Mystery Jets, un joyau toujours aussi bien conservé
Prévu à l’origine au printemps dernier puis annulé tout comme le reste de la tournée, le concert de Mystery Jets à la Rotonde du Botanique a finalement eu lieu ce lundi 26 septembre. Les Londoniens y ont défendu avec ardeur leur excellent cinquième album, « Curve Of The Earth ». Soucieux de l’équilibre de la soirée, ils avaient emmené avec eux Tempesst, un groupe dont le nom et les membres chevelus (à l’exception du souriant chanteur qui est également le seul à ne pas boire de bière mais bien du thé) nous font penser, dans un élan d’humour à deux balles, au chanteur de Europe. Mais la comparaison s’arrête là car ils sont originaires d’Australie et leur univers se situe à la croisée des chemins entre Beirut, Band Of Horses et Father John Misty (le timbre de voix du chanteur est incroyablement proche de ce dernier).
Entamé sur les chapeaux de roue avec des compositions pop mélodieuses couplées à un entrain communicatif, leur set va toutefois se ternir lors de sa seconde partie. En cause, une formule qui a tendance à se répéter et qui, dès lors, perd de son charme une fois l’effet de surprise passé. Et ce, malgré des effets psyché colorés (leurs compatriotes Tame Impala ne sont pas loin) injectés par un claviériste dont le rôle ne semble pas anodin malgré les apparences. Ceci dit, le potentiel est bien là.
« Curve Of The Earth », le dernier album en date de Mystery Jets, est sorti en tout début d’année et a permis au groupe emmené par Blaine Harrison d’explorer une fois encore de nouveaux territoires. Après la vision très americana de « Radlands » en 2012, c’est dans le rock progressif au sens large du terme qu’ils se sont plongés cette fois. « Telomere », la plage d’intro du disque (et du concert de ce soir) va d’emblée poser les bases d’une prestation envoûtante à souhait, que « Serotonin » va ensuite faire décoller.
Aux côtés du leader (qui a récemment prêté sa voix à un titre de Beyond The Wizards Sleeve, le projet psyché-tribalo-disco d’Erol Alkan), on retrouve un nouveau visage en la personne de Jack Flanagan, le fantaisiste bassiste aux cheveux blonds bouclés qui a définitivement remplacé Kai Fish. Pour les puristes, précisons que lors de leur dernière visite dans cette même salle voici quatre ans, le poste était occupé par un musicien intérimaire.
Si la force tranquille du batteur Kapil Trivedi n’est plus à démontrer, on s’attardera sur la prestation de Will Rees, dont les parties de guitare vont apporter une réelle plus-value aux compositions (« Saturnine », « Bombay Blue ») et quelque peu compenser une voix pas toujours heureuse. Celle-ci fera d’ailleurs sourciller de temps à autre Henry Harrison, le papa de Blaine (et membre fondateur du groupe) qui a vécu le concert au beau milieu du public. Heureusement, les interventions de son rejeton seront comme d’habitude à la hauteur (« Half In Love With Elizabeth » à la vibe très Killers, « Bubblegum »).
Ce dernier nous réserve toujours une surprise quant à son accoutrement. Ce soir, il va dévoiler une chemise en soie rouge vif et des baskets bariolées avec lesquelles il va adroitement gérer ses pédales à effets rehaussées et customisées (rappelons qu’il se déplace en béquilles et se produit donc assis sur une chaise haute).
Outre la quasi-totalité de la nouvelle plaque (dont un excellent « 1985 » et un sombre « Midnight’s Mirror » proche de l’univers de Supertramp), ils vont jouer deux nouvelles compositions qui, au premier coup d’oreille, vont impressionner. « The World Is Overtaking Me », brut et porté par des guitares généreuses ainsi que « My Centurion » aux voix impeccablement partagées entre Blaine et Will. Celles-ci se retrouveront sur un EP destiné à accompagner l’édition spéciale de « Curve Of The Earth ».
Le très enlevé « Young Love » (qui tient la route malgré l’absence de voix féminine) et, d’une manière plus surprenante, l’introspectif et tristounet « The End Up » vont amener le set principal à son terme. Ils reviendront pour un rappel de deux titres entamé avec un « Someone Purer » en parfait crescendo avant que « Flakes » ne les voient prendre congé de la Rotonde. Il n’aura manqué que « Two Doors Down », pourtant mentionné sur la set-list. Qu’à cela ne tienne, les Londoniens ont une fois de plus fait honneur à leur réputation, même si l’étiquette de « groupe le plus sous-estimé de la planète indie » continue de leur coller aux instruments…
