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Dour Festival 2016 (Jour 3) : un vendredi furieux


La vie doit continuer ! C’est la réflexion qui nous est venue à l’esprit au lendemain du massacre qui a touché la Promenade des Anglais à Nice. Une petite pensée pour les victimes (relayée sur les écrans géants de la Last Arena) et le troisième jour du Dour Festival pouvait débuter dans la sobriété. Encore que, le terme n’est certainement pas le mieux adapté à Victoria+Jean, l’excentrique duo qui ouvrait la Petite Maison dans la Prairie ce vendredi 15 juillet. Lui, grand castard aux bras tatoués, bouteille de Jack Daniels à proximité et riffs de guitare décidés. Elle, tenue sobrement affriolante, crinière rousse et solide voix soul amplifiée par deux micros. Ils sont accompagnés sur scène de la moitié masculine de Soldout, complément idéal aux délires électroniques d’un couple qui nous avait impressionnés lors de la récente Nuit Belge au Bota. Malheureusement, en ce début d’après-midi, aux excellents premiers titres bourrés d’énergie ont succédé des impros et des intermèdes bluesy qui ont drastiquement fait retomber l’ambiance.


Résultat, on est partis voir la fin du set de Sharko sur la Last Arena, inondée de soleil à défaut d’être noire de monde. Il est vrai que les ravers qui se sont défoulés jusqu’au bout de la nuit sont toujours en train de récupérer de leurs excès à cette heure de l’après-midi et ne rejoignent la plaine que bien plus tard. Eat, sleep, rave, repeat, comme dirait l’autre… Mais revenons au projet de David Bartholomé, de retour après une escapade en solo et toujours autant boute-en-train. Il est accompagné de son fidèle guitariste Teuk Henri alors que le poste de batteur (un job sensible dans l’univers de Sharko) est occupé par Olivier Cox. On se replongera dans les excellents singles de la période dorée du groupe (« I Went Down », « Sweet Protection ») tandis que l’ami David travaillera le public (qui le lui rendra bien) au son du récent « Shalaine ».

Direction ensuite la Petite Maison dans la Prairie sous laquelle jouait Jeanne Added, petit bout de femme dynamique et nouvelle icône de la communauté LGBT, mais pas seulement. Musicienne classique de formation, elle est arrivée dans le monde de la pop suite à une rencontre avec Dan Levy de The Do. Le résultat a donné « Be Sensational », un premier album qui a fait l’unanimité l’an dernier et qui se transforme sur scène en une véritable machine à pépites électro, grâce à la prestance naturelle de la chanteuse mais aussi à son efficace backing band. Et si l’on y ajoute les fans hardcore qui connaissent les paroles sur le bout des lèvres, on vous laisse imaginer l’ambiance.


Ceci dit, c’est au Bar du Petit Bois que l’on a été se ressourcer juste après. Endroit discret et ombragé à la capacité limitée, il propose des DJ sets exclusifs mais surtout un espace de délassement au pied des arbres. Un break salvateur avant d’affronter les décibels de Do Or Die sous la Cannibal Stage. Les régionaux de l’étape et « représentants du hardcore wallon depuis 1999 » dixit le toujours bien actif Jacques de Pierpont dans sa tenue fétiche de présentateur. Ils ne vont en tout cas pas se poser de question et démarrer leur set à du cent à l’heure, prenant le public à la gorge avec des guitares destructrices et les hurlements gras des deux vocalistes (ceux-ci resteront d’ailleurs aux alentours de la scène bien après leur prestation, on y reviendra), initiant des pogos monstrueux. Mais ce début en fanfare va se tasser plus ou moins rapidement, nous invitant à rejoindre le Labo.


Un Labo où le duo infernal de La Jungle se produisait avec toute la fougue qu’on leur connaît. Une formule simple (un batteur, mais quel batteur !) et un guitariste aux riffs bien sentis, des onomatopées judicieusement dispersées, un ampli poussé dans le rouge et une touche d’humour (que font une noix de coco et une banane sur scène ?). On les avait découverts en première partie de
Drenge
au Bota il y a plus d’un an et depuis, ils ont gagné en assurance. On pouvait leur reprocher il n’y a pas encore si longtemps de se focaliser sur un accord lumineux et de le décliner à l’infini mais il n’en est plus rien. Une heure de prestation passe désormais comme une lettre à la poste sans cette impression de déjà entendu. On se réjouit de découvrir la prochaine étape de leurs délires sonores.

