Autumn Falls 2015 : Father John Misty en grand prêcheur
S’il fallait dégager un point fort du festival Autumn Falls, on choisirait sans hésiter l’éclectisme. Jugez plutôt. Ce mardi 10 novembre, pendant que Kiss The Anus Of A Black Cat emballaient le Club de l’AB, c’est Father John Misty qui rassemblait ses fidèles un étage plus bas.
Comme dimanche dernier au Bota, le support était assuré par une fille seule sur scène avec sa guitare, mais contrairement à Nicole Atkins, Anna B Savage n’a pas déchaîné les passions. Nettement plus timide, elle ne va piper mot si ce n’est un discret thank you avant de quitter rapidement la scène à la fin de son set. Ce silence pesant sera en outre amplifié par le laps de temps interminable qui lui est nécessaire pour accorder son instrument presqu’à même le sol.
Pourtant, elle a des arguments à faire valoir, à commencer par une voix caractéristique et légèrement plaintive à la croisée des chemins entre la soul et le jazz. Par moments, on pourrait la comparer à un Nick Drake au féminin avec des effets de guitare crasseux empruntés à PJ Harvey. Ceci dit, cela reste un rien trop monotone malgré de légères tentatives de débordement où elle essaye d’adopter une attitude rebelle. On serait tout de même curieux de la voir avec un groupe derrière elle.
Pour une raison qui nous échappe, on est passés à côté de la visite de Josh Tillman alias Father John Misty en mars dernier au Botanique. L’ex-batteur de Fleet Foxes (et auteur d’un paquet de sorties sous le pseudo J. Tillman) a publié en début d’année son deuxième album solo, « I Love You, Honeybear », unanimement acclamé par la critique, qu’il va jouer dans son intégralité ce soir.
Monté sur scène au son du « Je t’aime, moi non plus » de Gainsbourg et Birkin, l’homme et ses musiciens vont se lancer dans une version langoureuse de la plage titulaire dudit album qui va déjà toucher le cœur des spectateurs. Ceux-ci n’ont d’yeux que pour l’artiste généreusement barbu et chevelu qui, physiquement, se situe quelque part entre John Grant et Admiral Freebee.
En tout cas, il a l’attitude et la coolitude pour faire craquer la gent féminine qui va tout à fait s’affoler lorsqu’il entamera quelques pas de danse suggestifs lors de « True Affection » par exemple. Un titre atypique que l’on pourrait presque confondre avec une production de Sébastien Tellier (les lights de couleur bleue aident, il est vrai…), à l’exception d’une voix nettement plus chaleureuse qui deviendra même presque sexy sur « Nancy From Now On » un peu plus tard.
Une voix qui va façonner l’ossature des compositions les plus délicates pendant lesquelles il s’accompagnera d’une guitare (« Only Son Of The Ladiesman ») ou lorsqu’il posera simplement sa voix sur un piano magique (le très drôle « Bored In The USA »). Ceci dit, ses origines américaines rejailliront sur des titres presque country à la Eagles (« The Night Josh Tillman Came To Our Apartment » plein d’auto-dérision, « I’m Writing A Novel »).
Mais le bonhomme ne se contente pas de prendre des poses, il sait aussi donner une impulsion nerveuse à certaines parties où trois guitares sont en action (« Strange Encounter », « Hollywood Forever Cemetary Sings »). En tout cas, il ne lésine pas sur le matériel car pas moins de cinq musiciens l’accompagnent et vont se donner corps et âme sur un final incroyable constitué de l’excellent « Holy Shit » (on n’a jamais dit qu’il était poli) entamé sagement avant de virer en puissance et « The Ideal Husband » aux riffs presque metal sur lequel il terminera en transe.
Son humour d’artiste pince-sans-rire sera encore mis à l’honneur lors des rappels via un speech que précédera un acoustique « I Went To The Store One Day » avant que le groupe au grand complet ne se retrouve pour un ultime baroud d’honneur avec « Everyone Needs A Companion ». Father John Misty n’a pas fini de nous étonner, d’autant que son projet actuel se tient bien au-dessus du groupe dans lequel il tenait les baguettes à une certaine époque…