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Quand Algiers rime avec intensité

Au Pukkelpop cet été, Algiers avaient fait forte impression sous le Club à l’heure de l’apéro en sortant de leur torpeur les festivaliers pas encore bien réveillés. Il était donc impensable de louper leur premier passage dans une salle belge ce mercredi 4 novembre dans un AB Club généreusement garni. Surtout que la première partie avait été confiée à La Jungle, le duo furieux qui connait bien l’endroit pour y avoir joué la semaine dernière en support de LA Priest. Ceci dit, la combinaison de ce soir leur convenait nettement mieux et ils l’ont démontré en se lâchant complètement. On les avait notamment vus au printemps dernier en première partie de Drenge au Bota et on peut affirmer qu’ils ont depuis gagné en assurance, grâce à un agenda particulièrement chargé.

Tout bénéfice pour eux donc car l’énergie dégagée par leurs compositions alambiquées repose sur une complémentarité à toute épreuve. Instrumentales à l’exception de quelques cris et onomatopées isolés, celles-ci rendent l’auditoire accro aux parties hypnotiques du batteur et aux riffs millimétrés du guitariste. Celui-ci injecte par ailleurs de discrètes touches électro qui propulse le duo dans une autre dimension, à l’instar du final infernal qui a laissé plus d’un spectateur pantois.

Une excellente entrée en matière pour Algiers dont le premier album éponyme est sorti chez Matador en juin dernier et a depuis récolté d’excellentes critiques. Les natifs d’Atlanta en Géorgie (qui ont depuis quitté cette ville qu’ils décrivent comme hostile) empruntent en effet des chemins de traverse politiquement chargés alors que leurs influences musicales vont de Nick Cave à Suicide en passant par TV On The Radio.

À ce propos, dès « Black Eunuch », les intonations très soul du chanteur Franklin James Fisher (alias Franky Vincent, au français impeccable suite à un séjour prolongé en France), sa physionomie et les touches gospel en filigrane vont indéniablement nous renvoyer à ces derniers. Même s’il se montre nettement plus démonstratif que Tunde Adebimpe en se roulant régulièrement par terre avec un tambourin tout en actionnant manuellement ses pédales à effets.

À sa gauche, le guitariste Lee Tesche (à la cool attitude naturelle) va décocher des riffs tranchants indispensables à l’équilibre d’une composition comme « Old Girl » lorsqu’il ne triture pas son instrument avec un archet pour un effet décuplé (« Claudette »). De l’autre côté de la scène, le bassiste Ryan Mahan va de temps à autre échanger son instrument contre une large console qui injectera des beats inspirés du hip hop (les bluffants « Irony, Utility, Pretext » et « But She Was Not Flying »). Le tout sera par ailleurs judicieusement résumé au sein d’un impeccable « And When You Fall ».

En tournée, le trio est accompagné d’un batteur qui est loin d’être un inconnu puisqu’il s’agit de Matt Tong, l’ancien stickman de Bloc Party (qui porte désormais les cheveux longs). Bien qu’il se concentre davantage sur la partie électronique de son kit, ses interventions apportent une âme supplémentaire à un environnement intense qui se veut même par moments menaçant, à l’instar de « Remains » et « Blood ».

Le seul bémol du concert sera le final atypique « Games », un peu trop sage alors qu’un titre puissant l’aurait sans doute propulsé parmi les meilleurs de l’année. D’autant qu’ils ne reviendront sur scène que pour s’excuser de ne plus avoir de chansons à jouer. Les plus chanceux du premier rang auront même droit à un bisou du bassiste avant que le groupe au grand complet ne se rende au stand merchandising où les ventes se sont affolées. Et quelque part, c’est mérité.

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