Retour sous la Cannibal Stage avec un groupe qui, au départ, n’était pas prévu au programme. Les Américains de Dog Eat Dog ont en effet remplacé au pied levé Life Of Agony dont le batteur s’est cassé la clavicule voici quelques jours. Ce statut d’invités de dernière minute ne les a pas perturbés outre mesure et ont donné un set à la hauteur de leur réputation, entamé avec une sorte de rap incluant le nom du festival. Eternel ado, le chanteur John Connor va s’en donner à cœur joie, entre discours engagés déblatérés sur une rythmique endiablée, ode à la bière servie sur le site et accueil des invités sur scène (les types de Do Or Die pendant le refrain de « Who’s The King? », le tour manager sur « Expect The Unexpected » mais malheureusement pas notre compatriote Marc De Backer qui a tenu la gratte en leur au sein à l’époque). Un des premiers groupes hardcore à avoir incorporé du rap et du saxo dans son univers, il faut reconnaître que la formule fait toujours mouche. À vrai dire, l’énergie dégagée par les musiciens y est pour beaucoup.


Ceci dit, nos tympans n’avaient pas encore fini de trinquer puisque Mass Hysteria s’apprêtait à investir le même endroit devant deux murs d’amplis. Le groupe de metal français, après plus de vingt ans de carrière, a toujours sa place dans le milieu. Il faut dire que le furieux leader Mouss Kelai se donne tant et plus et son discours vindicatif n’a peut-être jamais été autant d’actualité. Extraits choisis : « Ne laissez pas la haine s’installer / s’exprimer » (« World On Fire »), « L’enfer des hommes, c’est leur amour des Dieux » (« L’enfer des Dieux »). Il n’a pas été tendre envers l’auteur de l’attentat de Nice, a rendu un poignant hommage aux victimes du Bataclan, a qualifié les spectateurs de résistants culturels, et on en passe. Le tout entrecoupé de titres aux riffs sanglants et à la puissance rare (« Tout doit disparaître », « Furia », « Positif à bloc »). Sans surprise, pogos, circle pit et wall of death seront légion dans une ambiance de feu. Oufti, un des concerts de la journée et un selfie avec la famille (dont les chanteurs de Do Or Die…) en fin de set.


Après cette claque, le concert des gentils Poliça nous a paru bien plat malgré les deux batteries en action. Il est vrai aussi que le seul instrument à cordes est une basse. Notons tout de même que la chanteuse Channy Leaneagh habille désormais moins sa voix d’effets Auto-Tunés, ce qui rend l’ensemble nettement plus digeste qu’à l’époque. À revoir dans de meilleures conditions le 24 octobre à l’AB.


C’est donc au Dance Hall que l’on a été s’abandonner avec la prestation de Peaches. Une prestation où la musique passait clairement au second plan. On se demande même si elle chantait en direct, perchée sur un podium au son de beats préenregistrés. Mais cela, le public n’en avait cure. En effet, il n’avait d’yeux que pour le show carnavalesque d’un goût douteux à prendre (au moins) au troisième degré. Elle s’accompagne de deux danseurs (un homme et une femme) déjantés qui allaient défiler sapés d’accoutrements plus exubérants les uns que les autres, quand ils n’étaient pas quasi dévêtus. Tout y est passé : simulations de scènes hard, bouteilles de mousseux à caractère phallique préalablement secouées, exhibition gratuite de cellulite généreuse,… Voilà une femme qui s’assume mais pour le côté artistique de la chose, on repassera…

C’est avec ces images dans la tête, couplées à celle du maillot jaune du Tour de France, Chris Froome, en train de courir sans son vélo vers l’arrivée du Mont Ventoux que notre troisième jour à Dour s’est achevé. Il convenait de se reposer avant un samedi qui s’annonçait particulièrement chargé.

Photos © 2016 Olivier Bourgi

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