulin à paroles dès la fin de l’hyper prenant « It’s Easy To Be Lonely », qui allait marquer la fin de la première partie du set. Robin va ainsi, comme à sa bonne habitude, abondamment disserter sur son parcours et celui de feu son groupe The God Machine tout en partageant des souvenirs liés aux villes visitées (Louvain et le magasin de disques Bilbo qui a écoulé bon nombre d’albums du groupe, Gand et le trottoir du Kinky Star lors de Gentse Feesten bien arrosées). Notons aussi quelques messages personnels à certains fidèles fans présents dans la salle.
Lors de cette seconde partie, ce sont essentiellement les débuts de Sophia qui seront revisités dans des versions qui n’ont plus grand-chose à voir avec celles gravées sur « Fixed Water » (1996) et « The Infinite Circle » (1998). « If Only » et « So Slow » n’ont toutefois rien perdu de leur pouvoir émotionnel alors que les énervés « Bastards » et « The River Song » feront place à un mur de guitares peaufiné sur le final enlevé de « Bad Man », la version en crescendo de « Desert Song No.2 » (Leuven only) ou les parties noisy mâtinées d’un harmonica flippant de « Darkstar (Another Shade In Your Black) ». Sans oublier le hit « Oh My Love », bien entendu.
Les rappels auront quant à eux une teneur plus apaisante qui atteindra son paroxysme avec le toujours aussi délicieusement plombant « I Left You » (le seul commun aux deux soirées). Le Depot aura droit à un titre rare (« Razorblades ») et à un ultime « Directionless » tandis que le Handelsbeurs sera le théâtre d’un « Everyday » spécialement répété pour l’occasion avant que le couvre-feu ne stoppe net les musiciens dans leur élan. Finalement, entre émotion, nervosité et intensité, les deux prestations auront été complémentaires.