DIIV 1-0 EURO
Malgré la concurrence de l’Euro et un certain Allemagne-Pologne, l’Orangerie du Botanique était pleine à craquer ce jeudi 16 juin pour la venue des New Yorkais de DIIV. Ils y étaient même attendus de pied ferme puisque ce concert aurait dû se dérouler en avril dernier avant que toute la tournée européenne ne soit reportée.
Bien que confirmée tardivement (le groupe n’a été prévenu que deux jours avant), la première partie s’annonçait particulièrement adaptée à la physionomie de la soirée. Les Limbourgeois de Whispering Sons, récents vainqueurs du célèbre Humo Rock Rally, puisent en effet leurs influences dans la cold wave du début des années 80 et, vu leur jeune âge, ont dû aller trifouiller dans la discothèque de leurs parents en s’attardant sur les pochettes sombres.
Quelque part entre les Sisters Of Mercy (l’inquiétante batterie électronique simplifiée), Siouxsie (la voix saccadée, les mélodies entêtantes) et The Cure (la guitare glaciale), le groupe est emmené par une chanteuse androgyne aux cheveux longs et à la voix sinistre, le tout dans un environnement ténébreux et un brouillard de décibels. Il ne manque qu’une chose pour que le tableau ne soit complet : une basse ronflante. Si celle-ci était visible, elle était malheureusement presqu’inaudible. La faute à un problème technique récurrent qui n’a pas découragé les musiciens pour autant, preuve de leur énorme potentiel.
Le turbulent Zachary Cole Smith aura mis du temps avant de donner une suite à l’acclamé « Oshin », le premier album de DIIV en 2012. La cause principale étant liée aux substances illicites dont il semble abuser. Mais il n’est pas le seul (sans blague ?) car le batteur original a jeté l’éponge l’année dernière pour les mêmes raisons alors que le guitariste Andrew Bailey est déjà passé par la case cure de désintoxication. Mais même si la vie au sein du groupe ressemble à tout sauf à un long fleuve tranquille, la deuxième plaque, « Is The Is Are, révèle une surprenante maturité que l’on n’attendait pas.
« Less talk, more rock ». C’est en ces termes que le leader a lancé la soirée avant d’entamer l’instrumental « Druun Pt. II » en guise d’introduction. Ceci dit, deux titres supplémentaires en demi-teinte seront nécessaires avant d’enfin voir la machine tourner à plein régime. « Under The Sun » et ses riffs implacables vont alors faire grimper l’intensité d’un cran avant qu’« How Long Have You Known? » à la basse bien en place ne nous rappelle que derrière les décibels se cache aussi un souci de la production assez léché.
Mis à part le claviériste à l’extrême gauche de la scène, chaque musicien porte un couvre-chef. Du plus ridicule (le bonnet de montagnard du guitariste) au plus original (le chapeau de gavroche du bassiste Devin Ruben Perez au lien de ressemblance avec Adam Granduciel de The War On Drugs). Le chanteur, lui, arbore fièrement une casquette à l’effigie de Beach Fossils, le groupe dans lequel il joua de la batterie à la fin de la décennie dernière. Tout ce beau monde se produit devant une immense banderole inspirée du visuel d’« Is The Is Are ».
Les extraits de cet album seront bien entendu légion et, force est de constater que le délai de deux mois consécutif au report du concert a été bénéfique dans le sens où les compositions nécessitent une analyse répétée avant de définitivement s’incruster dans l’oreille (la longueur de la plaque n’y est pas étrangère). La voix atmosphérique de l’ami Zachary apporte ainsi une vision planante à « Dopamine » alors que l’alchimie évidente qui se dégage du groupe lors des excellents « Mire (Grant’s Song) » et « Incarnate Devil » au final puissant confirme notre bonne impression. Le leader, un rien désinvolte ce soir, ne semble pas encore tout à fait débarrassé de son accoutumance mais cela ne rejaillit pas trop sur sa prestation (on ne s’attardera toutefois pas sur ses interventions…).
Au rayon des curiosités, pointons une cover du « Nude As The News », un des premiers singles de Cat Power, dans une version nerveuse et presque méconnaissable qui introduira parfaitement une fin de set démentielle. Durant celle-ci, on redécouvrira littéralement les deux derniers extraits du nouvel album. Zachary se lâchera sur un prenant « Dust » avant que les guitares crasseuses couplées à un sens aigu de la mélodie de « Waste Of Breath » ne calment (momentanément) la donne. Quant à « Doused », il s’agit à n’en point douter de l’hymne dark et shoegaze d’un premier album dans lequel il est nécessaire de se replonger.
Après un court break, les musiciens reviendront sur scène pour un rappel quasi improvisé (le groupe joue sans set-list). Un « Human » à la vibe très « Friday I’m In Love » l’entamera sur un ton léger mais « Bent (Roi’s Song) » remettra bien vite les pendules à l’heure via une basse omniprésente et des riffs destructeurs. Juste après, « Wait » achèvera le travail d’un tremblement de terre noisy. Pas sûr que ceux qui ont opté pour le match de l’Euro aient ressenti autant de sensations que nous.